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25/06/2015

Histoire de taxis parisiens

Les taxis parisiens protestent avec virulence contre la légalisation du service Uber. En apparence, la question qu'il s'agit de traiter est simple. En réalité, elle l'est beaucoup moins.

Commençons par rappeler que les taxis parisiens tiennent une place particulière dans l'imaginaire français depuis l'événement des "taxis de la Marne" : en 1914, les troupes allemandes ont fait une percée par un col que l'armée française jugeait infranchissable, elles filent à tombeau ouvert vers Paris et, sûres de leur victoire, s'arrêtent au soir à faible distance de Paris pour porter l'estocade à une France qui en eût été aussi abasourdie qu'elle le fut vingt-six en plus tard en 1940. Mais là, trait d'inspiration : le général Gallieni, vétéran de la Coloniale, habitué aux solutions de bric et de broc, s'entend avec Waleswski, fondateur des taxis G7, et pendant la nuit, des centaines de taxis déplacent sinon une armée du moins des bataillons entiers, ce qui permet à l'armée française de créer la surprise. Stupéfaite de trouver un ennemi là où elle n'attendait qu'une débandade, l'armée allemande flageole, temporise, son élan est brisé, la défaite cuisante est évitée de justesse.

Cette prouesse (dont l'importance historique est discutée, à mon avis à tort) frappe les esprits et demeure à jamais comme l'un des hauts faits de cette épouvantable guerre, la dernière que la France ait gagnée. L'opération des "taxis de la Marne" ne fut possible que parce que Paris comptait, à cette époque, la moitié des taxis qui roulaient dans le monde. Sans ce fait chiffré, pas de troupes pour surprendre l'Allemand au réveil sur les bords de la Marne.

Les taxis parisiens sont restés populaires dans la période suivante à travers la silhouette familière du prince russe exilé et moustachu. Les taxis russes ont fait les beaux jours de l'entre-deux-guerres.

Mais dès la fin des années 1950, le rapport Rueff-Armand dénonçait la dérive de son système en corporation fermée et malthusienne. Cinquante ans plus tard, Jacques Attali, dans un rapport qu'il remit au précédent président de la République, préconisa d'en finir avec le système actuel et d'ouvrir la profession.

Le système actuel repose sur une "plaque", c'est-à-dire une licence d'exploitation, en principe achetée par le taxi en début de carrière, en quelque sorte un pas-de-porte. Ce principe du pas-de-porte était très courant encore voici quarante ans : on le payait pour reprendre une location d'appartement, un commerce, et même un cabinet médical sous la forme du rachat de clientèle. Il est devenu très rare et n'existe presque plus que dans un très petit nombre de professions réglementées.

Dans l'esprit, le système des plaques protège l'artisan. Il est le gardien des vertus de la corporation, en particulier celui de l'indépendance des chauffeurs. En réalité, il y a toujours eu coexistence de grandes sociétés et d'artisans, l'équilibre se faisant plus ou moins bien entre les différents acteurs du secteur.

Aujourd'hui, il existe plusieurs types de chauffeurs de taxi. Mettons de côté l'artisan idéal pour le moment : il a payé sa plaque 200000 Euros et gagne sa vie comme artisan, il est soumis à des charges sociales, professionnelles et fiscales importantes, mais il gagne bien sa vie et il est libre dans le cadre légal, sans autre maître que lui-même à bord de son taxi.

Un peu moins libre est le taxi qui s'affilie à une coopérative. Ce système lui rapporte des clients, mais prélève un pourcentage sur son chiffre d'affaires et lui impose un lot de contingences plus ou moins formelles et plus ou moins lourdes. L'artisan coopérateur reste cependant encore assez libre.

Le coût très élevé des plaques a contraint depuis longtemps un certain nombre d'artisans à passer par de véritables filières de travail. Dans ce premier cas, le chauffeur de taxi est toujours un artisan, mais il rembourse un montant conséquent à la filière qui lui a procuré sa plaque et il a certaines obligations, plus ou moins légales d'ailleurs, envers elle. Il est fréquent que ces filières s'établissent sur un critère ethnique.

La quatrième catégorie de chauffeurs de taxi possède sa voiture, mais est employée d'une compagnie. La cinquième est employée mais ne possède ni sa plaque ni sa voiture.

En somme, le système est assez complexe et recouvre des situations très différentes aboutissant à des réalités financières et à des revenus très contrastés, mais l'artisan conserve une place dans une organisation que l'on peut qualifier de corporation structurée par une tension entre grandes structures et acteurs indépendants.

À l'arrivée, Paris manque cruellement de taxis aux heures de pointe, et beaucoup de chauffeurs se battent les flancs aux heures creuses. De cette double insatisfaction est née l'observation de Rueff et d'Armand reprise par Attali.

Il ne faut pas négliger la part de l'idéologie dans l'approche Rueff-Armand-Attali : les libéraux se méfient par principe du système des corporations qu'ils ont d'ailleurs abolies en créant sous la Révolution Française le principe de la "liberté du commerce et de l'industrie", un principe que le XXe siècle a presque entièrement désamorcé.

Libéraliser les taxis sans racheter les plaques serait très injuste. Or leur valeur se chiffre en milliards et l'État est, sinon pauvre, du moins impécunieux. Donc pas question de racheter. Peut-on alors simplement autoriser plusieurs chauffeurs à se partager une plaque et organiser une régulation du trafic en temps réel en fonction des besoins qui se présentent ? Cela serait un minimum, car le fonctionnement actuel relève de l'âge des cavernes. Mais cela constitue une évidente régression de liberté pour les artisans.

Sauf que... sauf que l'affaire Uber montre que la régulation informatique/internet et la liberté du chauffeur sont extrêmement compatibles. L'uberisation des taxis parisiens pourrait donc avoir un avantage.

Mais à l'inverse, l'uberisation prouve que dans notre monde économique, la liberté totale profite moins à l'artisan qu'à des géants, en général américains, très adeptes de la défiscalisation. Le souvenir des taxis de la Marne peut alors nous rappeler que les taxis parisiens, ce n'est pas qu'affaire d'argent, d'artisanat et de commerce, mais qu'il peut s'agir de notre survie.

10:59 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : taxi, paris, la défense, delanoë, uber, artisanat | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

21/12/2009

Paris - Jean Bouin : le tribunal administratif a annulé la décision municipale de démolition.

Le tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le conseil de Paris a approuvé en février 2007 le principe des travaux au stade Jean Bouin. L'article du Moniteur en dit un peu sur cette décision dont la mairie de Paris veut minimiser la portée, indiquant par ailleurs qu'un nouveau vote aurait lieu le 31 mars prochain. Le choix de cette date du 31 mars soumet le choix d'avenir de Jean Bouin au scrutin des régionales, conformément au souhait des Verts. Il serait logique, en effet, qu'une négociation de deuxième tour avec eux et/ou d'autres formations hostiles au projet, comme le MoDem, puisse aboutir à un report d'une partie importante des crédits prévus pour Jean Bouin vers le tramway.

03/12/2009

Scoop : le sport pro est illégal au Parc des Princes, à Jean Bouin et à Roland Garros.

Avant de détailler le scoop annoncé dans le titre du présent article, et avant de livrer dans un prochain la vidéo de la soirée passée au stade Jean Bouin, à Paris, pour conférer des derniers développements de l'affaire de la reconstruction contestée dudit stade, un mot de la soirée et de l'after sympathique passé au clubhouse de Jean Bouin avec notamment deux des organisatrices.

De l'ensemble de cette soirée, je dois dire que je dégage une opinion un peu différente, ou plus nuancée, que celle que j'ai eue jusqu'ici. Dans cette affaire, la précipitation extrême que Bertrand Delanoë a voulu imposer au cours naturel des choses est le signe d'une anomalie. Il est possible que, comme la rumeur l'affirme, Max Guazzini, en difficulté financière, souhaite se retirer purement et simplement, et que Delanoë veuille l'aider dans ce projet de retraite. L'aide consisterait ici à accélérer les événements (à les brusquer, pour tout dire) plutôt que dans le contenu du projet nouveau pour le stade Jean Bouin.

Sur le contenu du projet, il est possible que les choses soient complexes. On dit que l'entourage de Guazzini se déchirerait sur sa succession prochaine. Il ne serait pas étonnant que cette division soit la cause de l'évolution du projet de modernisation du stade vers sa disproportion actuelle.

Le manque de savoir-vivre du projet est tel qu'il faut constater qu'il ne ressemble en rien à Delanoë, ni d'ailleurs (mais pour d'autres raisons) à Anne Hidalgo. Il y a un tel manque d'intelligence dans la grossièreté du concept de nouveau Jean Bouin, qu'il faut y voir la patte d'un esprit retors, mais sommaire. Je ne parle pas de l'architecte, mais de celui qui a rédigé la feuille de route de l'architecte et dont Delanoë a endossé les vues.

L'une des heureuses conclusions de la soirée est que la démolition, qui est censée préluder à la reconstruction, ne pourra être faite avant au mieux le début de l'été. En vérité, étant donné que les conclusions du commissaire-enquêteur contraignent l'architecte à amender sérieusement son projet, je crois que l'urgence se dilue de jour en jour, ce qui va permettre à la justice d'instrumenter sereinement dans une affaire qui prend des allures de dossier gigogne : il y a, d'un côté, la question de la validité de la concession attribuée de gré à gré en 2004 à Paris - Jean Bouin Team Lagardère, et de l'autre la question de l'avenir de Jean Bouin, aussi bien pour les travaux que pour l'attribution ultérieure du site.

Au pénal, une enquête de trois ans

Pour ce qui est du premier dossier, le favoritisme est présumé sur deux éléments, l'un de fait, l'autre de droit. De droit, l'obligation de recourir à un marché public lorsqu'il y a délégation de service public. Si l'on s'en tenait à cet aspect de la question, Delanoë pourrait plaider la bonne foi. Malheureusemement pour lui, il a un adversaire extraordinaire, qui était présent ce soir et que nous avons découvert. Cet adversaire, c'est M. Picart.

M. Picart est une forte tête avec une faconde parfaitement méditerranéenne et un acharnement de vrai teigneux. Il gère une société de tennis et, d'après ce qu'il a indiqué, il lui est arrivé de prendre des concessions de stades dans certaines localités, pour lesquelles il a recouru à la formation d'un très grand juriste, le regretté doyen Vedel. C'est lui qui a obtenu du tribunal administratif l'annulation de la convention de 2004.

