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04/07/2007

Lefebvre Utile (LU) et parlement inutile (PI).

L’annonce de la vente des biscuiteries LU à un géant américain le jour même du discours d’investiture de François Fillon rappelle que Nicolas Sarkozy a de nombreux cadeaux à faire à ses commanditaires américains.

Il arrive que certains hommes de pouvoir vendent leur âme au diable pour leur carrière mais l’âme que Sarkozy a vendue, c’est la nôtre, celle de la France.

Quoiqu’il en soit, on est forcé de reconnaître que Fillon ne déçoit pas : il est aussi ennuyeux que prévu.

Sa phrase sur le couple présidentiel doit pratiquement être prise au premier degré. D’une part, parce que Fillon a été introduit en politique par Joël Le Theulle, homosexuel très explicite, mais aussi parce que c’est à une véritable démonstration par l’exemple de toutes les théories psychologiques que les deux hommes (Sarkozy et lui) se livrent depuis le 6 mai : tout masochiste cherche son sadique, tout sadique cherche son masochiste et les deux se sont incontestablement trouvés, Fillon le masochiste et Sarkozy le sadique.

En témoigne d’ailleurs la facétie qui a consisté à envoyer Fillon faire sa première visite officielle en compagnie du député Christian Vanneste qui a été condamné pour propos homophobes.

Après Sarkozy et Cécilia, Royal et Hollande, voici donc le troisième couple diabolique de l’année : Sarkozy et Fillon. Astiquez vos cuirs et vos latex.

Au milieu de cette danse des sept voiles, François Bayrou, le pouce gauche toujours dans le plâtre, a paru s’ennuyer ferme lors de la séance du vote d’investiture. La couverture de sa présence par la télévision a été sans surprise non plus : nulle.

Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il voté ? Pas un mot. Ses sept millions d’électeurs jugeront.

On a en revanche revu l’inénarrable Maurice Leroy, toujours aussi inspiré, expliquer avec son aplomb habituel que le premier ministre a été désigné pour appliquer la politique pour laquelle sa majorité a été élue.

Il ne cherche pas à être bien noté par le petit président de la république inspirateur universel de toutes les politiques, celui-là. Sans doute pour tenter de garder notre sympathie mais c’est curieux, quand il parle, je n’ai plus envie de rire, c’est comme pour Santini, quelque chose ne passe pas.

Hollande, lui, m’a piqué mon mot : omniprésident. J’aurais dû le déposer à l’INPI.

Oh, je les plains, les députés. Ils n’ont jamais été aussi factices, jamais aussi réduits à leur fonction de super-élu local. Le parlement est élu pour obéir, ils le savent. Peut-on monter au calvaire sans pleurer ?

Les grands groupes financiers, eux, se frottent les mains : ils s’apprêtent à traire le PI. La France est bien leur vache à lait.

La préparation de la naissance du MoDem devrait nous consoler. Espérons.

01/07/2007

Jean-Luc Moudenc : comment ne pas perdre la mairie de Toulouse.

Jean-Luc Moudenc est issu d’un milieu modeste. Lorsque j’ai fait sa connaissance, en 1986, il résidait à Toulouse, chemin de Ramelet-Moundi, Les Toulousains jugeront.

Il a adhéré au Centre des Démocrates Sociaux en 1977. Il était alors âgé de seize ou dix-sept ans.

Ce parti avait été créé l’année précédente par la réunion du Centre Démocrate de Jean Lecanuet et du Centre Démocratie et Progrès (CDP) de Jacques Duhamel. Le CDP était issu d’une fraction du Centre Démocrate (essentiellement des parlementaires) qui, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1969, avait rejoint le camp de Georges Pompidou contre le propre candidat du Centre Démocrate, Alain Poher.

Lecanuet, qui avait entre-temps tenté l’aventure du Mouvement Réformateur avec les Radicaux de Jean-Jacques Servan Schreiber, avait pris en 1976 la présidence du nouveau parti et prendrait celle du nouveau conglomérat englobant aussi les Radicaux, les Sociaux-Démocrates et les Républicains Indépendants, l’année suivante : ce serait l’Union pour la Démocratie Française (UDF).

Lorsque j’ai fait sa connaissance, dans l’été 1986 donc, en Ardèche lors d’une Université d’Été, Jean-Luc Moudenc était déjà silencieux et compassé comme un cardinal. Il adoptait le ton qui fait qu’on le croit toujours à mi-voix. Ce qui frappait en lui était son nez.

On pouvait croire que Rostand avait écrit sa pièce Cyrano pour lui. Son appendice nasal le précédait partout de très loin.

Nanti de cette excroissance, Moudenc promenait son sourire sénatorial et sa silhouette calme au milieu d’une escouade de ses jeunes, dans une atmosphère très gaie et plutôt folle.

Doué pour les conquêtes de structure, il s’était constitué un réseau d’amis et d’affidés en prenant le contrôle de la mutuelle toulousaine des étudiants de droite et du centre. Il s’agissait du système SME-, concurrent minoritaire de la puissante MNEF.

Les SME, contrairement à la MNEF, formaient un réseau d’entités indépendantes regroupées selon un principe confédéral : le vrai pouvoir y était local. Je me souviens de la SMEREP, la mienne, celle des étudiants parisiens, mais on connaissait aussi la SMEBA, la SMESO etc.

À travers sa SME, il bénéficiait donc d’une logistique et d’une hiérarchie capable de détecter et de fidéliser des militants.

En 1984, Moudenc avait rencontré un jeune chirurgien, Philippe Douste-Blazy, qui faisait partie des talents prometteurs du jeune centre toulousain.

La ville était tenue par le vieux Pierre Baudis. Lorsque je notais que c’était un centriste presque historique, puisqu’il gouvernait sous cette étiquette dans les années 1960, Jean-Luc me corrigeait : Baudis roulait pour le centre républicain, et non pour le centre démocrate, et cette nuance changeait tout, car sous-entendu dans démocrate, il fallait lire démocrate-chrétien. Jean-Luc Moudenc s’épanouissait dans un milieu démocrate-chrétien, forcément minoritaire dans une ville longtemps marquée par le radicalisme.

En 1986, au congrès de Metz, nous élûmes notre bureau national des jeunes centristes (JDS). Deux listes se confrontaient : l’une, conduite par Éric Azière qui aujourd’hui gère les investitures pour Bayrou, l’autre menée par un autre Toulousain, Jean-Luc Forget, celui-là même qui vient de se présenter  sous l’étiquette MoDem contre Moudenc aux législatives toulousaines.

Sans figurer sur la liste d’Azière, j’y étais affilié, car il avait été prévu que je prendrais les fonctions du permanent de la structure sous la casquette de Délégué général national.

Il devint assez vite évident que nous allions gagner. Que non seulement nous allions gagner, mais que notre victoire serait écrasante (elle l’a été : 83%).

C’est alors que l’unique député jeune du parti, un certain François Bayrou, est intervenu auprès de nous : il ne supportait pas que, alors que nous militions tous dans le même mouvement, défendant les mêmes idées, nous puissions en venir à l’affrontement du suffrage. Il voulait DÉJÀ faire travailler ensemble des gens qui s’opposaient les uns aux autres.

Il demandait donc que nous fusionnassions les deux listes en une seule.

Le nombre de candidats était fixe et le scrutin prévoyait la victoire entière d’une liste bloquée. Autrement dit, Bayrou voyait juste : si nous voulions intégrer les autres à nos travaux, il fallait le faire avant le vote car après, ce serait trop tard.

Seulement le nombre de candidats sur chaque liste était limité et pour faire entrer l’un d’eux, il fallait aussi que l’un des nôtres s’effaçât. Et logiquement, puisque la tête de l’autre liste était toulousaine, il fallait que ce fût notre Toulousain qui lui cédât la place.

Jean-Luc Moudenc se retrouvait donc sur la sellette.

