30/03/2007
Châteaubriand ? La voix des rêves oubliés.
Talleyrand a écrit : "M. de Châteaubriand croit qu'il devient sourd quand il n'entend plus parler de lui".
Il faut dire que le vicomte malouin est un zélateur frénétique du moi.
L'origine de ses ancêtres, il en parle au début des "Mémoires d'Outre-tombe", se perd dans la nuit des temps bretons. Il est probable qu'il faille la chercher dans le Xe siècle, voire auparavant, si l'on imagine que les Châteaubriand descendent des anciens comtes de Rennes, que l'on remonte jusqu'au IXe siècle.
Nantie de ce pesant stock d'armures, de heaumes, de gourdins, de lances et d'épées, la lignée cadette des Châteaubriand déchoit assez tôt. Elle s'étiole dans une collection douloureuse de siècles, jusqu'à ce que le père de notre auteur acquière la bosse du commerce.
Encore un qui s'est enrichi dans la traite négrière.
Redoré, il peut acheter un donjon imposant et ancien comme la Bretagne, la forteresse un peu lugubre de Combourg. Il y installe sa famille en alternance avec leur hôtel du vieux Saint-Malo.
François-René, dans cette famille restaurée, suit un cursus ordinaire qui le conduit dans l'armée juste avant la Révolution. Il ne brille guère, émigre au bon moment et là, comme d'autres (notamment, un peu plus tard que lui, le futur roi Louis-Philippe, seul de nos monarques à avoir traversé l'Atlantique), s'embarque pour l'Amérique.
Il y découvre les tribus amérindiennes, qu'il enrôle bientôt dans la cohorte littéraire française à travers un curieux ouvrage, les "Natchez", paru à Londres après son retour et sa blessure dans la triste armée de Coblentz, qui scelle la fin de sa brève carrière militaire.
L'arrivée de Bonaparte au pouvoir coïncide presque avec le deuil de sa mère. En 1800, il est en France et publie coup sur coup en trois ans Atala, René et le Génie du Christianisme. Les deux premiers plaisent au public ; le troisième au pouvoir. Il tient son passeport définitif pour la gloire.
Bien entendu, il ne tarde pas à se brouiller avec le régime. Élu à l'Académie française en 1811, il trouve le moyen d'égratigner Napoléon, qui lui défend de siéger sous la Coupole. Il se rapproche de Louis XVIII et on connaît la fameuse phrase qu'il a écrite au sujet de la soumission faite par Fouché au vieux roi sur le paillasson du retour :
"Je vis entrer le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand soutenu par M. Fouché. La vision infernale passa lentement devant moi... Le régicide venait jurer sa foi entre les mains du frère du roi défunt. L'évêque apostat était caution du serment". Un passage magnifique sur lequel on a fait toute une pièce, puis un film, voici quelques années : "Le Souper".
Il suit la valse un peu ridicule de Louis XVIII autour des Cent Jours : un pas en avant, deux pas en arrière, puis rentre dans les valises des Bourbon et prend aussitôt du galon ... qu'il perd assez vite pour s'être brouillé avec les chefs de la nouvelle majorité.
Il commence alors une longue carrière d'opposition aux régimes, entrecoupée de moments de responsabilités diverses qu'il marque de son tempérament tapageur.
À la fin des années 1810, il a la bonne idée d'accepter Victor Hugo pour une tâche de secrétaire plutôt brève mais symbolique.
Mais en 1830, il se renfrogne et se replie sur ses fabuleux "Mémoires d'Outre-Tombe" qu'il promet de ne publier qu'après sa mort et qui paraîtront ... avant. Les sujets d'argent ont toujours contrarié les projets des écrivains.
Il meurt octogénaire en 1848. Presque exact jumeau de Napoléon, il s'éteint alors que commence à paraître la silhouette de Napoléon III. Il n'aura pas eu le loisir de s'opposer à ce régime-là. C'aurait pourtant été une occasion de se rapprocher de Victor Hugo...
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29/03/2007
Rostand a du nez.
Il faut naître fils de banquier.
Edgar Degas est fils de banquier, Edmond Rostand aussi. Évidemment, l'inconvénient est que si on aime les prénoms simples, on ne sera pas servi.
Cela étant, sa situation de fortune permet à Rostand de se consacrer à l'écriture. Il faut dire qu'il dégouline de facilités et de talent, c'en est agaçant.