Il se trouve qu'à cette époque, il avait manifesté publiquement et directement son intention de concourir pour l'attribution du stade Jean Bouin, c'est l'élément de fait : il y avait un concurrent réel pour Lagardère en 2004. Je dois dire que c'est une erreur de ne pas l'avoir laissé concourir. J'avais le même genre de réactions quand je voyais Bayrou verrouiller les candidatures de la base à certains postes : c'était ridicule, et un tel signe de faiblesse que cela en disait long sur la piètre idée qu'il avait de ses propres forces.

Toujours est-il que Delanoë a préféré faire sa concession de gré à gré. Grave erreur. Ce sont les petites erreurs qui ont parfois les pires conséquences.

Car M. Picart, en inépuisable teigneux, a indiqué ce soir avoir eu maille judiciaire à partir avec Éric Raoult et quelques autres, à propos d'une subvention, voici une quinzaine d'années, et avoir obtenu non moins de 2,5 millions de Francs de l'époque de dommages-intérêts. Il est de ces natures que rien n'arrête, qui n'ont aucune limite ni aucune faiblesse du moment qu'elles se sentent dans leur bon droit. M. Picart ira donc jusqu'au bout.

Logiquement, il s'est porté partie civile dans l'enquête au pénal. Il révèle que l'enquête de la brigade financière dure depuis trois ans et qu'elle repose sur un énorme dossier. Il a obtenu photocopie intégrale de ce dossier, qui, dit-il, lui a été facturée ... 800 Euros. 800 Euros de photocopies, cela doit faire en effet une belle pile.

Cela étant, j'ai encore des dossiers de travaux que j'ai rapportés pour les stades du 16e devant le conseil d'arrondissement, et il arrive facilement qu'un seul rapport fasse cent pages. Trois ans d'enquête en couvrent peut-être des milliers.

Le commissaire-enquêteur complique la tâche de l'architecte

Sur les travaux, les info sont multiples, nouvelles ou non. L'essentiel est que le rapport du commissaire-enquêteur (dont Delanoë s'est engagé à suivre les conclusions) comporte des remarques qui affectent aussi bien le contenu du projet que sa chronologie. Il a en effet demandé que soit abaissée la hauteur maximale du nouveau stade du côté de Boulogne-Billancourt, à proximité du site Le Corbusier. Je signale au passage que progresse l'idée d'englober tout ce quartier dans un périmètre de protection architecturale liée aux utopies urbaines et en particulier à l'œuvre du Corbusier.

Il y a aussi une nette difficulté de circulation (donc de sécurité) dans la rue Nungesser et Coli, limitrophe de Boulogne, donc du même côté, qui va certainement poser des problèmes architecturaux. Enfin, certaines remarques ont eu pour effet de retarder les travaux préparatoires de la démolition, ce qui repousse celle-ci au mieux (façon de parler) au début de l'été, comme je l'ai dit. Espérons qu'elle n'aura jamais lieu.

On verra dans la vidéo un grand moment oratoire de Claude Goasguen relatant la tenue d'une réunion de la commission chargée de plancher sur l'avenir de l'attrubtion de Jean Bouin. Quelque chose de très haut en couleur.

Pour l'aspect politique, l'instrumentalisation des Verts par l'UMP pour affaiblir la gauche est manifeste. À vrai dire, si la gauche défendait des projets plus raisonnables, elle prêterait moins le flanc à ce type de manœuvres. Le report du "nouveau Jean Bouin" au-delà des élections régionales conduit naturellement le Vert Sylvain Garel, présent ce soir comme lors des réunions précédentes, à suggérer que si le score d'Anne Hidalgo est faible aux régionales à Paris, Delanoë aura moins de possibilités d'imposer les absurdes tours dont il veut enceindre Paris, et quelques autres trouvailles ubuesques, comme Jean Bouin. C'est vrai, mais le vote vert n'est pas le seul à avoir cet effet, et Claude Goasguen ne s'est pas rengorgé pour signaler que le vote UMP aurait le même effet, c'est donc que le vote vert l'arrange, on a bien compris pourquoi.

Mais je dois dire que si cette collusion me dérange, je suis obligé de reconnaître que la présence de Garel dans l'affaire a eu un effet de dépolarisation très fructueux pour notre résistance. D'une manière ou d'une autre, cet effet heureux doit trouver sa récompense.

Pour le reste, notons que Delanoë ne montre encore aucun signe d'ouverture sur le dossier Jean Bouin, au contraire, et c'est dommage, car personnellement, je verrais d'un bon œil une solution qui lui permette de sortir de l'affaire la tête haute sans avoir démoli ni Jean Bouin (la tribune historique et les bâtiments des années 1920-30) ni l'usage scolaire qui n'est ni recasé ni recasable.

Le scoop

Il est temps d'en venir au scoop annoncé : dans son discours énergique, Claude Goasguen a fait une belle envolée pour expliquer que c'est tout une conception du monde qui était désormais en jeu, la pression du sport professionnel ne cessant de se renforcer sur nos sociétés. D'un côté les scolaires, de l'autre le sport fric, deux mondes qui s'affrontent, deux façons d'envisager l'existence. Si mes images sont réussies, ce sera un bon moment de vidéo, où j'ai trouvé le meilleur Goasguen, un Goasguen humaniste qui se fait trop rare.

Au milieu de ces développements, il a invoqué une décision du conseil d'état qui, si elle est bien telle qu'il l'a décrite (il est docteur dans une discipline juridique, tout de même), va tout changer dans les relations entre les collectivités et les équipes sportives professionnelles : désormais, il ne s'agit plus de traiter ces équipes comme des entités associatives, mais comme des sociétés commerciales. C'est vrai que le sport fric est une activité commerciale, il y aurait là un effort de sincérité juridique extrêmement appréciable.

Seulement voilà : ainsi que je l'ai expliqué dans une précédente note, l'acte de Napoléon III qui a créé ce quartier y a interdit toute activité commerciale. Dès lors que le sport professionnel est considéré comme une activité commerciale, il y est donc interdit, c'est-à-dire qu'il est interdit au Parc des Princes, à Jean Bouin, et même à Roland Garros. Quod erat demonstrandum.

22/11/2009

Paris - Jean Bouin : Delanoë récuse mal le favoritisme.

Je pensais n'avoir plus à écrire sur le stade Jean Bouin, situé à Paris XVIe, mon quartier, ce n'est pas le centre du monde, et je crois que les intéressés disposent des arguments juridiques suffisants pour faire capoter le projet grotesque soutenu par Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Mais il se trouve que celui-ci devrait être bientôt mis en examen pour abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêt, en somme favoritisme. C'est donc l'occasion de récapituler les différents aspects de l'affaire et de réagir aux récents propos en défense tenus par Delanoë au micro de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1.

L'historique

Le stade Jean Bouin a été construit dans la foulée des Jeux Olympiques de Paris qui avaient eu lieu en 1924 sur l'ancien glacis des fortifications de l'ouest parisien. Jean Bouin avait été  avant 1914 un athlète du CASG Paris, club qui, dès l'origine en 1925, fut concessionnaire de l'équipement qui portait le nom de son athlète. Le CASG était à l'origine une émanation de la Société Générale (Club Athlétique de la Société Générale, avant d'être rebaptisé en 1919 Club Athlétique des Sports Généraux) et la Société Générale fut le sponsor du club jusqu'au début des années 2000, soit pendant un siècle. Le groupe Lagardère remplaça alors la Société Générale "à la tête du club" comme le formule très justement la notice Wikipedia.

La tribune édifiée en 1925 le fut par un grand architecte de l'époque, Lucien Pollet, le même qui construira ensuite la piscine Molitor voisine. On y trouve avec logique les anneaux olympiques dans la structure même de l'édifice qui se place dans le projet général des utopies urbaines et qui est une œuvre rare qui mériterait d'être classée monument historique en lien avec la piscine Molitor.

Autour du stade, le quartier est homogène des années 1920-1930, comptant de nombreux logements qui appartiennent à la Ville de Paris, à vocation sociale, articulés autour de deux lycées et de deux écoles primaires, le tout formant un ensemble cohérent. Il y avait à l'origine quatre autres stades utilisables par le quartier : Roland Garros, le parc des Princes, le fond des Princes, et Géo André, site originel du Stade Français. Ce dernier a été fortement écorné par le creusement du boulevard périphérique, qui a conduit à la construction d'un vaste bâtiment où se coudoient bureaux, commerces et gymnases du Stade Français. Le Parc des Princes originel a lui aussi été démoli à la fin des années 1960 pour laisser place à la construction actuelle, une structure de béton qui n'est pas sans poser de problèmes de solidité.

Jusqu'aux années 1980 le stade Jean Bouin vit sa vie avec son club résident. Ses sections sont le hockey sur gazon, le rugby, le tennis et bien sûr l'athlétisme. Il s'agit donc de ce qu'on nomme un "club omnisport".

Mais à la suite du bétonnage de Géo André et du Parc des Princes, la pression des promoteurs commença à s'exercer dès la fin des années 1970. On vit circuler dans les années 1980 un projet qui visait à remplacer le stade Jean Bouin et la piscine Molitor par un complexe immobilier de très grande ampleur, à deux pas de Roland Garros et du champ de course d'Auteuil, donc avec beaucoup d'argent à la clef. Les élus et les habitants de cette partie de Paris résistèrent alors rudement aux appétits de la municipalité parisienne de droite, et obtinrent en 1990 l'inscription partielle de la piscine Molitor à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. De ce fait, le projet immobilier était caduc. Jean Bouin pouvait respirer. Pas pour longtemps.

Le tournant de 1992 : l'arrivée de Max Guazzini

La section rugby du CASG crut pouvoir se lancer dans le haut niveau, sous l'impulsion de son président de l'époque. Ce fut un échec terrible qui entraîna la CASG dans la déconfiture financière, au point de mettre son avenir en danger. Jean Bouin redevenait vulnérable. C'est alors qu'apparut Max Guazzini, cofondateur de la radio et du groupe NRJ. Seuls les connaisseurs savaient qu'il avait été le collaborateur de Bertrand Delanoë et que ce dernier avait ensuite été le "commissaire politique" du Parti Socialiste dans le groupe NRJ, les liens entre eux n'étaient pas seulement amicaux, mais de véritables liens d'intérêt.