Les amis d’Azière se réunirent, votèrent, et décidèrent de maintenir leur liste telle quelle, de rester solidaire et d’aller au vote. C’était un signe d’amitié pour Moudenc.

Et c’est ainsi que j’ai fait partie de la même équipe de jeunes que lui pendant plusieurs années.

Lorsqu’Éric Azière, atteint par la limite d’âge, dut se retirer en 1991, je participai à diverses réunions qui précédèrent la candidature de Jean-Luc à la présidence des jeunes centristes, sans d’ailleurs m’y impliquer trop ouvertement en raison de la situation interne de la fédération de Paris : le candidat adverse de Moudenc n’était autre que Jean-Manuel Hue, aujourd’hui adjoint au maire du XVe arrondissement de Paris et alors président des jeunes centristes parisiens (j’étais son vice-président).

Jean-Luc Moudenc fut élu et cette position lui permit d’affermir ses bases toulousaines : il devint conseiller général, l’un des adjoints en vue de Baudis.

Il se présentait comme un conseiller très proche de celui-ci. Lors de la campagne européenne de 1994, Baudis codirigeait la liste d’union UDF-RPR avec Hélène Carrère d’Encausse.

Un hasard m’a amené à postuler pour rendre service à l’équipe de campagne et Jean-Luc, qui était le collaborateur politique attitré de Baudis, ne manqua pas l’occasion de me renvoyer l’ascenseur du soutien que je lui avais exprimé trois ans plus tôt.

Je devins ainsi le chef ( !) de l’équipe qui répondait au courrier reçu par les candidats.

C’était un poste politique, assez en vue, un geste élégant de sa part.

J’avais d’ailleurs une bonne image de Baudis, dont la belle-sœur et assistante parlementaire avait été une de mes chaleureuses relations à l’époque où j’avais moi-même été assistant.

Je m’engageai donc à fond dans cette campagne en oubliant qu’elle souffrait de la proximité avec la prochaine présidentielle. Et je fus reconnaissant envers Jean-Luc, dont je n’oublie pas la fidélité.

Quoiqu’il en fût, je mesurais tout ce qu’il faisait pour Baudis.

Il avait aussi contribué à l’élection de son ami Douste-Blazy à la mairie de Lourdes. L’un des jeunes toulousains, Thierry Dupuis, s’était même retrouvé chef de cabinet de Douste. Au moment d’une sombre affaire de parking et de pots de vin, Thierry Dupuis, que je connaissais bien et qui, c’est vrai, avait toujours été sujet à des états d’âme, fut retrouvé mort, et l’enquête conclut qu’il s’était suicidé d’un coup de fusil de chasse.

On sait quelles ont été les autres raisons qui ont poussé Douste à quitter Lourdes pour revenir à Toulouse ; la première de celles-ci était le départ de Baudis, empêtré dans une sombre histoire par des accusations lancées par une prostituée, histoire à laquelle j’avoue n’avoir pas cru un instant étant donné d’autres échos que j’avais sur Baudis.

Bref, Baudis partant, il lui fallait un remplaçant, Douste ne se sentait plus bien à Lourdes, ville d’ailleurs petite pour ses vastes appétits, et hantée par un personnage dérangé dont l’obsession consistait à lui planter un poignard entre les omoplates pour une raison qu’on a toujours ignorée.

Douste se voyait bien à Toulouse et Moudenc fut l’artisan de l’opération.

Il y gagna encore en influence locale.

Et quand Douste-Blazy, ministre, dut démissionner, Moudenc devint maire.

Je l’ai croisé pendant la récente campagne présidentielle, sur le point de rencontrer Bayrou. Il m’a paru figé, imprégné par la solennité, le copain s’effaçait derrière le magistrat municipal. Il est devenu une personnalité et se conduit comme tel. La fonction fait l’homme.

Il me confia alors le bonheur que représentait pour lui l’exercice de ce mandat de maire, pour lui, l’enfant d’une famille modeste.

Il ajouta que, désormais, son plus grand rêve, c’était de “continuer“.

Mais sur son blog, durant la campagne législative, j’ai lu que lorsqu’un de ses administrés l’interrogeait pour savoir si “en se rasant le matin“ il songeait à devenir ministre, Jean-Luc laissait clairement paraître son désir d’escalader cette marche-là.

Encore aurait-il fallu qu’il devînt député.

Or dans cette ville, Toulouse, Toulouse qui a longtemps voté à gauche aux présidentielles et qui tolérait que Baudis se fût rapproché de la droite parce que c’était Baudis, dans cette ville, donc, la gauche est redevenue majoritaire.

Jean-Luc Moudenc semble ne l’avoir pas compris.

Sa fidélité à l’UMP qu’il a rejointe en abandonnant ses amis centristes est devenue contreproductive.

Il aurait sans doute dû le comprendre avant l’élection. Mais il était si absorbé par l’idée d’empêcher Douste de revenir, qu’il ne l’a pas vu.

Il en sort évidemment affaibli.

On dit même que Baudis voudrait reprendre sa mairie.

Alors ? Quelle autre solution avait-il, Jean-Luc ?

Sans doute se rapprocher de Bayrou. Jouer l’option centriste pour endiguer les deux tentations. Or il n’est pas allé aussi loin.

Résultat : il risque perdre sa ville. Mauvaise pioche. Ce serait dommage pour lui.

29/06/2007

Devedjian traite Comparini de "salope".

Pris par le temps, je glisse seulement le lien avec le blog de Guy Birenbaum qui évoque cette affaire images à l'appui :

http://birenbaum.blog.20minutes.fr/

28/06/2007

Faut-il partir en vacances ?

Le calendrier est parfois un ennemi intraitable.
 
Pour le parlement, l'automne est essentiellement consacré à la discussion budgétaire. La mise en application de la LOLF ne change rien sur ce point. Et après les vacances de Noël éclatera le tonnerre de la campagne municipale qui, comme une pluie drue, s'abattra sur toutes les parties du territoire avec au moins autant d'intensité que l'élection présidentielle ; il n'y a que deux personnes importantes en France : le maire et le président de la république.
 
Donc pour enclencher des réformes, étant donné que la fin du printemps a été mangée par les inutiles élections législatives, il ne reste que l'été.
 
Là comme ailleurs, on peut écrire "Bayrou l'a rêvé, Sarkozy l'a fait" : Bayrou avait annoncé qu'il infligerait un été laborieux aux parlementaires pour lancer les nouveautés. Sarkozy a suivi ce conseil.
 
Pourtant, l'été est la plus mauvaise période pour adopter des réformes importantes : le parlement légifère dans l'indifférence, voire l'ignorance, au lieu de s'appuyer sur l'opinion publique pour réléchir et consulter. Et quand les réformes douloureuses réveillent les rhumatismes du peuple, à l'automne, la grogne est terrible contre ceux qui sont aussitôt accusés d'avoir statué en catimini et à la dérobée.
 
Oui, on ne fait pas de bonnes réformes impopulaires l'été.
 
Et il peut paraître léger que ceux qui font profession de vigilance contre ces décisions désertent leur poste pour s'éloigner qui vers le soleil, qui vers la campagne, qui vers l'horizon : en l'absence des citoyens ordinaires, les veilleurs de la société civile et des partis politiques deviennent de véritables surveillants, des matons ou des officiers de quart, astreints à tour de garde. L'abandon de poste est puni du peloton d'exécution en temps de guerre.
 
Mais voilà : l'année a été longue et rude et la saison prochaine sera chargée. On n'est pas d'acier. Il faut savoir se reposer.
 
C'est donc dans l'indifférence et la solitude que les réformes les plus cruciales seront votées.
 
Pour ma part, je quitte Paris pour la Bretagne et pour un temps indéterminé : je vais y développer le quatrième tome de la Réformation des Fouages de 1426, publication fleuve que j'ai entreprise en 2001 ; ce nouveau volume concernera l'ancien diocèse de Léon qui, de la mer à Morlaix à l'est et Landerneau au sud, englobait la place forte de Brest.
 