Il faut dire aussi qu'il a la chance de rencontrer Sarah Bernhardt. Celle-ci, actrice déjà plus que confirmée, a sans doute déjà l'habitude de dormir dans son cercueil, dans sa suite, au Ritz.
Dans ce curieux séjour, elle reçoit. De là elle sort chaque soir pour jouer sur une scène parisienne.
Elle commande deux pièces à Rostand, l'une étant je crois la "Princesse lointaine". Toutes deux connaissent un succès plus que mitigé. Mais le métier de l'interprète s'est transmis à l'auteur : l'exercice qu'il livre ensuite au public se nomme "Cyrano de Bergerac".
Ah, évidemment, les tirades abondent, les morceaux de bravoure se dégustent frais. On savoure, on se délecte. Sorte de réminiscence d'Hugo et de Dumas, truculence, idéalisme, ferveur, flot de poésie. "Pas bien haut peut-être, mais tout seul...". "Mon panache...".
Le triomphe se répand à une vitesse éclair. Il dépasse l'imagination. La France est de retour.
Deux ou trois ans plus tard, pour battre le fer du succès tant qu'il est chaud, Rostand récidive avec "L'Aiglon", autre morceau d'anthologie ("Nous, les petits, les obscurs, les sans-grade ..."), confié à Sarah Bernhardt qui reçoit la récompense de sa trouvaille.
Napoléon, la gloire française au superlatif, griserie, vertige, tout le pays debout pour applaudir la vieille actrice. "L'Aiglon". Tragédie, injustice, trépas, tout y est.
Puis la page blanche. Rostand a été domestiqué pour le succès par Sarah Bernhardt, bien dressé, mais il y a au fond de lui un autre Edmond Rostand qui cogne aux parois et qui veut sortir. Cet Edmond-là rêve de sujets ambitieux, immenses, bref, il se nomme vertige du succès.
Le résultat de ce malentendu de l'auteur avec lui-même, c'est "Chantecler". Le lancement de cette pièce, la dernière jouée de son vivant, est tel qu'elle ne peut connaître l'échec. Malgré tous ses défauts, elle est donc rentable. Mais on y va en se pinçant le nez.
La simple idée que les personnages sont tous des animaux fait pouffer. On croit revoir l'image des cinq générations de barbus alignées qui fait le ridicule des "Burgraves", la dernière pièce du grand cycle de Victor Hugo, un échec critique et public cuisant. "Chantecler", au fond, est du même acabit. Quel qu'en soit le propos, l'idée est parfaitement ridicule.
Vexé, Rostand se renfrogne. Après tout, il est riche, académicien, malheureux en ménage, pourquoi irait-il s'exposer plus ? Qu'a-t-il encore à prouver ?
Il ne lui reste plus que le patriotisme, qu'il déploie autant que possible durant la première guerre mondiale, avec un courage plutôt rare.
Il me semble d'ailleurs qu'il fait le voeu de donner sa vie pour sauver la patrie. Il tient parole d'une façon paradoxale : il meurt un mois après l'armistice de novembre 1918... de la grippe espagnole.
Il a tout juste cinquante ans.
"Un baiser, à tout prendre, qu'est-ce ?.."
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28/03/2007
Victor Hugo, déiste.
On a fait toutes sortes de statistiques sur l'oeuvre énorme de Victor Hugo. On a calculé la récurrence du rythme ternaire des adjectifs et des locutions, le nombre d'alexandrins, et toutes sortes de détails plus ou moins curieux. Je n'ai pas réussi à trouver celle de la répétition du mot "Dieu".
Pourtant, il revient souvent. Il hante Hugo.
Bien sûr, très vite, le chef des romantiques devient anticlérical. Bien sûr, lorsqu'il rencontre un prêtre, c'est forcément celui que l'Église s'apprête à limoger. Bien sûr, il taquine avec mordant les catholiques dans des poèmes gouailleurs comme la Légende de la Nonne (magnifiquement chantée par Brassens).
Et cependant, qu'il le veuille ou non, l'idée et le nom de Dieu reviennent sous sa plume. D'abord presque comme une prière méditative ("Que faites-vous, Seigneur ? à quoi sert votre ouvrage ? À quoi bon l'eau du fleuve et l'éclair de l'orage ? Les prés ? ..."), puis un peu sur tous les tons de la métaphysique jusqu'à d'étranges emphases réminiscentes et presque psychanalytiques ("Car le mot, c'est le verbe, et le verbe, c'est Dieu").