Guazzini, très talentueux, expansif, avait décidé d'accélérer le passage du rugby français au professionnalisme. Il assuma cette tâche en prenant le contrôle d'une nouvelle structure commune au CASG et au Stade Français, qui jouerait au stade Jean Bouin. En apparence, Jean Bouin était sauvé, mais c'était en ayant perdu une part de son indépendance. Se sentant menacé par l'impérialisme du Stade Français, le CASG rapprocha alors ses autres sections de celles du Racing Club de France (RCF) pour faire contre-poids au Stade Français, ces deux clubs étant opposés par une rivalité quasi-ancestrale.

Dès son arrivée à Jean Bouin, Guazzini s'y sentit à l'étroit. Il demanda plusieurs fois la suppression de la piste d'athlétisme qui enserre le terrain de rugby. Lorsque j'étais adjoint au maire en charge des sports, je me suis opposé à cette annexion, la piste d'athlétisme étant indispensable aux très nombreux scolaires de l'enseignement public qui fréquentent le stade. Il obtint aussi de jouer plusieurs matchs par an au Parc des Princes tout voisin. Il fit bituminer un terrain jusque-là dévolu au volley des scolaires pour un parking, et une allée sableuse qui longe la fameuse tribune Pollet.

Les choses en étaient là lorsque j'ai quitté les fonctions d'adjoint au maire du XVIe chargé des sports en 2001.

L'arrivée de Lagardère

Il m'a été donné de rencontrer Arnaud Lagardère une fois lorsque j'étais adjoint au maire : son fils apprenait le karaté dans un club du quartier, j'avais l'habitude d'assister à la fête de fin d'année du club, au stade Pierre de Coubertin, et cette année-là, Lagardère était là avec sa femme (une jolie ex-mannequin des années 1980), voulant faire la fête pour son fils qui était heureux de la fête de son club. Jean-Luc Lagardère était encore vivant, Arnaud n'était que l'héritier. C'est moi qui ai passé la médaille du club au cou de l'enfant, Arnaud Lagardère rigolait chaleureusement et me glissa, en montrant sa caméra vidéo : "Je vous ai dans la boîte".

L'arrivée de Lagardère à Jean Bouin coïncide à peu près avec la mort de son père (victime d'une opération à la clinique du sport dont les responsables viennent d'ailleurs d'être lourdement condamnés pour leurs déficiences) et avec sa prise des rênes du groupe Lagardère, en 2003. C'était aussi le temps de la préparation de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques (JO) de 2012. Arnaud Lagardère se montrait l'un des soutiens les plus solides de cette candidature, comme il soutenait Delanoë, devenu maire de Paris en 2001. En devenant le sponsor du club, il en devenait le patron de fait. Et d'ailleurs, c'est après cette époque qu'ont été implantés les affreux Algéco qui défigurent le stade et qui portent le fanion "Team Lagardère".

La candidature pour les JO de 2012 avait rouvert la boîte de Pandore de l'avenir de Jean Bouin. On y trouvait un projet de modernisation du stade qui ouvrait des incertitudes mais qui, en aucun cas, n'aboutissait à la démolition de la tribune historique ni à l'expulsion définitive des scolaires. Le renouvellement de la concession du stade Jean Bouin s'est fait pendant la procédure de candidature, et on peut légitimement se demander si l'arrivée de Lagardère à Jean Bouin n'a pas été une forme de contrepartie que Delanoë lui aurait donnée pour le soutien de la candidature de la Ville aux JO, ce qui correspondrait en effet à une logique de favoritisme.

Après l'échec de la candidature, Lagardère entreprit de développer un projet absolument faramineux pour le stade qui lui était dévolu : il s'agissait d'une sorte de dôme géant, un POPB (Palais Omnisport de Paris-Bercy) dédié au tennis, à l'ouest de Paris, comme le POPB est à l'est. La réaction des riverains et des élus fut extrêmement virulente, le projet tomba, mais le mal était fait : désormais, l'avenir du stade Jean Bouin devenait incertain.

Le projet actuel et ses péripéties

On revint donc à l'hypothèse d'une modernisation du stade de rugby actuel, qui protégeait à la fois les éléments architecturaux et l'usage scolaire. La nomination de Bernard Laporte au gouvernement, à l'automne 2007, changea encore une fois la donne : Laporte était le patron sportif historique du Stade Français sous Guazzini, c'est lui qui avait réussi à reformer à Paris la ligne mythique du pack de Bègles qui avait propulsé le Stade dans l'élite. Proche de Guazzini qui était plus qu'un ami pour Delanoë, Laporte se retrouvait parmi les favoris de Sarkozy. Le pont entre la droite et la gauche naissait à leur profit, commun à Guazzini et à Lagardère.

C'est sans doute ainsi qu'est née l'idée de dépecer définitivement le stade Jean Bouin.

En effet, le projet actuel coupe le stade en deux moitiés : au sud, le rugby dans un stade privatif ; au nord, des courts de tennis et un gymnase, dévolus officiellement à Paris - Jean Bouin, et officieusement au Team Lagardère. Le stade Jean Bouin était victime d'un Yalta, victimes devenaient le hockey, l'athlétisme, et surtout des milliers de scolaires pour lesquels on imaginait un très vague et lointain déplacement dans des terrains qui seraient créés au milieu du champ de course d'Auteuil (à pied, c'est très loin, alors que Jean Bouin est au pied de deux des trois lycées concernés), alors même que le champ de courses n'appartient pas à la Ville, mais à l'État.

On ne sait pas bien pourquoi, à ce yalta sportif qui est une bérésina scolaire, s'ajoutent 7500 mètres carrés de commerces, qui n'ont aucun rapport avec l'ensemble.

Le tout atteint le budget minimal de 150 millions d'Euros, mais les spécialistes parlent de 200 millions, voire de 300 millions, ce qui, dans un contexte de pénurie fiscale et de suppression de la Taxe Professionnelle, semble encore plus absurde.

Fin 2008, il devint évident que la concession de Jean Bouin allait poser des problèmes juridiques, et la municipalité parisienne préféra la casser unilatéralement au cours d'un vote épique du conseil de Paris. Trop tard : le tribunal administratif de Paris l'annulait en mars suivant au motif de l'absence d'appel d'offres, et cette annulation ouvrait automatiquement la procédure pénale de favoritisme. Delanoë fut convoqué discrètement par la Brigade financière en juillet, et on apprend qu'il est de nouveau convoqué pour le 2 décembre prochain, dans la perspective d'être mis en examen.

Entre-temps, 7000 personnes ont défilé à Jean Bouin pour protester contre la démolition du stade, où l'on remarquait les représentants des municipalités du XVIe arrondissement et de Boulogne-Billancourt, des deux fédérations de parents d'élèves (PEEP et FCPE pourtant réputée proche de la gauche), des syndicats d'enseignants d'EPS, de la fédération française de hockey sur gazon, et de plusieurs partis politiques, parfois même membres de la majorité municipale : UMP, Nouveau Centre, MoDem, Verts. La section du PCF du XIVe arrondissement s'est même prononcée officiellement pour que le stade Charléty devienne le stade de référence du rugby parisien, et non Jean Bouin.

Les derniers arguments de Delanoë

Lors de l'interview d'aujourd'hui, Delanoë a développé une défense en plusieurs aspects.

- il n'y a pas eu de favoritisme.

arguments :

1) la concession du stade Jean Bouin de gré à gré a été votée à l'unanimité en 2004. Si Delanoë a su trouver les arguments pour convaincre tout le monde à l'époque, on voit mal en quoi cela l'exonérerait d'un favoritisme. Il faut se rappeler que, lorsqu'il a aidé Lagardère à prendre le contrôle du RCF à la Croix-Catelan, c'est au moyen d'un appel d'offres qu'il l'a fait. Dès lors, si l'appel d'offres a permis l'arrivée de Lagardère ici et si l'absence d'appel d'offres a permis son arrivée là, on est en droit de s'interroger sur la sincérité des procédures employées, et donc sur l'éventualité d'un favoritisme.

2) la concession a fait l'objet du contrôle de légalité par le préfet. L'inefficacité du contrôle de légalité est l'un des points faibles de la décentralisation depuis 1982, ce contrôle n'empêche pas l'annulation d'un très grand nombre d'actes publics chaque année, ni l'ouverture de procédures judiciaires annexes.

3) la chambré régionale des comptes a avalisé la concession. Est-elle chargée d'un contrôle de légalité ? Non : c'est le préfet. Il lui arrive de soulever des lièvres, mais ce n'est pas systématique. Son métier est la comptabilité publique.

- la Ville a besoin d'un stade entièrement consacré au rugby et n'a pas d'alternative

Delanoë explique au passage qu'"un de ses prédécesseurs" a construit à Charléty non pas un stade de rugby, mais un stade d'athlétisme. Le prédécesseur en question, c'est Chirac. Et non, il n'a pas construit un stade d'athlétisme : il a construit un stade pour le Paris Université Club (PUC), qui est un club omnisport comme Jean Bouin et qui, à l'époque, jouait dans l'élite du rugby...

La Ville pourrait très bien faire jouer en alternance au Parc des Princes football et rugby. On m'a parlé d'une solution technique très satisfaisante employée au stade de Cardiff au Pays de Galles, qui permet de refaire entièrement le terrain à chaque occasion, et qui n'est pas plus coûteuse que l'entretien normal.

Par ailleurs, si Delanoë acceptait de considérer que Paris, ce n'est pas seulement la ville réfugiée derrière son périph, mais bien l'agglomération parisienne, l'alternative existerait immédiatement. Il faut souligner qu'il existe déjà deux grands stades sous-utilisés en Île de France : le Stade de France, et Charléty.

- le stade Jean Bouin n'a plus de concessionnaire, il y aura appel d'offres pour sa prochaine attribution

Mais ça, c'est une forme d'aveu.

Et il faudrait le dire aux gens qui soutiennent le projet de reconstruction du stade et Guazzini : car il est évident que celui-ci n'a aucune garantie de poursuivre là ses activités...

J'irais même jusqu'à dire qu'il est évident que Guazzini ne sera pas le prochain bénéficiaire de la concession du stade Jean Bouin, non plus que Lagardère qui a pourtant dopé (si j'ose dire - c'est un mot qu'on ne prononce jamais dans les tribunes d'honneur des clubs, on se demande pourquoi...) l'équipe du RCF pour la propulser dans l'élite.

Comme je l'ai souligné dans l'une des vidéos que j'ai consacrées à ce sujet, celui qui va évidemment tirer les marrons du feu à Jean Bouin, c'est Colony Capital, concessionnaire du Parc des Princes, et dont le métier est justement l'immobilier, et en particulier l'immobilier commercial ! Voici cette vidéo et le lien avec mes précédents articles et vidéos sur ce sujet : surtout, et et .