Je prends le train demain sans avoir l'idée d'une date de retour : le travail commande.
 
Je m'efforcerai durant l'été d'alimenter mon blog en textes politiques et littéraires (et historiques).
 
Bonnes vacances à ceux qui partent en juillet ou août.

27/06/2007

L'omniprésident fomente la révolution.

Du temps où Édouard Balladur était premier-ministre de cohabitation et Nicolas Sarkozy ministre du budget, il suffisait qu'un intérêt catégoriel se manifestât pour qu'aussitôt, les lacets de la bourse de l'État se déliassent et que la manne se déversât sur l'intérêt offusqué.
 
Au début, il s'agit d'intérêts notoires, de grandes catégories professionnelles, de métiers nombreux : marins-pêcheurs, vignerons et autres ; avec les mois, on vit montrer les dents des catégories de plus en plus anecdotiques, de plus en plus confidentielles, mais qui, à elles toutes, représentèrent une population de plus en plus nombreuse. C'est ainsi qu'en deux ans de ce gouvernement, l'endettement extérieur de l'État augmenta de vingt-cinq pour cent.
 
Voici que le même Sarkozy, devenu président de la république, rechausse ses souliers catégoriels.
 
Il a décidé de transformer ses ministres en porte-serviettes, en ornement théâtral : c'est lui, et lui seul, qui mène la négociation avec les partenaires sociaux. On l'a bien vu avec la loi sur les universités, on le reverra bientôt à tout propos et hors de propos : le style ne trompe pas, l'homme se répète.
 
Or les catégories ne s'y trompent pas : voici qu'une intersyndicale ultra-représentative des journalistes vient de demander à rencontrer le président de la république pour évoquer avec lui les atteintes croissantes à la liberté de la presse.
 
C'est en vérité inouï.
 
On comprend bien que les journalistes, dont l'info est le métier, aient très vite compris la réalité de l'organisation du pouvoir. Mais qu'ils n'aient même pas imaginé ni feint de s'adresser d'abord à un ministre ou au premier ministre, qu'ils n'aient même pas esquissé le geste d'expédier d'abord une lettre ouverte au président de la république, tout cela est le signe d'un déplacement sismique des frontières intérieures de l'État.
 
Il n'y a pas si longtemps qu'on voyait des jeunes en grève dans un collège ordinaire d'une ville comme les autres demander à rencontrer leur ministre comme s'il avait été le commissaire du coin ou le vendeur de pizzas.
 
On verra bientôt les mêmes jeunes exiger, au milieu de n'importe quel mouvement social, de rencontrer le président de la république. Forcément, puisque le président va recevoir à l'Élysée de plus en plus de représentants de catégories de plus en plus réduites.
 
Cette élévation du niveau des revendications est de nature prérévolutionnaire. Elle est l'un des mécanismes qui ont conduit des États-Généraux à la Révolution française.
 
Alors posons la question : Sarkozy est-il révolutionnaire ?
 
Si c'est le cas, ce sera comme Pétain : dans le sens d'une révolution nationale.

26/06/2007

MoDem : l'horizon municipal.

Le MoDem se cristallise peu à peu, département par département, ville par ville. Parti des intello oblige, l'effervescence programmatique est à son comble autour des fameuses "valeurs" du nouveau mouvement.
 
Plutôt des anti-valeurs, d'ailleurs, puisqu'elles ont pour point commun de situer l'être humain au-dessus de toute valeur et la vénalité comme moyen au mieux du progrès matériel qui n'est pas une fin (ni une faim) en soi.
 
Pourtant, l'horizon qui attend la nouvelle armée des démocrates n'a rien de si élevé : la bataille municipale compte plus de débats de carrefours que de métaphyisque, c'est son destin.
 
Or il ne fait aucun doute que ces élections municipales seront un rendez-vous essentiel pour les militants nouveaux : tous les chiffres, même les plus pessimistes, montrent que le MoDem pèsera sur le premier tour, qu'il aura donc la possibilité de maintenir ses listes au second, soit pour une altière solitude, soit en vue d'une fusion avec un camp ou l'autre.
 
Le signal envoyé par Françoise de Panafieu à Marielle de Sarnez aujourd'hui en marge du Conseil de Paris indique avec clarté que les deux camps sont motivés.
 
Même entre 5 et 10%, les listes MoDem auront encore la faculté de fusionner ainsi pour le second tour.
 
Il y aura donc énormément d'élus MoDem après les prochaines élections municipales.
 
À coup sûr.
 
Quoique.
 
Les électeurs du MoDem, on l'a compris, ne seront guère enthousiastes devant la tambouille politique s'ils n'y trouvent pas leur pitance de propos nobles et de renouvellement.
 
Eh oui, le renouvellement des acteurs et des pratiques, thème central de la ligne éditoriale de Quitterie Delmas. On le taxe parfois de naïf ou de puéril ; et pourtant, les dernières élections l'ont démontré : ces souhaits de renouvellement sont ceux de toute la nouvelle génération d'électeurs, ceux parmi lesquels Bayrou a recueilli 26% des suffrages.
 
Il faut donc leur donner ce qu'ils attendent à juste titre : de vraies raisons de voter. Intégrité, environnement, renouvellement, pluralisme, justice... Et bien d'autres.
 
Quitterie Delmas se prépare à partir pour ses quartiers d'été avec une malle entière de livres, tous plus savants les uns que les autres. Objectif : sa ligne éditoriale de la saison prochaine.
 
Attendons-nous à y trouver les thèmes qui permettront aux MoDem de mettre le feu aux poudres de nos villes et de nos campagnes. 

25/06/2007

Pour comprendre le pouvoir : "Les grandes familles" de Maurice Druon.

Maurice Druon n'est pas un dangereux anarchiste, c'est le moins que l'on puisse dire. Homme de droite, conservateur, cultivant l'autorité, il a régné durant de longues années sur l'Académie française qui, comme chacun sait, n'est pas le royaume des progressistes. Comme l'écrivait Victor Hugo : "Les quarante fauteuils et le trône au milieu" (c'est un alexandrin).
 
Druon a une chance paradoxale dans la vie : être le neveu de l'immense journaliste et écrivain de talent qu'a été Joseph Kessel, dont j'ai parlé ici même. C'est avec Kessel que, dans l'exil londonien de la France Libre, il rédige l'inoubliable "Chant des partisans" sur lequel Anna Marly colle une musique rythmée et martiale. "Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines, ami entends-tu le cri sourd du pays qu'on enchaîne..." sont des paroles pour tous les temps.
 
Plus tard, Druon publie quelques romans, dont "Les Rois maudits" qui ont enchanté mon adolescence après que leur adaptation télévisée eut émerveillé mon enfance.
 
On a dit qu'il ne les avait pas rédigés seul ; il a rétorqué que le travail de ses nègres était si mauvais qu'il avait dû tout récrire. Peu importe.
 
Il sort aussi un étrange et charmant livre écolo pour enfant, "Tistou les Pouces verts" dont j'ai un exemplaire qu'il m'a dédicacé lors d'une vente de charité du PEN club en 1973.
 
Outre la saga des "Rois maudits" (avec son arrière-plan symbolique lié aux Templiers), son roman le plus important est "Les grandes familles".
 
Quand on lit le titre, on entend Herriot parler des "Deux cents familles". Il s'agit par exemple des Wendel, les fonderies, liés à l'ancien patron du Medef, le baron Sellières, mais aussi à l'épouse de l'ancien président Giscard d'Estaing née Anne-Aymone de Brantes, et encore aux Missoffe, dont la trace la plus visible pour un Parisien attentif à la politique est Françoise de Panafieu, née Missoffe.
 
On est ici dans ce qu'Arletty, dans un film dialogué par Jeanson, aurait appelé "la haute". Haute finance, haute administration, grande presse instrumentalisée, manoeuvres boursières brutales, rapacités de toute nature, exploitation de tous les rouages du pouvoir à fin personnelle, culture de la manipulation, mise en coupe réglée de la société par les sociétés, usage altier de la particule.
 