Dieu va circuler de texte en texte, évoluer, prendre des allures hugoliennes, adopter une chair, un regard, ou au contraire s'éthérer en principe.
De toutes façons, à chaque instant de l'oeuvre, on retrouvera la notion d'un créateur, d'une main surpuissante qui a organisé l'univers et qui veille sur son monde.
En vérité, le déisme d'Hugo reste dans sa forme très chrétien, voire catholique. En témoignent l'une de ses oeuvres posthumes inachevées, la Fin de Satan (rien dans quoi un agnostique puisse trouver sa pitance), ainsi que la vénération qu'il a pour Jean, l'évangéliste, l'auteur de la visionnaire Apocalypse.
Mais il ne s'agit plus de foi, ni d'adhésion à un principe philosophique ou religieux. Les références d'Hugo sont celles de l'imprégnation qu'il a subie et qui lui permettent de s'adresser à un public large qui a les mêmes références culturelles que lui. Il organise à sa guise le Ciel de ses rêveries, sans se soucier des dogmes.
Dans son Ciel, il y a des anges et Dieu. C'est déjà beaucoup de monde.
Il croit aussi à la survie des âmes, puisqu'il fait tourner des tables comme des toupies pour les faire versifier sous le nom de divers hautes figures du passé.
Il tente de dessiner une cohérence, une architecture, mais son opinion est plus picturale que scientifique. Quoiqu'il fasse, Victor Hugo est avant tout un poète. Libre.
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27/03/2007
Romain Gary et l'identité nationale.
L'oeuvre de Romain Gary contient deux petits bijoux : "La promesse de l'aube" et "L'éducation européenne". j'y ajoute "La vie devant soi" signé Émile Ajar.
Les deux premiers sont des textes vifs, pleins d'humour et de dérision. L'un d'eux contient un portrait de la mère (idéalisée d'une étrange manière) de Gary. On y voit une mère juive dans toute la splendeur de l'expression, folle, folle de son fils en particulier, sans doute plus dans le roman qu'au naturel. Une mère idolâtre.
On croise aussi des réflexions amères du Gary qui finit par se suicider dans la "vraie" vie : "Le véritable drame de Faust, qu'on nous a toujours caché, n'est pas tellement qu'il ait vendu son âme au diable, mais qu'il n'y ait personne pour l'acheter ; il n'y a pas preneur".
Désespoir de tous ceux qui, débutant dans la vie, cherchent un moyen d'ouvrir la porte du succès.
Le Gary de ces premiers livres adresse des articles à des revues à fin de publication, est émerveillé d'y trouver pour la première fois son nom et se cherche inlassablement un pseudonyme ronflant pour se fabriquer une grande carrière. Il imagine toutes sortes d'anagrammes transparentes et évocatrices de la France et de sa culture. Puis il dit (et c'est une des trouvailles les plus drôles) que c'est un jour, en découvrant le nom de de Gaulle, qu'il se frappe le front : comment n'y a-t-il pas pensé plus tôt ? Voilà le nom génial ! le nom idéal ! lol comme on dit sur Internet.
J'aime moins "Les racines du ciel", dont le titre est la meilleure part. Il me semble que ce roman est trop écrit dans l'esprit du jury Goncourt. C'est une copie d'écolier, un texte ad hoc. Trop chargé de détails, trop poussif, trop forcé dans l'action. Il a rempli sa mission, puisque Gary a obtenu le prix cette année-là.
L'imposture de Gary devenant Ajar pourrait être demeurée le plus grinçant et drôle canular de cette époque par ailleurs compassée. Mais elle tourne au tragique quand il apparaît que c'est la personnalité même de Gary qui sombre.
Hélas, sa propre histoire en fournit peut-être l'explication.
C'est lui qui raconte que, dans son enfance en Pologne, les gamins l'insultaient "Sale Juif !" Ses parents déménagèrent, s'installèrent à Paris. Et là, on continua à l'insulter ; cette fois, c'était "Sale Polack !" Ses parents déménagèrent encore, du côté de Toulouse je crois. Et les gosses, cette fois, hurlaient "Sale Parigot !"