La destruction de la tribune historique du stade Jean Bouin serait une grande perte pour nos monuments historiques, et la mise à l'écart de milliers d'élèves qu'on se propose de transbahuter en autocar dans les embouteillages parisiens pendant un nombre d'années indéterminé serait un signal extrêmement funeste donné à notre avenir : le sacrifice des scolaires au sport fric (où la triche est la règle comme Henry l'a montré) serait tout simplement un scandale.

Le Collectif Jean Bouin appelle à un nouveau rassemblement sur place le 2 décembre à 19 heures.

12/10/2009

Paris Jean Bouin : manif le 18 et vidéo des prof d'EPS.

Après L'Hérétique, je relaie à mon tour l'appel à la manifestation dimanche 18 matin au stade Jean Bouin, et la vidéo réalisée par les prof d'EPS.

18/09/2009

Paris - Jean Bouin : le béton et les sempiternelles magouilles parisiennes.

Depuis quinze jours, j'ai donné quatre notes sur le projet de démolition du stade Jean Bouin. Pour mémoire, on peut les lire ici, ici, ici et . Voici je pense la dernière, en tout cas mes conclusions complètes et définitives.

Pour mémoire également, je rappelle qu'il s'agit officiellement de démolir les installations existant sur le stade Jean Bouin, tout contre le Parc des Princes, à Paris, le long de la frontière du 16e arrondissement de Paris et de la ville de Boulogne-Billancourt. À la place, le projet aboutit à la construction d'un nouveau stade entièrement dédié au rugby, pouvant accueillir 20000 spectateurs, ainsi qu'un nouveau gymnase, 1000 m2 de bureaux et 7400 m2 de commerces. Quelques courts de tennis en plus de la vingtaine existante achèvent le tableau.

Le bonneteau financier et l'appropriation privée du domaine public

En fait, il est impossible de détacher le projet de Jean Bouin du reste des équipements sportifs voisins : il se trouve que le propriétaire du concessionnaire du Parc des Princes (le fonds spéculatif Colony Capital, propriétaire du Paris-Saint-Germain) est devenu concessionnaire de la piscine Molitor, ce qui est logique pour lui, parce qu'il a des intérêts substantiels dans le groupe hôtelier Accor et que la piscine Molitor doit devenir l'accessoire d'un hôtel **** consacré à la remise en forme, une thalasso de luxe en quelque sorte. Depuis que l'État, sous l'impulsion du ministre de la Culture Jack Lang, a décidé en 1990 d'inscrire une partie de la piscine Molitor à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, la Ville de Paris a pris la piscine en grippe, s'en sentant dépossédée, et a toujours juré que si l'on voulait que la piscine soit restaurée et rouverte, il fallait que cela ne coûtât pas un centime au contribuable parisien.

Or la rénovation de la piscine, sans ses accessoires hôteliers, coûterait sans doute 50 millions d'Euros.

Depuis 1990, plusieurs projets ont couru, dont certains utilisaient l'ancien bassin couvert à fin hôtelière, d'autres utilisaient la partie nord, tout près de Roland Garros, pour une résidence pour les jeunes tennismen qui, tout au long de l'année, viennent s'entraîner à Roland Garros. Le musée du Tennis aurait été installé dans les sous-sols de la piscine. Bref, des projets plus ou moins sportifs avaient couru.

L'arrivée de Colony Capital dans le paysage, au Parc des Princes, a tout changé. Colony Capital est un fonds spéculatif de droit américain, spécialisé dans l'immobilier. Et Colony Capital, tout en pleurnichant qu'il lui faudrait cinquante ans pour rentabiliser la piscine Molitor nouvelle, a présenté un projet qui, en apparence, est un énorme cadeau pour la Ville : investissement de 68 millions d'Euros pour restaurer les deux bassins de la piscine et le bâtiment, transformation d'une partie du bâtiment en hôtel quatre étoiles et accessoires de remise en forme, création de quelques dizaines de places de parking et de quelques commerces.

Or Colony Capital est un vrai fonds d'investissement, à l'américaine. Il sait que, pour vendre, pour vendre cher, pour soutirer beaucoup d'argent au client, il faut d'abord, non pas indiquer le prix qu'on demande (fi !), ni même les qualités du produit (bof...), ni même encore flatter le client (quoique...) mais surtout, surtout, lui faire un cadeau de bienvenue (ah !...).

Bienvenue au casino Colony Capital, asseyez-vous, vous prendrez bien une piscine Molitor ? C'est gratuit... (prononcer cette phrase avec la bouche en coeur, et un air de philanthrope, sans laisser transparaître une grosse arrière-pensée : "on va vous soutirer des millions").

Car dans le même temps où, pour l'intérêt public et dans un élan de sacrifice et de risque financier considérable, Colony Capital s'apprête à débourser 68 millions d'Euros pour que les habitants du 16e arrondissement de Paris (et les scolaires en particulier) puissent retrouver leur chère piscine, le même fonds Colony Capital cherche paraît-il... 75 millions d'Euros pour retaper et moderniser le Parc des Princes. Qui, croyez-vous, va se dévouer pour financer ces travaux au Parc des Princes ? Le contribuable parisien. Autrement dit, Colony Capital débourse 68 millions pour créer une affaire rentable, qui lui permet d'économiser une dépense de 75 millions dans son stade... Un jeu de bonneteau, pas vu pas pris. Bénéfice net immédiat de l'opération : 7 millions d'Euros, plus un hôtel **** de 98 chambres avec thalasso, piscine attenante, parkings, et boutiques.

Plus encore : la rénovation du stade Jean Bouin, en principe, est destinée à créer un stade de rugby pour l'équipe phare du rugby parisien, celle qui a révolutionné l'économie du rugby français en quinze ans : le Stade Français. Or en fait, les autorités de la Ville ne cachent pas qu'un nouveau club de rugby va être créé dans le 16e, à l'image de ce qui a été fait avec le PSG lorsqu'il a fallu doter le tout nouveau Parc des Princes d'un club résident voici quarante ans. Et comme la concession accordée (puis brusquement retirée) à Paris Jean Bouin et au Stade Français s'avère illégale (selon le Tribunal Administratif de Paris, qui sera certainement confirmé en appel par le Conseil d'État), le nouveau stade Jean Bouin se retrouve sans destinataire. Et qui, croyez-vous, va se dévouer ? Colony Capital, comme le président de cette structure ne le cachait pas fin août dans un entretien accordé au site Challenges.fr.

Et là, on passe aux vrais gros sous. 7 millions et un hôtel, c'était un hors d'oeuvre.

200 millions d'Euros d'investissement, 1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces, 500 places de parking, dans le 16e arrondissement, ça vaut des fortunes. Et pour acquérir tout cela, pas un centime : le contribuable parisien va tout payer. On va transformer un espace vert du domaine public en galerie marchande de gros rapport. Miam, on va se goinfrer. Et Colony Capital va prendre l'ensemble en concession contre une redevance modique, qu'il ne versera d'ailleurs à la Ville de Paris qu'en échange d'autres coûteux et encombrants travaux, le tout baignant sans aucun doute dans la plus parfaite honnêteté.

Et avec un stade de footbal de haut niveau, un stade de rugby de haut niveau également, et Roland Garros à deux pas, la thalasso sera ce que sont beaucoup de ces thalasso : une mine d'or. On va se goinfrer, je vous dis.

En somme, en apparence, Colony Capital fait le beau geste de rénover une piscine à fonds quasi-perdus. En réalité, il se prépare des bénéfices  rapides de plusieurs dizaines de millions d'Euros.

Le tout, grâce à une municipalité de gauche. Qu'est-ce que ce serait avec une municipalité de droite !

Victimes : le domaine public, l'espace vert, les sportifs amateurs du cadre associatif, et plusieurs milliers d'élèves des lycées voisins, qui vont devoir faire la noria en autocar (170 rotations par semaine) pour galoper dans un stade du 15e arrondissement, de l'autre côté de la Seine. Une paille.

Le départ de Guazzini est-il inéluctable ?

L'arrivée de Guazzini dans le rugby et au stade Jean Bouin, au début des années 1990, a été une grande surprise. Une image de grande fraîcheur s'en dégageait, ainsi que l'image d'un homme d'affaires mécène, à qui tout réussit. Or il y avait un fort risque de dérapage politico-financier dès cette époque, et si Internet avait été développé alors comme ça l'est aujourd'hui, il est évident que nous aurions tous considéré l'affaire d'un autre oeil.

Il s'agit évidemment des liens personnels, politiques et financiers qui unissent Delanoë à Guazzini : on apprend ici que Guazzini a tenu la permanence juridique du jeune député Delanoë voici une trentaine d'années, et on apprend que c'est Delanoë qui a présenté Jean-Paul Baudecroux, fondateur de la radio et du groupe NRJ, à Guazzini en 1981. Le site Bakchich a d'ailleurs souligné à l'occasion de cette interview les liens qui unissent NRJ au Parti Socialiste, Delanoë ayant été en quelque sorte "commissaire politique" auprès de la radio.

Or NRJ va mollement, comme beaucoup de médias anciens, le PS ne va pas follement non plus, et Delanoë a annoncé qu'il ne se représenterait pas à la mairie de Paris en 2014 (peut-être pour se ménager une carrière nationale qui va cependant devenir délicate...). Tout semble donc converger pour que Guazzini, qui a passé la soixantaine, songe à se retirer. C'est l'une des hypothèses les plus vraisemblables qui circulent : Guazzini revendrait ses droits locaux, et toucherait ainsi en quelque sorte son dividende de quinze ans d'investissement personnel et politique.

En tout état de cause, Anne Hidalgo, venant présenter le projet de stade Jean Bouin à la mairie du 16e, n'a pas caché, comme je l'ai dit, qu'une nouvelle équipe de rugby serait créée dans le 16e, ce qui semble accréditer l'hypothèse de la retraite de Guazzini, fortune faite.

Comment Delanoë a "plumé la volaille centriste" et verte.

Il faut aller encore un peu plus loin : jusqu'ici, nous n'avons évoqué que le stade Jean Bouin, la piscine Molitor, le Parc des Princes, il y a à une distance de quelques centaines de mètres à peine un autre équipement historique du Bois de Boulogne : l'hippodrome d'Auteuil.