La sphère du pouvoir. Le vrai pouvoir. Celui de l'argent.
 
"Les forces de l'argent"... Quand Mitterrand prononçait ces mots dans un discours, on savait qu'il avait atteint le sommet de son éloquence. Il détestait l'argent ... des autres.
 
L'argent, la vraie puissance. L'argent qui achète, corrompt, asservit, avilit tout. Je revoyais hier soir la pièce "Volpone" adaptée par Jules Romain de Ben Johnson, auteur classique anglais. La hideur de l'argent s'y étale, sa puissance sur les âmes, surtout quand elles sont faibles.
 
En ce temps où l'argent redevient légitime, où s'enrichir est de nouveau le but de l'existence humaine, en ce temps où la Sarkozye se définit comme le royaume dont le prince est l'argent, il est urgent de relire "Les grandes familles".
 
Elles sont aux commandes. 

24/06/2007

L'Europe sans le peuple.

Le principal défaut de la construction européenne est devenu patent dans les années 1990 : tout l'édifice reposait sur un ensemble de décisions parlementaires. De tous les traités constitutifs de l'Union européenne, un seul avait été adopté par référendum (et quel référendum...) : celui de Maestricht.
 
L'abstention croissante lors des élections du parlement européen manifestait le désintérêt du peuple pour la chose bruxelloise.
 
À vrai dire, cette désaffection choquait surtout en France, car les autres pays de l'Europe ont peu la pratique du référendum et s'en remettent volontiers à des solutions parlementaires.
 
Pourtant, l'idée française du besoin d'enracinement de l'Europe dans le suffrage universel faisait son chemin avec celle de la supranationalité. De toute évidence, si l'on voulait progresser dans le regroupement des souverainetés, il faudrait bien y associer les peuples.
 
On s'engagea alors dans un processus lourd de plusieurs référendums ponctuant l'adoption de l'ambitieux traité constitutionnel européen (TCE) par les parlements de certains états. Le Royaume-Uni devait fermer le bal référendaire ; l'adoption par les vingt-quatre autres états se changeait alors en couteau sous la gorge des Britanniques, sommés de se soumettre ou de se démettre, c'est-à-dire d'approuver ou de se retirer de l'Europe.
 
Ce chantage n'effrayait personne. Il échoua : le référendum français et, dans la foulée, celui des Pays-Bas, se soldèrent par deux non sonores.
 
On pourra gloser longtemps sur les raisons de ce double refus mais on se souvient qu'à l'époque, les études d'opinion montraient que les référendums suivants seraient difficiles aussi, notamment en Pologne.
 
Seul le Luxembourg sauva l'honneur, mais de justesse. Le signe devenait accablant : si un pays aussi profondément européen que le Luxembourg renâclait à ce point à approuver le nouveau texte, c'est qu'il devait avoir tous les défauts.
 
Il les avait : trop long, trop obscur, trop ambigu, trop charabia, trop dispersé, il ne pouvait être approuvé que du bout des lèvres et les adversaires de la construction européenne avaient beau jeu de lui découvrir toutes les tares car, étant donné son obscurité, personne n'était vraiment à même de les contredire, pas même le coordinateur des travaux de sa rédaction, le Français Giscard d'Estaing, qui invoquait pour toute défense un "pourquoi voulez-vous que nous ayons fait un mauvais texte ?" qui résonnait comme un aveu de faiblesse.
 
Et pourtant non, le TCE n'avait pas tous les défauts.
 
Il avait une qualité, une qualité essentielle que l'on a oubliée : il reprenait l'ensemble des traités fondateurs et les soumettait d'un coup au référendum.
 
C'était toute la construction européenne que le peuple se voyait alors invité à valider d'un coup.
 
Or il l'a rejetée. En bloc. Il a dit non à tout.
 
C'était le risque.
 
Il n'a pas été assumé.
 
Qui pis est, il est aujourd'hui nié : on se félicite de voir repris, nous dit-on, dans le nouveau traité abrégé (le "best-of" du TCE) l'essentiel des dispositions institutionnelles contenues dans le défunt traité.
 
Pourquoi pas ? Il en est de bonnes.
 
Mais on entend aussi qu'il n'est plus question de référendum et que les mêmes choix que le peuple a rejetés, le parlement du peuple va les adopter contre lui.
 
Peut-on décrire plus grand scandale politique ?
 
Alors il faut le dire : je suis pour la construction européenne, à fond. Je suis pour que nous bâtissions une grande fédération d'États nations (comme dit Delors) qui jouera un très grand rôle dans l'édification des institutions mondiales et dans l'organisation d'un monde plus équitable et plus humain.
 
Mais il ne peut être question de continuer à échafauder sans se préoccuper des fondations. Or les fondations, c'est le peuple. Le peuple doit s'exprimer.
 
Je sais bien que la récente campagne présidentielle donne l'impression que la colère du peuple est matée, que le fleuve populaire est rentré dans son lit après vingt ans de crue, que la crétinisation des esprits faibles est de retour et que son efficacité touche au zénith.
 
Je sais bien tout cela.
 
Je sais aussi que l'hyperactivité du président donne l'impression que tout va aller mieux, que les gens vont avoir envie de recommencer à travailler, à s'activer pour lui ressembler. Que par conséquent l'économie va s'éveiller de sa léthargie, d'autant plus qu'on annonce une hausse du pouvoir d'achat pour 2007 (3,2%).
 
Mais tout cela est un trompe-l'oeil. Il n'y a pas de démocratie sans le peuple et les frustrations qu'il subit dans les périodes d'effervescence économique et d'opulence, il les fait lourdement payer dans les moments de stagnation.
 
Que l'on s'en souvienne aujourd'hui pour n'être pas surpris demain. 

23/06/2007

Difficile naissance du MoDem.

La vieille UDF meurt dans la peine.
 
L'argent y manque. La campagne présidentielle a coûté plus que le remboursement de l'État, les locaux se désertifient.
 
Jeudi après-midi, rue de l'Université, le silence régnait. C'est jeudi. J'y suis. Il y règne.
 
On murmure des chiffres sur le trou béant des finances du parti. On constate le départ de salariés, comme Okan, l'un des veilleurs du site Bayrou.fr. On dit que la compression de personnel sera forte.
 
On croise cependant, ce jeudi, la bonhommie penchée de Marie-Amélie Marcq, l'experte ès médias des bayrouistes depuis plus de dix ans ; non loin d'elle (et dans la cour quand le temps le permet), la silhouette caractéristique et le front plissé d'Ophélie Rota, attentive devant son écran d'ordinateur.
 
Plus loin, on ne peut serrer la main de Stéphane Thérou, un survivant comme moi de l'équipe des jeunes centristes d'Éric Azière à la fin des années 1980, parce qu'on l'a déjà fait dans la rue devant le conservatoire municipal : il sortait bavarder avec un ami.
 
On trouve cependant le profil concentré de Stéphane Nicolas, directeur de services devenus fantomatiques, un jeune, grand, réservé mais solide. Il lève les yeux de sa page et montre sa préoccupation dans son sourire.
 
À côté de lui, la brune Karine a l'air fatigué. Une autre qui devrait être là passe désormais son temps à bavarder dans le vestibule.
 
Un peu plus loin, Pierre-Emmanuel Portheret, ex-secrétaire du groupe UDF de l'Assemblée nationale, lit un journal devant un écran d'ordinateur. 
 
Tout au fond, affectant l'air serein tout en rangeant ses dossiers avec méthode, Éric Azière souffle : pour une fois dans l'année, il passe une après-midi sans que son téléphone sonne.
 
Il classe les fiches des candidats aux législatives et des résultats.
 
En quelques mots, il me donne quelques indications sur ce qu'il sait de la situation politique interne de l'UDF devenant MoDem.
 