Partout où il se déplaçait, il arrivait avec la trace de sa dernière résidence, comme une ombre.
Anecdote qui serait cocasse si elle n'était au fond tragique.
Elle permet de se rappeler qu'on est toujours l'étranger de quelqu'un quelque part.
Une leçon pour notre époque ? Si oui, une leçon très libre.
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26/03/2007
Pauvre Corneille.
Pierre Corneille, j'adore.
Ses trois principales tragédies, "Le Cid", "Horace" et ... (laquelle, déjà ?), sont des sommets que j'escalade avec délectation.
J'ai déjà oublié pourquoi on avait été si discret à célébrer l'an dernier le quatrième centenaire de sa naissance. Détail : ces stupidités politiques passent, le talent reste.
Ah, le "va, je ne te hais point", la tirade d'Horace sur la grandeur du combat et sa réponse de Curiace ("Nous serons les miroirs d'une vertu bien rare, Mais votre fermeté tient un peu du barbare..."), ce sont des morceaux que j'aimerais avoir écrits.
Corneille est un élève des Jésuites. Son vers célèbre d'"Horace" ("Rome, unique objet de mon ressentiment") est-il la trace chez lui de ce qui fera plus tard l'anticléricalisme de Voltaire, autre élève des fils de Loyola ?
Corneille est un Normand. Comme Flaubert et Maupassant, il glisse autant de réalité que possible dans ses oeuvres.
Corneille est un auteur puissant, puis un auteur décadent, et enfin un auteur trop vieux.
Puissant, il l'est jusqu'à l'extrême dans Horace et le Cid. Le verbe y est percutant et l'action débridée. L'épopée y affleure à tout instant ("nous partîmes cinq cents et par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port" dit autant avec aussi peu de mots que certains vers de la "Legende des Siècles" de Victor Hugo).
C'est notre plume la plus énergique avant Hugo. Corneille cultive d'ailleurs la force et c'est ce qui l'a rendu récemment suspect de je ne sais quel crime intellectuel dont les nouveaux inquisiteurs sont friands.
Au faîte de sa gloire, il peut protéger le retour de Molière à Paris. C'est l'époque où il courtise la Du Parc avec les vers les plus maladroits de tout notre arsenal galant (chantés par Brassens, qui leur a inventé une réponse cocasse) :
"Marquise, si mon visage
Vous paraît un peu vieux
Dites-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux".
Décadent, il le devient presque dès l'apparition de Racine, son cadet d'une génération entière.
Trop vieux, il l'est à la soixantaine. C'est l'époque où la jeune équipe de Boileau le pousse vers la retraite. En 1666 et 1667, Corneille produit successivement deux pièces : "Agésilas" et "Attila". Boileau s'écrie : "Après l'Agésilas, hélas ; mais après l'Attila, holà !". C'est le four.
Or Corneille s'éternise. On a prétendu qu'il collaborait avec Molière, avec lequel il avait fait alliance quelques années plus tôt. On a dit aussi qu'il s'était soumis à la censure linguistique de Boileau comme Molière, Racine et La Fontaine.
Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'au bout de cette trop longue agonie artistique, c'est tout de même Boileau qui intervient auprès de Louis XIV pour obtenir une pension au vieux maître aux abois. Coup de pied de l'âne ? Peut-être.
Mais Corneille, en mourant en 1684, peut en tout cas songer que son Cid, pourtant inspiré d'une pièce espagnole, traversera les siècles et les océans. La postérité le vengera.
Or la postérité et le public sont deux consolations inusables pour les gens de théâtre et de littérature.
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25/03/2007
Un dimanche politique au Salon du Livre.
C'était la journée des tracteurs, porte de Versailles à Paris, et pour un peu, on s'y serait cru revenu quelques semaines en arrière : José Bové et François Bayrou venaient y signer leur livre.
Celui de Bayrou a été écrit par lui, on le sent en le lisant. Une foule nombreuse a subi plus d'une heure de retard du candidat, accompagné de sa directrice de campagne, Marielle de Sarnez, de son éditeur Olivier Orban (et de Christine Orban, écrivaine et épouse dudit), de Philippe Lapousterle, l'un de ses conseillers les plus proches, et de deux ou trois autres personnes. Sur le stand (Plon), Thierry Saussez, qui signait lui aussi, bavardait avec son vieux rival Jacques Séguéla.