Cet hippodrome est censé accueillir les scolaires délogés de Jean Bouin. Pour cela, la Ville de Paris a prévu des travaux (encore un montant faramineux) à hauteur de 25 millions d'Euros, pour créer une piste d'athlétisme, trois terrains de sport sur gazon, et une promenade paysagée, le tout sur 14 hectares. Apparemment, il ne s'agirait que d'un premier pas dans le dépeçage de l'hippodrome d'Auteuil.

Et tout soudain, on se dit que ce qu'on a aimé dans Delanoë 1 manque cruellement à Delanoë 2, et que si ça manque, il faut voir pourquoi ça manque.

La Ville de Paris a connu, depuis Haussmann, de nombreuses périodes de fièvre bâtisseuse. Celle d'Haussmann, bien entendu, celle des fortifications entre les deux guerres mondiales, celle de Pompidou, prolongée jusqu'au début des années 1990 par Chirac. Trop nombreux sont les exemples pour qu'on ait besoin de les citer.

Cette fièvre a baissé brusquement avec l'arrivée de Jean Tibéri à la mairie de Paris en 1995 : il a renoncé à toute nouvelle ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) alors que plusieurs projets frétillaient encore dans les cartons. Après lui, Delanoë a rejeté aussi toute idée de bétonnage. Pourquoi ? Apparemment, pas par conviction personnelle. Mais parce qu'il ne disposait d'aucune majorité au Conseil de Paris sans les voix des élus Verts.

Il faut se remettre dans le contexte : en 2001, la campagne municipale se fait sur fond de "majorité plurielle" et le PS de Jospin et Delanoë entend se montrer comme un leader de la Gauche, certes, mais un leader magnanime, qui laisse beaucoup de place à ses partenaires. L'élection parisienne est une vitrine de la stratégie de communication de Jospin pour la présidentielle de l'année suivante. On sait ce qu'il en a été, et comme le PS a attribué à sa trop grande générosité son échec du 21 avril 2002.

Et Delanoë restait avec ses encombrants alliés sur les bras. Les Verts, en particulier, très exigeants dans le domaine des transports (ce qui les rend impopulaires), mais aussi contre le bétonnage, et, cerise sur le gâteau, en matière financière. De véritables empêcheurs de fricoter en rond.

Et puis les Verts avaient un défaut, cardinal aux yeux d'une grande partie du PS parisien : ils étaient très ouvertement pro-Palestiniens, et critiquaient abondamment les subventions communautaristes qu'ils trouvaient dans le budget de la Ville. On trouvera facilement, par exemple, le rapport fait alors par une adjointe verte au maire du 14e arrondissement, qui refusait une subvention à une école juive loubavitch, au nom de la laïcité. Certains des réseaux qui soutiennent le plus Delanoë ne supportaient plus les contraintes de cette alliance verte. Il fallait faire quelque chose.

Or il s'est trouvé qu'à partir de 2002, les centristes de l'UDF de François Bayrou et Marielle de Sarnez cherchaient à se libérer du joug UMP. C'est à partir de 2004, je crois, que certains votes de l'UDF permirent à Delanoë de s'émanciper de sa "majorité purielle" municipale. En filigrane se dessinait peu à peu l'hypothèse d'un retournement d'alliance de l'UDF parisienne, qui entrerait dans la "majorité plurielle" de Delanoë à l'occasion des municipales suivantes.

Est-ce à cause de la présidentielle, ou parce que son but (l'affaiblissement des Verts) était atteint ? Delanoë, seul en piste, choisit de gouverner désormais seul, entouré d'alliés croupions et séparé des ex-UDF devenus à la fois MoDem, ratatinés et cocus.

La conséquence en est la réapparition du projet (qui traîne depuis trente ans dans les cartons) de tours géantes enceignant Paris, et un déferlement de béton et de fric sur le Bois de Boulogne.

Étant donné le tour pénal pris par les événements à Jean Bouin, il ne fait aucun doute que son chemin ne sera désormais plus tapissé de pétales de roses.

Le départ de Roland Garros est inéluctable

Si l'on met même de côté l'éventualité du bétonnage de l'hippodrome et de toute cette partie du Bois, il y a encore un dossier de nature à exciter les hormones des promoteurs immobiliers : c'est celui de Roland Garros, autre équipement sportif dans le voisinage immédiat de tous ceux dont il a été question jusqu'ici.

Roland Garros est un mythe. Ce stade de tennis a vu ses premiers "internationaux" en 1928, plusieurs victoires des Mousquetaires de la coupe Davis y ont été remportées, mais le tennis mondial, sport spectacle par excellence, torrent de pognon à échelle planétaire, a du mal à se satisfaire désormais des installations de la porte d'Auteuil. Tôt ou tard, elles ne lui suffiront plus, le tournoi de Roland Garros devra déménager ou mourir.

Il y a trois aspects dans l'affaire : la compétition sportive, la kermesse, le programme de télévision.

La compétition n'a pas besoin d'un espace plus grand que le Roland Garros actuel, elle y est à son aise. La kermesse n'est pas aussi étendue, loin s'en faut, que dans d'autres tournois majeurs : celui des États-Unis, à Flushing Meadow, s'étale sur une surface deux fois plus grande que Roland Garros. Or qui dit kermesse dit boutiques, et argent, profit, donc moins de kermesse égale moins de sourires des marchands du sport. Le programme de télévision a aussi un problème à Roland Garros : la pluie. Quand il pleut, il n'y a pas de matchs, donc pas d'antenne, donc il faut rembourser la pub, bref c'est plus que contrariant pour la World Company.

Or au lieu de réserver le palais Omnisport de Bercy pour certaines retransmissions du tournoi (ce qui coûterait peu), voilà que Roland Garros a inventé de vouloir s'adjuger un stade municipal. Même pas comme Jean Bouin qui, depuis sa création, est concédé à un club de sports. Non, un vrai stade municipal, géré en régie, et qui sert lui aussi pour les scolaires et les associatifs : le stade Georges Hébert, juste en face du lycée La Fontaine.

On croit rêver.

Il s'agit d'y édifier un stade de 15000 places, couvert, devant servir ... quinze jours par an. Le comble du scandale.

Il est évident que ce projet trop absurde ne verra pas le jour, et que Roland Garros se contentera d'implanter une installation provisoire, démontable, à l'entrée du Bois de Boulogne, et une forme de toiture sur le court central.

Mais ces investissements ne feront que reculer l'échéance : au nom de la kermesse, au nom des programmes télévisés, il faudra, tôt ou tard, que Roland Garros se trouve une autre implantation, plus au large.

Hélas, ce n'est pas ce qu'a sérieusement voulu dire Jean Gachassain, président de la Fédération Française de Tennis, lorsqu'il a lancé que Roland Garros allait s'installer près d'Eurodisney ou près d'un hypothétique nouveau circuit de Formule 1 (grrr) à Sarcelles.

Il y a une part de sens dans la première idée : le Roland Garros nouveau doit disposer d'une importante infrastructure de transport et d'hébergement hôtelier, deux atouts que présente en effet Eurodisney. Mais on peut être sceptique pour l'aspect hôtelier : durant la quinzaine de Roland Garros, les principaux joueurs du circuit ATP résident dans les palaces parisiens. On les voit mal s'exiler à Eurodisney...

Et de toutes façons, il est évident que Gachassain a joué la provocation, peut-être pour faire pression pour son court de 15000 places, en tous cas pour éviter une hausse de la redevance que la FFT verse à la Ville de Paris pour l'utilisation de Roland Garros, qui paraît en effet modeste, puisqu'elle ne s'élève qu'à 1,5 million d'Euros par an, alors que le tournoi rapporte des dizaines de millions d'Euros à la FFT chaque année.

Le départ inéluctable de Roland Garros sera l'occasion de la véritable redistribution des cartes dans le quartier. Que fera-t-on des hectares de terre battue et des immenses courts en béton ? Voilà la grande question.

D'ici là, la Ville de Paris tente de promouvoir une candidature pour l'Euro de football 2016. Elle aurait tort de ne miser que sur ses propres forces, et il est évident que cette candidature doit être portée à l'échelle de l'agglomération parisienne tout entière, ce qui évitera de nouvelles emprises foncières sur des espaces verts.

Quant à notre quartier, entre la porte d'Auteuil et la porte de Saint-Cloud, il doit retrouver sa vocation d'espace vert et sportif. Je pense que le projet de Jean Bouin va devenir vite un "bâton merdeux" pour la municipalité, qui ne pourra le mener à bien. Le seul inconvénient de la disparition de ce projet est que, probablement, elle entraînera celle de la rénovation de la piscine Molitor qui en est en fait l'accessoire. Et on sera reparti pour un tour de fermeture, des années d'enfants sans piscine.

Il reste qu'on peut (et doit) se demander pourquoi Delanoë met un tel acharnement à s'aliéner la sympathie des écologistes.

J'ajoute qu'on m'a demandé sur place une prise de position formelle du MoDem parisien, moi qui n'y suis plus guère.

Décidément, ils sont incorrigibles, ces politiques de l'ancienne manière. Vivement qu'ils prennent leur retraite, comme dit Quitterie.

17/09/2009

Paris - Jean Bouin : la vérité apparaît.

La découverte de la vérité m'a amené à faire cette vidéo où je l'explique.

Je donnerai mes conclusions définitives et complètes sur l'affaire Jean Bouin demain.

 

10/09/2009

Paris Jean Bouin : les soupçons de fraude et le piège.

Il y a une ou deux chose(s) que je ne vous ai pas dite(s) et qu'il faut savoir pour comprendre une partie des événements qui dramatisent l'affaire du stade Jean Bouin.

Les rivaux de Painful Gulch

Tout d'abord, il y a la rivalité profonde, traditionnelle, entre le Stade Français et le Racing Club de France (RCF). C'est un peu ce que sont Oxford et Cambridge à l'aviron britannique ou le PSG et l'OM au football français. On pourrait aussi parler des rivaux de Painful Gulch d'un certain album de Lucky Luke par Morris et Goscinny. C'est pire que des haines de clans corses.

La situation, telle que je l'ai laissée en quittant la mairie du XVIe en 2001, était que Jean Bouin était le lieu d'une véritable guerre de tranchées entre le Stade Français (qui occupait le terrain de rugby) et le RCF qui dominait plusieurs sections du CASG (alors concessionnaire de Jean Bouin), club devenu petit et balkanisé par la lutte des plus grands. Or depuis longtemps, Lagardère est proche du RCF. Et comme Arnaud Lagardère s'est beaucoup investi dans le sport de compétition professionnelle, il louchait sur Jean Bouin. On avait donc deux milliardaires face à face : d'un côté Max Guazzini et ses maillots roses, de l'autre Arnaud Lagardère et ses tennismen plaqués or.