Il me parle des Alsaciens, de Jacqueline Gourault. Il réfléchit. Je fais état de la réunion des sénateurs. On n'en connaît pas encore le résultat complet, mais on sait que quinze sur trente-deux ont voté une motion de synthèse exprimant leur identité de droite. Ces gens sont centristes depuis trente ans et, au bout de trente ans, découvrent qu'ils sont de droite.
 
Ah, pauvres Lecanuet, Poher, Abelin, Diligent et quelques autres, comme vous devez les plaindre, vos fils et vos frères perdus.
 
Que sera l'avenir du groupe centriste du sénat autour de Michel Mercier ? Pas encore d'info.
 
En refluant vers la sortie, le crâne plissé et chauve de Didier Nicolas, le veilleur des fichiers, se présente à moi, moins souriant que d'ordinaire. L'un de mes livres est posé sur son bureau. Il me le signale amicalement.
 
Je ne monte pas au deuxième étage : depuis que Quitterie n'y est plus, je n'en fais plus l'effort.
 
En repartant, dans la cour, Dominique Le Pennec lâche pour une fois sa cigarette et son téléphone et nous échangeons une chaleureuse poignée de mains.
 
Et les autres ? Où sont-ils ?
 
Où est la ruche extraordinaire de l'élection présidentielle ? Que reste-t-il du rêve ? Où ont-ils tous disparu ?
 
Voilà ce que j'ai vu et pensé jeudi. Deux ou trois jours plus tôt, il y avait un peu plus de monde, ou plutôt quelques-uns qui n'y étaient plus jeudi quand ceux de jeudi ne s'y trouvaient pas tous à ce moment-là.
 
Ils ont mérité leurs vacances. Pour ceux qui en prennent et qui reviendront en septembre après les Assises de la Démocratie.
 
Pour les autres, bon vent. Ne vous éloignez pas trop. 

L'Europe engluée pour sept ans.

Pour son deuxième sommet institutionnel en quelques semaines (après celui du G8), la chancelière allemande Angela Merkel ne voulait pas d'échec. Il lui fallait couronner sa présidence tournante de l'Union europénne par un accord sur le mini-traité chargé de remplacer le défunt traité constitutionnel européen.
 
C'est fait.
 
Hélas.
 
De tout le dispositif, deux ou trois aspects seulement ont fait l'objet de longs commentaires, retenons-en deux : la répétition de la formule "concurrence loyale et non faussée" et la pondération des votes dans les instances intergouvernementales de l'Union.
 
Sur la "concurrence non faussée", j'avoue trouver le débat surréaliste. On trouve l'Europe trop libérale, alors qu'elle ne l'est pas assez. On fait reculer les formules qui prémunissent contre les favoritismes étatiques (donc contre la corruption) au motif qu'elles sont trop libérales, alors qu'elles ne le sont pas assez.
 
Il y a en effet deux problèmes en Europe, qui sont les deux extrémités du même bâton.
 
Le premier, c'est le libéralisme : il est érigé comme moteur de la construction. On ne l'oublie pas, pour l'inspirateur Monnet, les nations européennes ne se sont jamais fait la guerre pour autre chose que pour servir leurs intérêts ou ceux des castes économiques qui les dirigeaient.
 
Par conséquent, interpénétrer les marchés, les fusionner en un seul, faire des intérêts de plusieurs nations l'intérêt commun de plusieurs nations, tout cela était vertueux et prometteur de paix. Promesse tenue : l'ouverture du marché unique rend la paix inéluctable entre les Européens et il n'y aura pas de recul sur ce point.
 
Mais les mécanismes du libéralisme sont récupérés contre celui-ci par de grands groupes d'intérêts qui pèsent sur les institutions de l'Union comme sur celles des États membres ; détournement du lobbyisme à fin mercantile. Au lieu de combattre le libéralisme, il vaudrait donc mieux en réclamer plus, de façon à ce que les institutions de Bruxelles aient pour but prioritaire en ce domaine, une vraie "concurrence loyale et non faussée", c'est-à-dire où le petit ait autant de chance que le grand.
 
À l'autre extrémité du bâton, il y a en effet trop de libéralisme : il faut sauvegarder certaines activités monopolistiques comme services publics, c'est légitime.
 
Or sur ce point comme sur le premier, le mini-traité n'apporte pas grand chose.
 
En revanche, sur la pondération, il opère des modifications.
 
Seulement voilà : ces modifications ne seront opérationnelles qu'en 2012 et ... 2014, soit dans sept ans !
 
Depuis 2005 et l'échec des référendums, il aura donc fallu neuf ans pour sortir de l'impasse ! Neuf ans sans aucune intiative institutionnelle nouvelle.
 
Car on ne s'y trompe pas : en se fixant ce rythme de tortue asthmatique, l'Europe a pris acte d'une pause très profonde dans la dynamique de la construction européenne.
 
Dorénavant, tout est figé pour sept ans. 

22/06/2007

Une interview de Daniel Carton par Quitterie Delmas sur AgoraVox.

Quitterie Delmas a souhaité interroger le journaliste Daniel Carton sur son dernier livre, qui retrace la récente campagne présidentielle sous un angle inhabituel, dans la foule, parmi les électeurs, loin de l'atmosphère frelatée de la sphère politico-journalistique.
 

21/06/2007

L'Europe des fantômes.

La perspective d'adoption d'un traité dit "simplifié" pour sortir de l'impasse institutionnelle dans laquelle l'Europe végète depuis le printemps 2005 ne soulève guère de passion en France.
 
Depuis l'échec du traité constitutionnel européen (TCE), l'Europe est un fantôme, un squelette qui pourrit dans les oubliettes. Tout le monde s'en fiche.
 
Triste abandon de l'idéal d'union des peuples.
 
Il ne nous reste que nos égoïsmes. Égoïsmes de riches contents d'économiser sur les droits de succession, égoïsmes de pauvres heureux qu'on désigne des boucs émissaires encore plus pauvres qu'eux, coupables d'être, selon l'expression de Brassens reprise par Maxime Le Forestier, "nés quelque part".
 
Nous combattons les délocalisations avec la même ferveur que, voici vingt ans, nous exigions des transferts de technologie vers le Tiers-Monde pour permettre à celui-ci de se développer. Nous n'avons pas donné nos technologies, ils les ont conquises. Aujourd'hui, ils ne nous doivent rien et les emplois vont chez eux. Bel exemple de l'efficacité de l'égoïsme.
 
Et pour l'Europe, combien étions-nous à contempler, les yeux embués, les pioches qui, pan par pan, démolissaient le mur de Berlin ? Quel bonheur, alors, de savoir l'Europe orientale enfin libre.
 
Mais quant il a fallu passer à la caisse pour aider cette liberté retrouvée, oh, mais vous n'y pensez pas.
 
C'est Daniel Cohn-Bendit qui, avec sa netteté d'expression caractéristique, a alors glapi contre les États "radins". Car le non français à l'Europe, c'est aussi celui de l'enfant gâté de l'Europe, la France qui, pendant des décennies, a été la première à bénéficier de la manne européenne.
 
Nous étions bien contents, alors, de recevoir. Et la construction européenne était si populaire...
 
Mais quand le flux s'est inversé, quand notre pays est devenu contributeur net au budget de l'Europe, quand il s'est agi de faire pour eux ce que d'autres (l'Allemagne et les Pays-Bas surtout) avaient fait pour nous, fi donc ! Non, non et renon. Il n'y avait plus de France.
 
Non est alors devenu le nom de la France et nous le portons comme un stigmate.
 
Notre hyperprésident peut bien se promener avec son mini-traité à la main, nous n'en sommes que plus vils et plus ridicules.
 
Bien sûr, faute de mieux, il faudra bien l'approuver en attendant mieux ; mais encore faudrait-il que d'autres l'approuvent aussi.
 