Une rangée de caméras attendait, braquée sur Bernard Pivot puis sur Gisèle Halimi, avant l'arrivée de Bayrou.
Dès que l'approche de celui-ci a été confirmée, on a ouvert la vente des livres au grand soulagement du libraire titulaire du stand au nom de Plon, qui se voyait rester avec sa volumineuse commande sur les bras pour un moment.
Beaucoup de jeunes l'ont alors acheté, ainsi que des trentenaires plutôt zen et d'autres profils assez différents, d'un peu tous les horizons et d'un peu tous les esprits. Peu de têtes blanches. Il est vrai que le Salon n'en draine guère.
Le public agglutiné gênait considérablement la circulation. Un véritable bouchon obturait tout le noeud de traversée de cette partie du salon.
Au fur et à mesure des dédicaces, les allées se sont de nouveau fluidifiées.
On voyait des gens mitrailler le candidat dix ou vingt fois avec leur téléphone portable, des jeunes se porter mutuellement pour l'apercevoir au-dessus de la foule. Des gens sont restés tout au long de la séance.
Quand j'ai dû partir, on m'annonçait que Bayrou allait faire le tour des stands. Je consultais ma montre sans y croire.
Avant l'arrivée des politiques, j'avais salué mes deux copines : Caroline Bongrand, d'abord, qui signait chez Albin Michel avec sa coauteure Éliette Abécassis un livre sur la liberté des femmes, "Le corset invisible", dont j'ai entendu dire énormément de bien sans avoir encore eu le temps de le lire. Éliette Abécassis, dont on connaît le talent, est une femme plutôt grande (ou presque grande), élégante, simple, joli teint, décolleté avantageux et sourire direct. Ma Caroline est une copine depuis quinze ans, je ne l'avais pas vue depuis je ne sais quand, son séjour québécois lui a donné un charme supplémentaire et son dernier roman, "L'enfant du Bosphore", m'avait enthousiasmé.
Juste en face et juste après, Anne Goscinny est venue s'asseoir chez Grasset, accompagnée de son mari et ses deux gosses, l'espiègle Simon et la contemplative Salomé. Elle est toujours aussi maigre et se pose plein de questions sur la politique, ces temps-ci, comme un peu tout le monde (sauf moi).
L'espace autrefois dédié au théâtre, longtemps subventionné par le Figaro (jusqu'à ce que le rapia marchand de canons Dassault rachète ce journal), avait été désaffecté les deux dernières années. Cette fois, il a été remplacé par une tribune verte intitulée "Art de vivre".
Cécile Boyer, que j'avais vue chez Hachette Tourisme, est au Livre de Poche depuis un an et ses yeux très bleus et rieurs s'en réjouissent.
Pour le reste, l'habituel contraste entre les écrivains ensevelis sous les dédicaces (Werber encore) et ceux, plus blasés, qui ont attendu longtemps et vainement le client. La curieuse routine de tous ces salons.
Ah oui, j'oubliais : mon ami Florent Massot, l'éditeur en France d'Aung Sang Su Ki (j'écorche sûrement le nom de cette dissidente birmane) est venu avec Philippine Leroy-Beaulieu et quelques amis faire un événement de protestation contre la vente d'armements par l'Inde à la Birmanie. Il est content de l'écho de son initiative. Puisse-t-elle être utile l'année où le salon est dédié à l'Inde, justement.
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Molière : le mercato.
En lisant la biographie de Molière dont je parlais hier, un détail m'amuse et m'indigne en même temps : quand une troupe était jalouse d'une autre, elle faisait décider par le roi que tel acteur de cette autre troupe aurait obligation d'en changer pour une qu'il lui désignerait. On affaiblissait ainsi l'adversaire par intervention de l'autorité.
Véritable scandale, en vérité, mais que tous devaient subir sans rechigner.
Un peu comme si, aujourd'hui, on déclarait que l'équipe de rugby de Pau était trop forte et que, par conséquent, son demi d'ouverture devrait aller jouer avec celle de Biarritz, ou comme si (pas de risque de ce côté-là) l'équipe de football du PSG étant trop haut dans le classement, on lui enlevait son meneur de jeu que l'on enverrait à Lyon.
On mesure quand même ce que la République signifie et, au passage, la nécessité de l'impartialité de l'État, pour éviter que l'autorité publique ne verse dans de semblables favoritismes.