En 2004, la concession du stade Jean Bouin vint à échéance (les concessions sont renouvelées tous les quinze ou vingt ans). Le CASG, se sentant menacé par les appétits de Guazzini et du Stade Français, avait accepté d'ajouter Paris à son nom historique, mais ce n'était pas suffisant. Il lui fallait un protecteur, ce fut Lagardère, renouvelant le système d'alliance et de bascule traditionnel du CASG entre le Stade Français et le RCF. À cette occasion, la concession du stade Jean Bouin, attribuée depuis des lustres au CASG, fut donc donnée à une nouvelle entité, Paris - Jean Bouin - Lagardère.

Tout ça dans un petit stade de quartier dont la vocation éducative est évidente. Bref...

Les avatars successifs du projet

Depuis longtemps, comme je l'ai écrit, Guazzini avait envie de développer son emprise sur le site. Nous avions toujours résisté à cet appétit dont les inconvénients étaient aussi manifestes qu'aujourd'hui. Cependant, nous n'étions pas hostiles à une rénovation du stade. C'est celle qui, je crois, a été votée notamment par l'UDF de l'époque, et avec mon approbation, en février 2007. Elle coûtait déjà officiellement 69 millions, au moins deux fois moins qu'aujourd'hui.

En décembre 2007, le projet avait changé du tout au tout (Laporte, proche de Guazzini, était alors au gouvernement et, il est vrai, la coupe du Monde venait de mettre le rugby en valeur). Il coûtait subitement 86 millions d'Euros, et aboutissait purement et simplement au projet actuellement discuté : destruction, reconstruction, disparition des scolaires et du club omnisport. On apprend par le blog que Lagardère, lui, visait à une occupation encore plus privative du stade, dédié à l'entraînement de ses chers (et coûteux) tennismen...

L'étape suivante, nécessaire aux travaux puisque Paris - Jean Bouin refusait la démolition du stade, fut la résiliation unilatérale de la concession de Jean Bouin par la Ville de Paris, au cours d'un vote où, en novembre 2008, la séance du Conseil de Paris fut particulièrement houleuse : seuls les partis de gauche votèrent pour, ce qui est tout de même assez fort s'agissant d'une mise à l'écart des scolaires : PS, PRG, PCF, MRC, ont voté pour. La plupart des Verts, et tous les autres (dont, je suppose, l'élue MoDem) votèrent contre la résiliation. Le coût du projet avait encore enflé, ayant presque doublé en vingt mois : on en était à 120 millions d'Euros.

Soupçon de fraude

Il y eut un coup de théâtre au printemps suivant : en avril 2009, le Tribunal Administratif (TA) jugea la convention de Paris - Jean Bouin illégale, observant que des conditions de publicité pourtant élémentaires n'avaient pas été respectées, comme le relate le blog d'un élu UMP dissident. Cette décision juridictionnelle mit la justice pénale en mouvement, et Max Guazzini et Bertrand Delanoë furent entendus comme témoins, en juillet, par la Brigade de Répression de la Délinquance Économique et Financière (BRDE).

Bien que fragilisés par la décision du TA, l'équipe de Paris - Jean Bouin et le collectif Jean Bouin se manifestèrent bruyamment, pétitions, dépêches de presse notamment. D'autres voix jugeaient le destin du stade scellé.

Il y eut le 3 septembre dernier la présentation houleuse à la mairie du 16e, où le maire du 16e, Claude Goasguen, se montra incisif, et j'ai croisé ce soir-là un personnage d'aspect sympathique, dont je viens d'apprendre qu'il est Sylvain Garel, un adjoint au maire de Paris, chargé d'exprimer le refus catégorique par les Verts du projet du nouveau Jean Bouin.

Un projet faramineux, des comptes douteux

Mme Hidalgo a une curieuse arithmétique. Elle a expliqué que, si le coût du projet frisait désormais 150 millions d'Euros (selon elle, d'autres disent 200 millions en incluant notamment 25 millions pour créer ... trois terrains de gazon au milieu du champ de courses d'Auteuil, ce qui met tout de même le terrain à 8 millions pièce, alors que les miens coûtaient trente fois moins...), si donc on atteignait ce chiffre, c'est qu'il fallait appliquer l'indice du coût de la construction au chiffre précédent. Cet indice, selon elle, étant à 4,5 %, l'appliquer à 120 millions donnerait une majoration de ... (120Mx0,045=) 5,4 millions. Le montant, avec ce simple indice, aurait dû être 125,4 millions. À l'inverse, le coût de 150 millions représenterait une hausse de 25 % (et non 5,4 %). Or les travaux sont appelés à commencer dans six mois (donc + 12,5 %) et à durer trois ans (donc + (3x25 %=) 75 %). Le tout fait + 87,5 % d'augmentation de l'indice de la construction selon Mme Hidalgo. Son projet digne de l'empereur Bokassa ou du Roumain Ceaucescu s'élèverait en définitive à (150M + (150M x 0,875 = 131,25) =) 281,25 millions d'Euros. Allez, avec les faux-frais, disons 300 millions d'Euros. Une paille.

Je relève dans l'un des articles du Parisien que j'ai mis en lien le descriptif de ce que devrait être, dans l'esprit de la municipalité, le nouveau Jean Bouin (précisions tirées des explications données par Mme Hidalgo) :

"1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces et un parking de 500 places (dont 100 à un tarif résidentiel) sont prévues."

1000 m2 de bureaux, et ... 7400 m2 de commerces !!!

Franchement, ça vaut le coup que la municipalité dépense 200 ou 300 millions d'Euros pour construire une brasserie de luxe et plus de 7000 m2 de commerces de luxe dans le 16e, on ne sait tellement plus où fourrer le pognon, tellement qu'on en a, alors bien sûr, les investissements de tramway, de santé, d'éducation, peuvent attendre : l'urgence, c'est de construire des commerces de luxe dans le 16e. Et toute la gauche a voté pour, communistes y compris. Lénine, relève-toi, etc.

Si les socialistes continuent, ils finiront par s'aliéner définitivement les électorats de bonne volonté, centristes et écologistes. Un instinct suicidaire ? L'envie de tomber dans un piège ?

En terminant cette seconde note de synthèse, j'avoue que j'ai honte de notre personnel politique, et je remercie ceux des élus qui ont le courage de ne pas capituler devant ce que François Mitterrand nommait les "forces de l'argent". Je regrette véritablement le temps où la gauche savait se battre contre l'appétit des promoteurs, merci encore à Jack Lang d'avoir classé la piscine Molitor.

Résister, c'est créer, créer c'est résister.

02/10/2008

2012 : la dramaturgie se met en place.

On lit, chez Luc Mandret comme dans la presse, que le congrès du PS est joué, que la ligne "historique", fidèle au PS du XXe siècle, est en passe de l'emporter.

La ligne politique du tandem Delanoë-Hollande (véritables Zig et Puce de la gauche) est celle que Delanoë vient d'illustrer à Paris lors des récentes municipales : toute la gauche "de gouvernement" (modèle 1997), rien que la gauche de gouvernement. En quelque sorte, une géométrie réduite aux acquêts.

Dans cet attelage, les Verts, comme désormais à Paris, sont l'alibi d'une politique environnementophobe, productiviste et affairiste, et le MoDem, bien entendu, n'a aucune place.

Le candidat de l'appareil (et des notables) à la présidentielle est issu de cette ligne, probablement Delanoë, bien que celui-ci ne manque pas de petits copains qui ne rêvent que de lui faire le grand soir pour lui prendre le grand jour.

À côté de cette ligne d'appareil va se cristalliser l'hypothèse d'une candidature de Ségolène Royal, endiablée contre les appareils politiques, mais de gauche et toute prête à faire alliance avec ceux qui la boudent. Et par ailleurs une dent personnelle affirmée contre le Mouvement Démocrate.

Ainsi la gauche aura-t-elle peut-être deux candidats crédibles au premier tour de l'élection présidentielle, quels que puissent être les efforts de l'appareil socialiste pour paralyser toute dissidence par l'organisation de primaires où seront invités les non-adhérents (et auxquelles, on s'en doute, la droite s'empressera de participer, à la fois pour semer le trouble dans le PS et pour consolider la confiscation du pouvoir par le tandem UMP-PS). Cela sera si Ségolène Royal y est suffisamment déterminée et si les sondages (hum) lui laissent un espoir d'y triompher.

Troisième candidat se revendiquant de l'anti-sarkozysme : François Bayrou.

L'un de ces trois là, et l'un seulement, sera l'adversaire du second tour de ce qui semble devoir être Sarkozy pour l'UMP.

On voit bien quelle est la proposition qui sera alors faite aux Français : déterminez à la fois le meilleur homme (la meilleure femme) et la meilleure combinaison politique : union multicolore (antisarkozystes de droite, du centre et de gauche), gauche "ouverte" (s'alliant peut-être avec le MoDem), gauche "de grand-papa" (PS et alliés d'avant-hier satellisés).

Les arguments n'y seront pas tous bons, ni tous francs, ni tous sincères, mais in fine, ce sera le débat, si cette hypothèse se confirme. À moins, évidemment, que Ségolène Royal ne "cale", et qu'on se retrouve dans la configuration de 2007, discrédit de Sarkozy en plus.

À l'heure présente, comme l'écrivait un éminent blogueur le mois dernier, il n'y a que quatre candidats suceptibles de gagner la présidentielle de 2012 : Sarkozy, Bayrou, Royal et Delanoë. Et le scénario qui conduit à leur partie de poker menteur se met en place.

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20/09/2008

Paris 16e : la fête contre l'environnement.

Les forains sont des gens coriaces. Ils versent toujours leur redevance d'utilisation des espaces publics (en diazines de milliers d'Euros) en espèces et ne se déplacent jamais sans armes. Campion, patron des forains français, avait la réputation d'être très proche de Jacques Chirac.

À la fin de l'époque Chirac, c'est-à-dire au début des années 1990, deux maires d'arrondissement UDF tentèrent de lutter contre l'implantation de fête foraine sur leurs pelouses. Le premier était le vieux Paul Pernin, dont la pelouse de Reuilly, dans le XIIe, était chaque année dévastée. Le deuxième, Pierre-Christian Taittinger, voulait protéger la pelouse de la Muette, dans le XVIe.