Car la réalité que nous connaissons aujourd'hui est la même que celle à laquelle auraient dû réfléchir ceux qui ont voté non au TCE : l'Europe, on ne peut pas la faire seul. Il faut être six, neuf, dix, douze, quinze, vingt-cinq, vingt-sept, bref, il faut que tous les Européens veuillent la faire aussi.
 
Et quand on leur claque la porte sur les doigts avec un "non" sonore, il faut s'attendre à ce qu'ils nous fassent ensuite un peu la sourde oreille.
 
Il n'y a pas si longtemps, dans une grande indifférence de la campagne présidentielle française, fut célébré le cinquantième anniversaire du traité de Rome qui a enclenché la mutation institutionnelle de l'Europe.
 
Je pense aujourd'hui à tous ceux qui sont morts, aux millions de morts de toutes les guerres qui, peut-être, lorsqu'on a enfin parlé de paix et de travail commun, ont pu croire leur sacrifice utile à la sagesse des nations.
 
Je pense aux fondateurs, à Gasperi, à Adenauer, à Monnet, à Schuman, à Deniau, rédacteur du traité de Rome mort si peu de temps avant l'anniversaire.
 
Je pense au cortège des fantômes.
 
Le drapeau de l'Europe est tombé. Il gît dans la poussière.
 
Il faut le relever : l'Europe a un grand rôle à jouer pour un monde plus équitable, plus humain et plus libre.

MoDem 4.0 : l'avant-garde du MoDem.

Depuis quelques jours est constitué autour des initiatives de Quitterie Delmas un groupe intitulé MoDem 4.0.
 
L'ambition de ces MoDem internautes est d'incarner l'avant-garde du MoDem, veilleurs de la démocratie, veilleurs des intentions de François Bayrou contre d'éventuelles résistances d'appareil, veilleurs de l'interconnexion et des passerelles à tendre vers tous ceux qui veulent rénover la France en profondeur.
 
J'ai participé ce soir au bar Les Associés, devant l'opéra de la Bastille, à Paris, à une réunion d'une douzaine de ces 4.0, auxquels s'était utilement joint François, du bar L'Imprévu dans le XIVe arrondissement, membre du "Réseau libre".
 
Il s'agissait d'une prise de contact entre des gens qui se parlent beaucoup par l'intermédiaire d'un clavier et d'un écran, du blog de Quitterie Delmas et, depuis peu, du Yahoo groupe MoDem 4.0.
 
En l'absence de Quitterie, de sa complice Virginie Votier et de Nicolas Vinci, magicien du groupe, la réunion ne pouvait être formelle.
 
Ce fut une bonne et fructueuse discussion à bâtons rompus.
 
Chacun commença par se présenter. Bien entendu, beaucoup de professionnels de la culture, un expert des innovations associatives, une éditrice, une administratrice de Wikipedia bref, des MoDem parisiens.
 
Le sujet principal de la discussion est vite devenu la structure que nous voudrions voir adoptée par le MoDem.
 
Pour résumer une assez longue et sinueuse réflexion à douze, disons qu'il nous est apparu que l'expression "bottom-up", employée récemment par Corinne Lepage, signifiait un réseau où les niveaux de décision et d'info sont peu nombreux.
 
Pourquoi pas trois ? Le niveau de base, dispersé ; un niveau intermédiaire capable de produire une première synthèse, et enfin le niveau Bayrou (toujours pour faire vite).
 
Pour éviter un filtrage excessif des info, le niveau intermédiaire est divisé en deux assemblées : d'un côté, des élus ; de l'autre, des militants.
 
Bien entendu, cette synthèse telle que je la formule ne rend pas entièrement compte des débats, mais elle me semble fidèle à nos conclusions et opérationnelle pour la suite.
 
Le travail continue. 

19/06/2007

MoDem : être, vivre, compter, exister.

Être : le MoDem, on ne s'en étonnera pas, émerge progressivement de son oeuf électronique et virtuel. Il a besoin de s'incarner, de se constituer, de se définir, de se connaître.
 
Et ce, à une vitesse accélérée.
 
Au galop, diraient les cavaliers de Bayrou. La casaque orange du MoDem tient la corde de la modernité et n'entend pas la céder.
 
Vivre : les assises de la démocratie, fin août, seront la deuxième phase de la vie du MoDem ; de là découlera le calendrier de l'organisation du nouveau mouvement, de la définition de ses structures internes, de sa démocratie, de son horizon idéologique, de ses penchants intellectuels.
 
Le bouillonnement commencera. Le MoDem doit devenir vite un bouillon de culture.
 
Il doit découvrir ce qui lui permettra de n'être pas un parti comme les autres (notamment les passerelles à jeter vers ses voisins), mais aussi ce qui lui sera autorisé d'une vie ordinaire de parti, notamment les courants.
 
Compter : le MoDem obtient un score très encourageant de 13% en moyenne dans les centres-villes. Or aux élections municipales, il suffit de 10% des suffrages exprimés au premier tour pour se maintenir au second.
 
Aucun doute : le MoDem comptera dans la constitution de nombreuses majorités nouvelles, de tous horizons. En investissant des candidats jeunes, nouveaux, volontaires, le MoDem investira pour l'avenir.
 
Jamais peut-être les mots investitures et investissements n'auront été si proches.
 
Exister : après avoir écrasé tous les autres imposé le respect aux autres partis politiques, le MoDem pourra commencer à incarner dans nos villes, sur le terrain, les projets développés par François Bayrou et chacun de nous devra décider s'il le fait mieux en tentant de devenir un clone de Bayrou ou en étant lui-même. Libre.

18/06/2007

Le MoDem fusille cent députés UMP.

Nicolas Sarkozy a dérobé vingt-deux députés à François Bayrou. Le MoDem, par des reports massifs sur les candidats de gauche, a fait tomber quarante-deux sortants UMP, presque le double. Plus donc que la loi du talion, à moins que l'on ne considère que les vingt-deux constituaient les trois quarts de nos effectifs et que, donc, une proportionnalité stricte n'eût pas été équitable.
 
C'est pourquoi les électeurs du MoDem, dans leur élan, ont aussi emporté à gauche ou ... au MoDem, une soixantaine de circonscriptions promises à un gain de droite le dimanche précédent.
 
Cent députés au tapis. Au bowling, on crierait "strike !"
 
Pourquoi l'électorat du MoDem a-t-il si vivement marqué son opposition au gouvernement et sans doute au président ?
 
D'abord, en raison des appels de François Bayrou au pluralisme. La promesse d'une assemblée monochrome, caporalisée, ouvrant au parti dominant tous les pouvoirs, y compris celui de modifier à lui seul la constitution, tout cela a fini par donner le vertige aux électeurs, a fortiori aux MoDem.
 
Ensuite, en raison d'une faute.
 
En politique, il existe des erreurs, des bévues, des boulettes, des gaffes. Tout cela peut s'effacer plus ou moins vite et facilement. Rien ne rachète une faute.
 
La faute politique, l'inexcusable, celle qui a touché au plus profond d'eux-mêmes les électeurs MoDem déjà blessés par leur score plutôt moyen du premier tour, c'est celle d'avoir retiré le candidat de droite de la triangulaire de Bayrou. C'était humiliant. Ce fut vécu comme le coup de pied de l'âne.
 
Les MoDem ont fait payer très cher le crachat qu'ils ont reçu en pleine face. Désormais, Sarkozy sait ce qu'il en coûte de s'attaquer à Bayrou.
 
Pour démontrer ces reports du MoDem, on peut réfléchir à l'élimination d'Arno Klarsfeld dans une circonscription ancrée à droite et où le MoDem atteint les douze pour cent au premier tour. L'écart frôle les dix pour cent en faveur de la candidate socialiste au second tour.
 