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24/03/2007
Molière et le Bourgeois Gentilhomme.
J'avais envie de dire un mot sur Molière, ma mémoire n'y suffisait pas, j'ai voulu, pour une fois, la rafraîchir, j'ai donc acheté pour une somme modique l'un des tomes de la collection "Biographies" de Folio Gallimard, ouvrage consacré récemment à Poquelin et rédigé par Christophe Mory.
Il m'est difficile de m'arracher à sa lecture. J'avais lu une autre bio, voici plusieurs années, qui ne m'avait guère appris. Celle-ci, tout au contraire, m'instruit beaucoup.
Et me voici sans rien à dire.
Juste un détail donc : le bourgeois gentilhomme, ce sont bien sûr des quantités de contemporains de Molière, c'est aussi un peu son grand-père maternel, Louis "de" Cressé, mais c'est d'abord une révolution visuelle.
On éprouve chaque fois un émerveillement d'imaginer ce que pouvaient ressentir les anoblis le jour où ils obtenaient leur brevet : auparavant, ils n'avaient droit, pour leurs vêtements, qu'au noir, au gris, au brun, au grège, au beige, au blanc, et voilà qu'ils pouvaient se déguiser en perroquets. Ce devait être grisant.
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Ah ! Feydeau ! Oh !
Beaumarchais avait inventé une mécanique théâtrale implacable, tourbillonnante, animée par des ressorts secrets et puissants. Il avait mis sa trouvaille au service d'un projet philosophique et politique.
Cent ans plus tard, Feydeau découvre un chemin de moyens semblables, mais oublie la politique.
Rien ne vaut un Feydeau. Rien ne vaut "Un fil à la patte" ou "Tailleur pour dames".
Le plus invraisemblable de sa vie, c'est sa naissance à Paris en 1862. On suppose tout : il serait fils de l'empereur ou du duc de Morny, plus ou moins lié à celui-ci par le sang. Rien que ce détail est drôle. La mère, elle, est une Juive polonaise.
Feydeau apparaît à vingt-quatre ans et produit pendant trente ans une myriade de pièces de théâtre dans laquelle il n'y a pratiquement pas de déchet : tout est hilarant, endiablé, dépourvu de sens et de psychologie. Il n'y a qu'un enchevêtrement de situations de plus en plus aberrantes dans lesquelles les personnages se débattent comme ils peuvent, toutjours écrasés par la mécanique des choses.
Peut-être y a-t-il en fait quelque chose de métaphysique dans cette vision. Quelque chose d'une angoisse intime qui explique la fin douloureuse de l'auteur, dont on sait qu'il fut interné durant deux ans, à bout de forces et d'illogismes.
Ses pièces, elles, sont inusables et, au fond, joyeuses. Elles reflètent la grinçante immoralité de la fin du XIXe siècle, l'hypocrisie d'un milieu, la lâcheté des hommes, l'énergie des femmes.
Rien de plus étonnant, si l'on y songe, que le profil des deux sexes dans ces histoires. La faiblesse masculine y domine et les femmes y font alterner l'émotion, la futilité, la manipulation, l'impudence, et toutes sortes de vilains défauts et de nobles qualités.
Curieux portrait de groupe, en vérité.
J'ai un faible particulier pour "La main passe", dont le contenu me semble bien moins superficiel qu'on ne le dit d'habitude. La trame est simple : un homme prend l'épouse d'un de ses amis, celui-ci trop heureux de s'en débarrasser, puis l'épouse reprend le premier époux. Le jeu étant sur le statut du second homme, celui des placards. L'excitation de l'interdit, la menace de la routine et la pesanteur de l'officiel. Une leçon sur le mariage ? Peut-être, mais il faut noter que les mariés, dans un cas comme dans l'autre, s'aiment. Pas de noces arrangées, pas d'union de façade : à la base, un vrai couple. Modernité insoupçonnée, au fond. C'est peut-être la pièce la plus actuelle, étant donné qu'on n'en finit plus de réinventer les vies maritales conjointes ou disjointes, la notion de vie "commune" se satisfaisant désormais, selon la jurisprudence civile, de domiciles ... séparés ... ce que Feydeau lui-même n'aurait pas osé imaginer, mais dont il aurait fait ses choux gras.