Pour Pernin, les choses n'allèrent pas sans difficultés : il y eut une vague d'attentats à la bombe artisanale de petit format, localisée dans son arrondissement, durant de longs mois. En 1995, le vieux passa la mairie à son fils Jean-François (qui la perdit d'ailleurs en 2001).

Taittinger, lui, réussit à repousser la "Fête à Neu-Neu" à un autre endroit, plus loin, sur un site moins gênant.

En effet, la pelouse de la Muette est un poumon et un lieu de promenade pour les habitants du XVIe arrondissement. Vous me direz "quelle importance ? le 16e est un arrondissement de riches, qui d'ailleurs vote à 80 % Sarkozy". C'est vrai, sauf que l'éventail social des (environ) 150 000 habitants de l'arrondissement est bien plus ouvert qu'il n'y paraît et, le week-end, les familles et les gamins fauchés trouvent là un lieu de repos et de distraction gratuit, on y pique-nique, on y joue au ballon, bref c'est un parc où la pelouse est ouverte au jeu.

Or il faut savoir qu'une fête foraine est une dévastation profonde pour une terre : elle écrase l'herbe par le piétinement et par l'implantation des attractions. Il suffit de s'y promener quelques minutes (je l'ai fait) pour se rendre compte que la fête foraine, du point de vue de l'herbe, c'est Attila.

Écraser l'herbe juste avant l'automne signifie qu'elle ne repoussera pas avant l'hiver, que la pelouse sera par conséquent inutilisable et que, s'il fait beau un week-end, les gens devront prendre un moyen de transport et aller s'aérer ailleurs.

Plus encore : non seulement l'herbe est écrasée, mais en plus la terre est battue, elle devient dure, l'eau de l'automne et de l'hiver, nécessaire à la nappe phréatique et aux racines des arbres, ne pourra pas pénétrer le sol, elle glissera en surface jusqu'aux évacuations, elle s'en ira vers les égouts. Ce sera un engrenage néfaste à la végétation et au sous-sol.

Plus encore : l'ensemble de la pelouse n'est pas exploité par la fête foraine. Si l'espace utilisé est fermé à l'usage public (ce qui paraît raisonnable) pour être (aux frais de la Ville de Paris, merci les forains) retourné puis réensemencé, le reste de la pelouse sera suremployé pendant l'hiver et abordera le printemps dans le même état de dévastation que l'autre, ce qui contraindra à le fermer durant toute cette période, ce qui obligera à surutiliser la partie fraîchement rouverte, qui sera assez vite dans un état navrant.

La seule consolation, c'est que ce cycle aboutit nécessairement à ce que la fête au Bois suivante, au même endroit se passe dans la GADOUE.

Ca leur apprendra.

Par ailleurs, je signale qu'un certain nombre d'attraction sont visiblement vétustes et dangereuses.

Je souhaite donc que le Mouvement Démocrate, la liste que nous élirons samedi prochain, prenne fermement position pour que la Fête au Bois regagne l'emplacement qui avait été dévolu à la Fête à Neu-Neu.

Delanoë commissaire politique.

Le vertueux Bertrand Delanoë en simple commissaire politique ?

Voici une vidéo qui le suggère.

Je rappelle que Max Guazzini, patron de l'équipe de rugby du Stade Français, a été le n° 2 de NRJ. Quand on sait les privilèges dont jouit cette équipe, on reste un peu rêveur. On voit d'ailleurs son nom apparaître dans les pages reproduites dans l'article de Bakchich.

Merci Bakchich.

 

 

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15/06/2008

Retour de flam à la Ville de Paris.

Gilbert Flam était un agent secret, un agent de la DGSE, c'est lui qui enquêtait sur le prétendu compte japonais de Jacques Chirac. Il fut remercié de la DGSE et, pour faire bonne mesure sans doute, son épouse, Mireille Flam, devint adjointe au maire de Paris, Bertrand Delanoë. Or, peut-être en raison de son soutien très affiché à Ségolène Royal, on a appris en mars que Mme Flam n'était pas reconduite comme adjointe au maire de Paris chargée des marchés publics. Et voici qu'on apprend vendredi que des perquisitions ont eu lieu chez elle dans le cadre d'une enquête sur un marché public de gestion de déchetteries.
 
Retour de flamme contre Delanoë ? Rétorsion des chiraquiens après la perquisition relative au compte japonais ?
 
Ou tout simplement efficacité de la justice ?
 
Je penche pour la troisième hypothèse.
 
Reste à savoir ce qu'on va trouver. 

07/06/2008

Cumul des mandats : quelques vidéos.

Deux vidéos prises pendant la campagne présidentielle, quand il s'agissait de plaire aux électeurs :
 

 
 
 
Et depuis, par exemple :
 
 
 
 
 
Et le plus caractéristique :
 
 

08/03/2008

Municipales parisiennes : enfin la vérité !

Merci à Ludo, qui a réalisé la première de mes vidéos l'an dernier et qui a produit cette explication, certes un peu décalée (non, non, je vous jure : pas sous acide), mais extrêmement claire :
 
 

19:21 | Lien permanent | Tags : municipales, paris, delanoë, panafieu | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/03/2008

Pour que le MoDem dise clairement avec qui il veut s'allier à Paris.

Lundi, François Bayrou a annoncé que le Mouvement Démocrate indiquerait clairement, avant le premier, avec qui il compte s'allier pour le second tour. C'est d'autant plus logique que c'est un secret de polichinelle et que ceux qui finassent et qui croient pouvoir grapiller des poignées de voix en cultivant l'ambiguïté, à ce stade de la campagne, se trompent complètement : il faut dire avec qui et pourquoi. Il faut donc faire le choix de l'évidence et non seulement l'assumer, mais le revendiquer comme instrument d'amélioration de la vie des Parisiens, auquel nous ajouterons notre grain de sel, à la fois pour (et par) le pluralisme et par notre exigence de gouvernance.
 
Comme François Bayrou, je demande donc clairement à Marielle de Sarnez d'indiquer qu'elle souhaite trouver un accord avec Bertrand Delanoë. 
 
Grâce à Luc Mandret, je vois que Philippe Meyer a précisé sa pensée (et qu'il n'est au passage guère sympathique pour le MoDem). En tout cas, il n'en est plus à dire que gauche et droite sont équivalentes.

13:54 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, municipales, bayrou, modem, delanoë, paris | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

14/02/2008

Municipales parisiennes : quelques vérités.

À Paris, le MoDem n'a pas eu l'intention de gagner. Dès l'origine, il était évident que les dirigeants du Mouvement Démocrate parisien n'avaient d'autre idée en tête que de faire des listes susceptibles de fusionner avec celles du maire Bertrand Delanoë au second tour.
 
La médiocrité des intentions de vote recueillies par Marielle de Sarnez pour le moment (autour de 8 ou 9 %) handicape-t-elle ce projet ? Peut-être pas. En revanche, elle matérialise un peu plus encore le reflux du vote obtenu par Bayrou à Paris en avril dernier (plus de 20 %) et même aux législatives de juin (plus de 10 %).
 
Il faut dire qu'en plaçant sa candidature résolument "au centre" comme en témoigne le récent reportage de la TéléLibre, Marielle tourne délibérément le dos à la ligne de François Bayrou, qui se dit "démocrate" et n'accepte que ce vocable à l'exclusion de tout autre.
 
Repliée sur une identité politique qui n'existe plus, Marielle ne peut donc prétendre ni à l'électorat nouveau, ni à l'électorat ancien, il ne lui reste que l'électorat "captif", l'électorat par défaut. De là les 8 ou 9 %.
 
Pourtant, il aurait fallu faire plus et mieux, la ville en a besoin.
 
La séquence qui se refermera le 16 mars a commencé ... en 1995, après dix-huit ans de mandats Chirac. Alors, Jacques Chirac s'étant fait élire président de la république grâce à une campagne toute en énergie, il fallut lui choisir un successeur. Chirac consulta. Juppé avait choisi de se replier sur Bordeaux, il ne restait que deux prétendants sérieux à la succession du nouveau président : Jean Tibéri, premier adjoint sortant et maire de l'arrondissement qui élisait Chirac depuis des années, le Ve, et Jacques Toubon. Chirac arbitra : Tibéri deviendrait maire.
 
C'était un choix logique : après Juppé (adjoint aux finances), Tibéri était le principal auxiliaire de Chirac pour les affaires parisiennes. De surcroît, il ne pouvait prétendre à plus d'envergure que celle de maire (tout le monde le soulignait avec goguenardise), ce qui le rendait rassurant : il ne serait pas un rival.
 
Jacques Toubon, comme lot de consolation, entra au gouvernement. Mais il n'accepta jamais, en fait, d'avoir été écarté de la mairie. Commença alors une guérilla, qui culmina en 1997, et qui aboutit à la perte de la ville par le RPR en 2001.
 
Il faut se souvenir de l'atmosphère qui régnait alors : tous pourris, Tibéri en tête. Son nom devenait synonyme de toutes les prévarications, car il ne se passait pas un jour sans que le "Canard Enchaîné" ou d'autres organes de presse ne révélât une affaire scabreuse, d'autant plus qu'en s'emparant d'une demi-douzaine d'arrondissements en 1995, la gauche y avait trouvé de nombreux marécages. Conspué en stéréo sur sa droite et sur sa gauche, Tibéri encaissait. Et peu à peu, tout cela devint indécent, nauséabond.
 
C'est à ce degré d'indécence (qui évoque celui auquel parvient Sarkozy par d'autres moyens) que les Parisiens ont voulu mettre fin en élisant Bertrand Delanoë en 2001. Le candidat du PS n'avait pas un mauvais programme, un mélange de changement dans la forme et de continuité dans le fond, qu'il portait en adoptant un profil modeste et sobre. L'électorat centriste, écoeuré par le marigot post-chiraquien (qui s'était divisé en deux branches pour consommer son malheur à coup sûr), se reporta sur les listes Delanoë.
 
C'était une charnière dans l'Histoire de Paris. Il n'était pas logique que l'UDF d'alors se tût dans cet événement. C'est la vision que je défendis. En vain. On m'écarta seulement des nouvelles listes fusionnées avec les futurs perdants.
 
Aujourd'hui, Delanoë a honoré l'essentiel du contrat qu'il avait passé avec les Parisiens : il a fait taire les désordres, il a rendu leur ville respectable (à l'aune tout au moins de la norme française qui est discutable). Il lui a même rendu un peu du lustre auquel ils sont sensibles : les grandes opérations de com ont produit l'image d'une ville créative, capable de rayonner de nouveau.
 