Regardons aussi le cas d'un ancien ministre, Renaud Donnedieu de Vabres. Au premier tour, il a plus de huit points d'avance. Le total droite et extrême droite dépasse quarante-six pour cent (38,13 + 5,92 (MPF) + 2,64 (FN) = 46,69). En face, le total gauche-verts ne dépasse pas 38 (31,89 + 3,61 (verts) + 2,34 (PCF) = 37,84). Or le MoDem fait 9,62%. On voit bien d'où vient que le sortant est battu par la gauche : un report massif des MoDem.
 
Ce cas n'est pas rare.
 
Un excellent report vers le MoDem permet aussi à la candidate orange de frôler l'élection à Château-Gontier, patrie de Jean Arthuis, alors qu'elle avait un handicap (comme disent les turfistes) de plus de vingt points au premier tour.
 
Et c'est cette configuration qui donne la circonscription de Fougères, en Ille-et-Vilaine, à Thierry Benoît, qui, me dit-on, se précisait bien MoDem hier soir à l'antenne de France 3 régional malgré les rumeurs.
 
Il faut donc saluer ceux qui ont su traduire la pensée de François Bayrou et je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée ce soir pour Quitterie Delmas qui a été l'une des pionnières à annoncer son vote pour Ségolène Royal au second tour de la présidentielle.
 
L'efficacité du courroux des MoDem, hier, lui a donné raison. 

15/06/2007

Jean Lassalle : le Haut Béarn.

Rarement, les députés ont autant défrayé la chronique que Jean Lassalle.
 
Qui a entonné un chant occitan dans les travées de l'Assemblée nationale ? Jean Lassalle.
 
Qui a fait une épuisante grève de la faim pour lutter contre une décision industrielle aussi absurde qu'injuste ? Jean Lassalle.
 
À chaque fois, il s'agissait de défendre ses électeurs. À chaque fois, les moyens employés semblaient disproportionnés, déconnectés ; or en fait ils démontraient par la violence de leur absurdité l'écrasante et inhumaine logique qui gouverne la France depuis des lustres.
 
Si l'on décide de supprimer une gendarmerie à l'entrée du tunnel du Somport pour des motifs dont la pertinence n'apparaît guère, quel moyen les citoyens ont-ils de se défendre ? Le recours à leur parlementaire. Mais si celui-ci est mal en cour, il n'obtiendra rien et ils seront impuissants, le bien public sera victime de la logique léonine.
 
Quel moyen reste-t-il alors contre la brutale logique du pouvoir ? La force des faibles : le nombre ou l'indéracinable résolution.
 
Voici pourquoi, pour éviter une relocalisation de quelques kilomètres (juste la frontière d'une circonscription législative) dont le but n'était que de tambouille politique locale, il a fallu que Jean Lassalle mette sa vie en danger par une grève de la faim.
 
Chacun se souvient des images du député allongé toute la journée sur une banquette cramoisie près de la salle des Quatre Colonnes de l'Assemblée Nationale, absorbant seulement un peu d'eau pyrénéenne pour prolonger son mouvement aussi longtemps que possible. Pas un quignon de pain, pas un gramme de nourriture pendant des semaines.
 
Ces images-là restent gravées.
 
Et chaque fois que l'on voit la haute silhouette rugbystique du député, on les revoit. Chaque fois, elles reviennent.
 
Il est resté fragile. Il a ébranlé sa santé. À la cinquantaine, on ne récupère pas comme à la trentaine et, tout athlète qu'il soit, il demeure marqué.
 
C'est peut-être pourquoi son premier tour ne l'a pas placé en tête.
 
Et j'avoue que je suis scandalisé que l'appel de la gauche au pluralisme, dont la gauche entend bien profiter pour récupérer nombre de voix MoDem, ne soit pas allé pour elle jusqu'au retrait du candidat de gauche dont le maintien menace Jean Lassalle.
 
Je souhaite donc que, à côté de François Bayrou, Lassalle soit élu, qu'il ne soit pas demain Lassalle des pas perdus.
 
Les pas vers le pluralisme, bien entendu. 

14/06/2007

Polémique sur la TVA sociale.

L'idée est simple et peut être lue de plusieurs façons et sous plusieurs angles : il est mauvais de faire financer la protection sociale par le travail, ça pénalise la production.
 
L'idée est ancienne. Déjà, dans les années 1980, autour de Raymond Barre, on parlait d'une fiscalisation de la protection sociale. L'idée reposait en partie aussi sur le fait que le budget des organismes sociaux, contrôlé en principe par les seuls partenaires sociaux, échappait au contrôle démocratique alors qu'il représentait une mase financière au moins équivalente au budget de l'État.
 
L'efficacité économique rejoignait donc la nécessité démocratique. 
 
Les mauvaises langues glissaient au passage que cette indépendance déplaisait à la toute puissance du ministère des finances.
 
Quoi qu'il en soit, l'adoption annuelle du budget social de la nation a répondu aux critiques d'esprit démocratique. La fiscalisation a débuté par la création de la Contribution sociale généralisée (CSG), puis de la Contribution au Remboursement de la Dette sociale (CRDS). Gouvernements de droite comme de gauche se sont conjugués pour cette dynamique qui, avec la TVA sociale, va connaître une étape supplémentaire.
 
Pour l'économiste centriste Christian Saint-Étienne, qui défend le projet, il s'agit d'extraire des comptes sociaux les dépenses qui relèvent de la solidarité et non pas de l'assurance sociale (la CMU par exemple) pour les rattacher aux comptes de la nation. Ce serait donc d'abord une mesure de clarté comptable et financière. Le mécanisme serait transparent du point de vue des finances de l'État, car il rapporterait autant à l'arrivée qu'il coûterait au départ. Il serait évidemment jumelé avec une baisse des charges sociales des entreprises (ou du travail, si l'on préfère) et avec un transfert au budget de l'État de dépenses de solidarité assumées par les partenaires sociaux (donc un peu plus de contrôle pour les autorités du ministère des finances).
 
Mais la logique profonde qui sous-tend la TVA dite sociale va beaucoup plus loin : c'est toute la logique d'une ponction sur le travail qui est en cause, car elle aboutit à pénaliser la compétitivité des entreprises françaises.
 
Dès lors, la création d'une masse conséquente de TVA sociale, jointe à une baisse tout aussi importante des charges des entreprises permettrait à celles-ci de se découvrir une plus grande concurrentialité. Elle aboutirait aussi à faire financer une part non négligeable de la protection sociale française par le travail des étrangers à l'étranger, à travers la taxation des produits importés. Dans une certaine mesure, c'est une réintroduction de droits de douane contrairement aux principes de nos accords de libre-échange.
 
On envisage donc de monter à 25% voire 30% le taux de TVA, tout en diminuant d'autant les prélèvements sociaux. Ce transfert massif pourrait alors jouer plus qu'à la marge pour le rétablissement desdits comptes.
 
On voudrait avoir lu sous la plume de la gauche que cette mesure aboutirait à faire financer notre protection sociale de pays riche en partie par le travail de pays pauvres qui n'en ont pas, mais on ne l'a pas lu.
 
Les critiques de la gauche sont d'un autre ordre et l'on se rappelle que l'une des premières mesures de relance économique prises par Dominique Strauss-Kahn lorsqu'il était devenu ministre des finances en 1997 fut de baisser la TVA qu'Alain Juppé avait augmentée deux ans plus tôt.
 
Cette réduction de la taxe permit à la consommation de redémarrer.
 
Car le grand inconvénient d'une hausse de la TVA est connu : elle pèse sur la consommation. Or celle-ci est en berne, en raison notamment d'une crise de pouvoir d'achat que notre pays traverse.
 
C'est en raison de cette difficulté qu'il faut se montrer prudent sur la TVA sociale et que Christian Saint-Étienne est bien avisé d'en avoir limité l'impact à la compensation de la part des comptes sociaux affectés à la solidarité. 

Café politique de Quitterie Delmas autour de Ludovic Vigogne.

Ludovic Vigogne est journaliste au "Parisien". Chargé de l'UMP et de Matignon, il a cependant, dans le passé, eu à suivre l'actualité de l'UDF et estime en connaître les enjeux. Quitterie Delmas l'a invité pour examiner le premier tour des législatives.
 