J'ai adoré l'interprétation de "Monsieur chasse" donnée voici quelques années par Chevalier et Laspalès. Laspalès y exprimait son personnage absolument insensé qui, scène après scène, dynamitait la mécanique de Feydeau pour en tirer des moments d'une intensité prodigieuse. Bien entendu, l'acteur se permettait quelques improvisations qui augmentaient encore la pression qu'il exerçait sur le texte. Un grand acteur peut révéler des lueurs insoupçonnées d'un rôle.
"L'hôtel du libre échange" est presque un archétype. Tout s'y bouscule, tout le théâtre de Feydeau s'y concentre, on pourrait le définir comme un best-of (pardon un pot-pourri) de l'oeuvre.
"Le dindon" est assez cruel. Je l'ai vu interprété à la télévision, au temps d'"Au théâtre ce soir", par Alain Feydeau, le petit-fils de l'auteur, et c'était parfaitement réjouissant. Voilà d'ailleurs un des tours de forces de Feydeau : la cruauté affleure souvent dans son oeuvre, mais par une alchimie inexplicable, elle ne provoque aucune souffrance. Ni jouissance, d'ailleurs. Elle n'a rien de punitif ni de mérité. Elle n'inflige rien : le théâtre de Feydeau n'agit pas, il décrit. Les personnages s'agitent, leur vie est entièrement familière, toute compréhensible, toute réelle, et cependant, on ne peut la définir qu'en deux dimensions. La cruauté ne dérange pas, parce que tout ça n'est pas "pour de vrai". On est constamment distancié. Parfaite expression de l'esprit parisien de la fin du XIXe siècle.
"La puce à l'oreille", "Occupe-toi d'Amélie", "On purge bébé", "Mais n'te promène donc pas toute nue" sont des feux d'artifice. Et comme un fait exprès, presque en même temps que la fin de la carrière de Feydeau apparaît un autre virtuose du cynisme et des ébats du couple en tous états, un autre stakhanoviste inlassable : Sacha Guitry. Un vrai grinçant libre.
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23/03/2007
Salon de Paris : et le livre électronique ?
Le salon du Livre de Paris vivait ce soir sa première nocturne publique.
Chaque année j'y trouve les allées plus clairsemées et les fêtes moins nombreuses chez les éditeurs. Cette fois me semble encore plus endeuillée.
Bernard Werber, chez Albin Michel, a cependant toujours son nombreux fan club. D'autres auteurs, pourtant connus, se battent les flancs. Quant à ceux dont le nom reste à apprendre, ils bavardent pour masquer le vide ave un voisin.
Je consulte la liste des dédicaces. Par chance, mes deux copines, Anne Goscinny et Caroline Bongrand, signent le même jour, presque à la même heure, et l'une en face de l'autre : chez Grasset et chez Albin.
Chez Grasset, Christophe Bataille, beaucoup moins tendu qu'hier soir et ayant troqué la veste pour le pull, m'accueille avec un sourire. Il attend pourtant l'arrivée de Philippe Val et j'ai l'impression, de la manière dont il en parle, que la relaxe prononcée par la Justice à l'égard de Charlie Hebdo, publication dirigée par Val, n'a pas plu à tous. Ce que la sottise a de rassurant, c'est qu'elle ne baisse jamais les bras, on sait toujours où on va la trouver le plus épanouie.
Un peu plus loin, Hachette Littérature a mis "Au nom du Tiers-État" en vitrine ; le succès actuel de Bayrou chez Plon (les cent mille exemplaires sont franchis en dix jours, m'a-t-on dit) doit faire des envieux chez Hachette.
Au bout du rang, l'hypertrophie de l'espace BD paraît stabilisée. On avait fini par croire que ce secteur mangerait tous les autres.
Chez France Culture, on parle de l'Iran, de l'Irak et de la Syrie. L'atmosphère est tendue.
En tournant à gauche, je croise Maïtena Biraben, une présentatrice de télé. Elle porte un nourrisson contre elle dans son manteau ; à côté d'elle marche un géant, visiblement le père de l'enfant.
Les stands des régions ne changent pas, du moins pas d'une façon que je remarque. Il me semble pourtant que celui de la Bretagne accueille de nouveaux éditeurs. Longtemps, c'était un fouilli insondable ; depuis qu'on y a mis de l'ordre, tout est devenu bien sage. Où est la folie des lettres celtiques ?