Et cependant (et c'est là qu'il eût fallu attaquer), il n'a changé que très peu de choses dans ce qui constitue l'essentiel de toute action politique : la gouvernance de la ville.
 
Il n'est pas normal, par exemple, que lorsque des travaux dans une école vont être rapportés devant le Conseil de Paris, le projet de délibération transmis aux conseillers et au public ne mentionne pas le montant des travaux. Comment veut-on que les gens puissent se rendre sur place, mesurer l'opportunité des travaux et leur rapport qualité/prix ?
 
Il n'est pas normal qu'à l'ère de l'informatique, il faille au moins quinze jours pour obtenir des dossiers de permis de construire en cours de validité.
 
Il n'est pas normal qu'on traite tant d'affaires en si peu de temps au conseil de Paris.
 
Et je passe sur les montants réels des travaux, en particulier dans les écoles, car l'amélioration des coûts (invraisemblables) doit y être qualifiée d'anecdotique.
 
En vérité, la gouvernance de la Ville de Paris a très peu changé.
 
Chirac a trouvé en 1977 une administration organisée sur un principe préfectoral, opaque et hiérarchique (il n'y a pas eu de maire de Paris pendant près de deux siècles). Il a endossé les habitudes locales, et plus encore lorsqu'en 1983 la loi PLM lui a donné de nombreuses compétences dont son administration ne bénéficiait pas jusque-là. On a beaucoup évoqué l'évaporation financière, que l'on a mise sur le compte de la gestion politique, mais en fait, les pratiques douteuses existaient déjà sous le régime antérieur, et bien plus encore. Chirac a modelé ce qu'il a pu ou voulu à sa convenance sans remettre en cause un système dont les implications sont très vastes et lui échappaient largement.
 
Traditionnellement, c'est sur l'attribution des logements de la Ville que les élus se rattrapaient, et c'est justement de la commission d'attribution des logements de la ville que Jean Tibéri fut président de 1971 à 1995.
 
Delanoë, entrant en fonctions, a certainement découvert l'ampleur de la situation. Ceux qui lui veulent du bien estiment qu'il a fait de son mieux pour, pas à pas, améliorer les choses. J'ai beaucoup regretté, pour ma part, qu'il n'ait pas plus pris barre sur son (ou ses) administration(s) et que, de ce fait, ce soit toujours l'administration de la ville qui assume l'essentiel du pouvoir institutionnel et budgétaire à Paris, avec toutes les hypothèques qu'on suppose.
 
L'administration n'est pas uniformément mauvaise, j'ai travaillé avec les services des sports, très compétents, dévoués et engagés pour le service public. Mais la superstructure administrative constitue un vrai pouvoir dans la ville, ou plutôt le vrai pouvoir, et ce n'est pas démocratique, ce n'est pas conforme à notre engagement que Bayrou qualifierait de "démocrate".
 
Je regrette qu'on ne se soit pas engagé sur le chemin de cette vérité-là, qui eût été fécond en utilité et en suffrages. 

24/11/2007

Pour la vertu municipale.

Mercredi soir, je suis allé dîner chez un cousin dans le XXe arrondissement, à l'autre bout de Paris. À court de métro et trouvant le trajet un peu long pour la bicyclette, étant donné le froid vif qui régnait, j'ai pris un taxi. Le chauffeur, âgé d'une trentaine d'années, dont les parents devaient être venus d'Algérie avant sa naissance, m'expliqua qu'il venait de débuter dans la profession après avoir été livreur pour le journal "Le Monde", qu'il jugeait un patron odieux. Il se félicitait de son nouveau métier. Et, de fil en aiguille, il en vint à évoquer ceux qui, au lieu de se battre comme lui, préfèrent vivre dans l'assistanat. Il relata un reportage qu'il avait vu un peu plus tôt à la télévison, sur un chômeur qui touchait une indemnisation depuis des années sans travailler jamais. Je l'interrompis, un peu agacé :
 
- Mais ça, c'est ce que dit la télé. Et vous, est-ce que vous en connaissez, des gens qui vivent comme ça ?
 
- Oui, dans ma cité, il y en a un.
 
J'eus envie de faire remarquer qu'un sur une cité, c'était peu.
 
- Il y en a un, poursuivait-il : il est au RMI. L'APL (Aide Personnalisée au Logement) couvre son loyer à 50 Euros près... Il touche en plus des bons alimentaires, 50 Euros par semaine.
 
En somme, concluait-il, il vit très bien et ne voit pas pourquoi il devrait travailler.
 
À sept Euros de nourriture par jour, ce n'était évidemment pas un gourmand.
 
Une jeune femme que j'avais rencontrée dans un café m'avait fait lire le manuscrit de son roman, avant l'été, qui évoquait d'autres situations où les municipalités en font trop : il s'agissait de grands dadets auxquels les villes, quoiqu'ils fussent français, offraient des voyages collectifs dans leurs pays dits d'origine, dont ils ne parlaient cependant pas la langue et où leurs séjours étaient le plus souvent écourtés, tournant au vinaigre. Elle estimait, du haut de son expérience d'assistante sociale banlieusarde de vingt-cinq ans, que les communes faisaient cela pour la paix civile dans les quartiers, l'été : il fallait tout simplement éloigner les jeunes, coûte-que-coûte.
 
Elle poursuivait sur les autres moyens utilisés pour choyer ceux qui ne travaillent pas.
 
C'est ainsi que je vois se dessiner, de jour en jour, le clientélisme municipal, une des corruptions les plus cyniques et les plus pernicieuses. Encourager les gens à la dépendance plutôt qu'à l'indépendance.
 
À l'autre bout de la chaîne, la vieille affaire Chirac a réveillé le souvenir d'un temps où l'argent coulait à flots sur le personnel politique, sur les journalistes, les syndicalistes. Mais aussi, à travers les marchés publics d'Île-de-France (et d'ailleurs) sur les entrepreneurs et, à travers des commissions d'intermédiaire, sur tout le monde politique, comme l'a révélé le procès : RPR, PS, PCF, libéraux du Parti Répubiicain, sur tout le monde en somme, sauf sur les centristes de feu le CDS.
 
À Paris, les vrais scandales n'ont jamais éclaté. Il faut dire qu'ils sont loin de ne concerner que le pouvoir politique et ses partenaires économiques.
 
Il s'agit par exemple des marchés de travaux publics. Je crois avoir déjà donné quelques pistes dans ce sens.
 
Je possède des devis de travaux dans des écoles datant des années 1990. La peinture d'un préau coûtait ainsi à la ville non moins de 150000 (cent cinquante mille francs). Je me suis toujours demandé avec quoi on peignait : avec de la feuille d'or ?
 
Il s'agissait d'une pièce ordinaire, dix mètres sur six, le devis ne mentionnait aucune particularité de support qui pût justifier ce devis extravagant.
 
La Ville de Paris était réputée pour ne jamais faire jouer la garantie décennale : en cas de malfaçon, c'était la ville elle-même qui finançait les réparations, comme à l'école maternelle de la rue Gros, dans mon XVIe arrondissement.
 
Les travaux coûtaient fort cher, vraiment.
 
Voici donc les deux extrémités du lourd travers qui déshonore tant d'équipes et d'administrations municipales : clientélisme et prévarication.
 
Il faut donc que les candidats aux municipales s'engagent à lutter contre ce double fléau.
 
À Paris, comme l'a démontré le livre "le marchand de sable" sur la gestion Delanoë, on n'a constaté aucun changement notable dans ce qui constitue le symptôme, la part visible de la réalité budgétaire : les montants budgétisés n'ont pas baissé et cependant on n'a pas constaté une forte augmentation de la quantité de travaux effectués.
 
La question vient donc tout naturellement à l'esprit : les pratiques ont-elles changé ?
 
Il faudra que Bertrand Delanoë réponde à cette question.
 
S'il ne le fait pas ou s'il ne convainc pas, il est évident que l'UMP sera mal placée pour le critiquer. L'existence d'une candidature MoDem prendra alors un sens d'autant plus fort et nécessaire.
 
Il pourrait en être ainsi dans bien des villes.
 
C'est pourquoi, plus que jamais, j'en appelle à la vertu municipale. 

10:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, MoDem, Bayrou, municipales, Paris, Delanoë | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/09/2007

Municipales parisiennes : le temps d'un air plus frais.

Depuis trois décennies que Paris élit son maire, la ville cherche une formule transparente et efficace.
 
Jacques Chirac a été un bon maire de Paris : il a réorganisé l'administration de la Ville et lui a conféré réactivité, rigueur, ponctualité, bref, beaucoup de qualités rares dans ce type de structures. Il faut dire qu'il pouvait le faire : le budget de la ville était structurellement excédentaire d'un milliard de Francs de l'époque, soit 3% du budget de la Ville. Et il y avait un revers à cette médaille, comme le procès des emplois fictifs du RPR et celui des marchés publics d'Île de France l'ont prouvé.
 
Comme Sophie Coignard l'a très bien démontré dans un livre utile datant de 2005 ("le marchand de sable"), Delanoë a peu révolutionné l'organistion de son administration. Mme Coignard suggère même que les enveloppes occultes n'ont pas baissé, puisque certains fournisseurs ou prestataires de service "se sont succédé à eux-mêmes" comme disent inélégamment les journalistes de la télé.
 
Quoiqu'il en soit, cette ville a perdu en efficacité lorsque le tandem Mitterrand-Monory (ce dernier alors pdt du Sénat) a inventé une taxe de péréquation des collectivités locales, s'élevant à peu près au milliard précédemment évoqué. Alors, de structurellement excédentaire, la ville est progressivement revenue à l'équilibre, avant de s'engager dans la spirale du déficit et de l'emprunt. Et compte tenu des énormes investissements en infrastructures de circulation (pistes cyclables, tramway), ce n'est pas près de s'arrêter, pour la plus grande joie de certaines entreprises.
 
Et cependant, il est évident que Delanoë sera réélu, sauf énorme erreur de sa part : les seconds tours des législatives dans le XIIe et dans le XVe, arrondissements-clef de l'élection, ne laissent aucune chance à la droite, qui d'ailleurs part divisée, Bernard Debré conduisant une dissidence guillerette qui aura des conséquences dans le XVIe arrondissement au moins, celui où il est député.
 
Comme le dit Quitterie Delmas aujourd'hui même, il serait grand temps que, à l'occasion de la préparation de ses listes, le MoDem montre aux autres partis ce que signifie vraiment transparence et démocratie pour faire de Paris une vitrine de la rénovation des pratiques politiques.