Une bonne soixantaine de lecteurs du blog de Quitterie, pour la plupart blogueurs, sont venus écouter ses conclusions et débattre de la stratégie du MoDem.
 
À leur grande et heureuse surprise, Gaby Cohn-Bendit et Corinne Lepage se sont joints à l'assemblée.
 
Ludovic Vigogne dresse un tableau sombre de l'avenir du MoDem, qui lui paraît très brumeux. Il ajoute cependant aussitôt qu'il est de l'habitude des journalistes politiques de se tromper dans leurs pronostics. La preuve : il avait juré que jamais Sarkozy ne pourrait gagner la présidentielle.
 
Un débat s'engage alors à la fois sur le passé et l'avenir. Les blogueurs s'expriment de plusieurs façons différentes qui prouvent la diversité du MoDem et en même temps son unité. Car ils ont en point commun l'idée d'une modernité ouverte, d'une fraîcheur politique, d'une organisation innovante, qui rend leur démarche cohérente.
 
Gaby Cohn-Bendit annonce qu'il est venu proposer une passerelle commune aux gens de bonne volonté des appareils du MoDem, du Parti Socialiste et de divers autres courants de la gauche raisonnable, dans l'idée d'une alliance du centre droit et du centre gauche.
 
Cette initiative, que beaucoup (sinon tous) approuvent renvoie cependant le MoDem à son état embryonnaire : difficile de commencer à dialoguer avec ce qui n'est pas soi avant de savoir qui on est soi-même.
 
Et qui est le MoDem ? On ne le sait pas encore. Centre-centre ? Centre droit ? Centre gauche ? Vers quoi penche-t-il ou ne penche-t-il pas ? Vers quoi va-t-il ?
 
Au fond, répondre à ces questions était l'un des enjeux auxquels la soirée s'était donné mission de contribuer.
 
D'opinion commune, il faut que le nouveau parti se dote rapidement d'une doctrine et d'une organisation. L'existence de courants est souhaitée pour structurer la réflexion, bien que chacun sache le danger inhérent à ces courants qui tuent le PS et les Verts par leur trop grande rigidité et leur excessif antagonisme ; mais les courants sont souhaités.
 
Selon l'expression développée avec précision par Corinne Lepage, il faudra que la philosophie de l'ensemble soit "bottom-up" avec une remontée rapide des informations et une grande efficacité dans la circulation des idées.
 
Combiner horizontalité et verticalité, bottom-up et courants sont quelques-uns des enjeux de la rédaction des statuts et de leur application.
 
Quitterie Delmas prend la parole à son tour pour détailler les méthodes de travail du groupe que nous formons autour d'elle et demander que les bonnes volontés se dévouent pour assumer les tâches matérielles et informatiques : création du yahoo-groupe, du webzine, des wikis. Cette fois, les choses sont enclenchées et je repars avec mes devoirs à faire : une vaste feuille de papier kraft couverte de gribouillis par lesquels les Quitteriens ont indiqué leur domaine intellectuel et politique de prédilection. À moi d'en faire la synthèse, et vite !
 
Puis la soirée se poursuit. Gaby Cohn-Bendit reste avec nous, il vient s'asseoir à ma table, je commande un paris-beurre-cornichons et un Coca, lui un Coca light et, nantis de ces provisions roboratives, nous entamons une discussion à bâtons rompus.
 
Il m'explique plus en détail la démarche qu'il a conduite avec des MoDem ex-verts, des socialistes et d'autres gens d'ailleurs issus de la gauche, pour bâtir un principe de rencontres formelles, régionalisées, entre ces différents courants, l'idée étant qu'en 2012 puisse être élaborée une plateforme permettant un désistement du candidat le moins bien placé, dans la logique des idées déjà défendues par Daniel Cohn-Bendit et Michel Rocard lors de la récente élection présidentielle.
 
Cette démarche intéressante mérite attention et connaîtra un temps fort début juillet.
 
Elle est en partie compliquée par les dissensions internes du PS et je n'ose pas répéter les termes qu'il a employés pour décrire cette division.
 
La soirée avançant, le groupe se restreint autour de Quitterie, de Gaby et d'une demi-douzaine de blogueurs. L'atmosphère détendue permet à Quitterie de se confier sur son souhait de s'associer aux initiatives décloisonnantes, donc à celle qui vient d'être évoquée. Je promets d'aller répandre cette info dans les sphères pertinentes, de façon à éviter des malentendus.
 
Enfin, minuit approche, tous les carrosses menacent de se changer en citrouille, Quitterie vide sa bière, je quitte la place de la Bastille et rentre chez moi par la rue de Rivoli.
 
C'est bon, parfois, de parler de politique avec des gens libres. 
 

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12/06/2007

Le PS doit retirer ses candidats face à Bayrou et Lassalle.

L’UMP a retiré son candidat dans la circonscription dont François Bayrou est à la fois le député et le candidat. Cadeau empoisonné, on s’en doute, puisque ce candidat n’avait aucune chance d’être élu. En revanche, dans la circonscription voisine, Jean Lassalle est confronté au deuxième tour à un autre candidat de l’UMP. Bien sûr, celui-là, il n’est pas question de le retirer. Quelle générosité de donner ce qui ne coûte rien !

Quoique.

Et si l’UMP avait décidé d’appeler en sous-main ses électeurs à voter pour la gauche dans le seul but d’écraser enfin Bayrou, l’intraitable cavalier béarnais ? Et si la manœuvre consistait à s’effacer ici en échange du maintien du candidat socialiste nécessaire à la victoire de l’UMP contre Lassalle là ?

Devant ce soupçon, les socialistes se doivent de réagir. Ils n’ont d’autre choix que de retirer leurs deux candidats. Faute de quoi les électeurs centristes leur feraient payer cher à la fois la défaite prévisible de Lassalle et celle éventuelle de Bayrou.

S’ils ne le font pas, malgré toutes les promesses de Sarkozy, ils périront. Qu’ils voient donc comment le président traite ses alliés, hier Lagardère, aujourd’hui Dassault et demain les autres qui se croyaient forts et puissants et qu’il va remplacer par des hommes de paille à sa main.

Oui, socialistes, rappelez-vous ce que disait Churchill : « Pour dîner avec le diable, il faut une très longue cuiller ».

Bayrou à Colombey ?

Le MoDem devrait racheter la Boisserie, on installerait Bayrou à Colombey, ce serait pratique, tout le monde comprendrait, il n'y aurait aucun mal à le trouver le jour où il faudrait le rappeler au pouvoir.
 
Bayrou et son ami Jean Lassalle seront peut-être les deux seuls députés du MoDem.
 
Le bilan des législatives est étrange. Le MoDem y est troisième et, si la participation avait atteint les 70%, il aurait été capable de se maintenir dans plusieurs dizaines de circonscriptions.
 
Faute de votants, la désertification est plus rapide et brutale que prévu. 
 
Bayrou avait certes promis cette traversée du désert au Zénith. Il a tenu sa promesse, comme toujours. Pour une fois, on l'aurait souhaité infidèle.
 
En vérité, deux constats connexes s'imposent : lors de la présidentielle, l'irruption de Bayrou a créé un suspense, elle a dopé les votes. Lors des législatives, pas de Bayrou, pas de suspense, pas de vote, juste un gigantesque concours de pêche à la ligne.
 
Dans le même esprit, les chiffres de l'abstention indiquent clairement la voie à suivre pour ramener les électeurs vers les urnes : la proportionnelle. En vingt-cinq ans, l'abstention n'a été qu'une fois inférieure à trente pour cent au premier tour des législatives : en 1986, lorsqu'elles se disputaient à la proportionnelle.
 
Tout ceci, bien entendu, est remarques de sagesse. Mais nos sphères de pouvoir sont peuplées de gens de calcul. Dommage.