Je m'arrête pour avaler un brownie et un coca, puis je consulte mon téléphone : il est tard, je vais rater l'heure de mon blog. Je lâche tout pour vous revenir.
Et cependant, en passant, je remarque une chose : le livre électronique, qui contient à lui seul toute la marge de croissance de ce secteur pour les dix prochaines années, le livre électronique, donc, est toujours cantonné dans son ghetto. Pas un éditeur important qui en propose une vitrine, pas un qui affiche sa volonté d'y réfléchir.
Les lettres françaises seraient-elles en train de manquer leur tournant technologique ? Difficile à croire.
J'y reviendrai dimanche avec un peu plus de temps, l'esprit libre, et surtout lundi, le jour des professionnels, dont je vous livrerai quelques secrets si ça vous amuse.
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22/03/2007
Soirée inaugurale du Salon du Livre de Paris.
On ne peut pas échapper constamment à la fatalité.
Voici le salon du livre et sa soirée réservée aux "invités", tous en principe munis d'invitations. Autant dire que si l'on est une jolie jeune femme curieuse de littérature, l'invitation est moins exigée. On trouvera preneur à l'intérieur.
Première surprise pour moi étant donné tout le mal que j'ai dit récemment de Grasset, j'ai été happé par le stand Grasset et il m'a été presque impossible de m'en extraire.
Deuxième surprise : le dernier des trois livres que Bayrou a publié chez eux, "La Relève", y trône sur un présentoir.
C'est au fond le signe de choses qui bouge et j'en suis content.
Je croise là mon ami Florent Massot et, tout près de lui, la belle actrice Philippine Leroy-Beaulieu, pleine d'un sourire charmant, et qui, en me voyant, allume une cigarette. Un peu plus tard apparaît Jean-Pierre Mocky, un des auteurs de fortune de Florent, toujours un peu hagard, mais content d'avaler une coupe de bon champagne et de frôler la jupe d'une jolie fille.
Massot est fabriqué et diffusé par Grasset.
Fasquelle, quoique retiré des voitures, est là, ainsi que sa seconde épouse Nicky, qui a dirigé le "Magazine littéraire".
Plus loin, Manuel Carcassonne me glisse "on se croise beaucoup" et il est vrai que toutes les dernières fois où je l'ai vu, c'était entre deux portes.
Nora, plus desséché encore qu'hier, mais avec cette allure noble et ce regard souriant qu'il a facilement, me serre la main avec chaleur.
D'autres de la maison s'étonnent de m'avoir vu si peu récemment.
Bruckner n'est pas là.
En revanche, je croise Aymar du Chatenet, l'époux de l'excellente Anne Goscinny, que j'arrête pour lui présenter une jeune avocate qui vient de travailler sur le prochain Astérix.
On voit quelques piliers de la maison, comme Michèle Fitoussi, et des éditeurs comme le spirituel Charles Dantzig, haute silhouette aux cheveux papillonants, et Christophe Bataille, plus janséniste et vêtu de gris.
Stéphanie Polack accepte mes compliments sur son premier roman.
Colombe Schneck, comme chaque année, fait une apparition.
Puis on devine la rangée de pique-assiettes sympathiques et le trio de jolies filles appuyées à une étagère, juste au milieu du chemin, bien à point pour être bousculées par des écrivains sémillants.
Enfin, ultime surprise, je découvre la jeune avocate mentionnée plus haut : il s'agit d'Hélène Rames, l'héroïne d'une série pour la jeunesse que je regardais d'un oeil l'après-midi, voici quinze ans, en planchant sur d'autres dossiers juridiques. La série se nommait "Seconde B".
Toujours aussi jolie, les yeux très rieurs, le décolleté juste assez indécent pour suffire aux goûts parisiens, elle accepte que je lui offre une coupe de champagne. Puis elle me parle de son ami (elle cite un prénom) et, pris d'un réflexe, je la présente à Aymar.
Puis je retrouve une jeune et timide cinéaste accompagnée de son producteur et soudain me remontent des passages des lettres par lesquelles Juliette Drouet se moquait de son amant Victor Hugo lorsque celui-ci succombait au charme des mondanités parisiennes.
Alors, effaré, je m'enfuis. Libre.
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20/03/2007
Flaubert, le vertige de l'ambition formelle.
Être affublé du prénom de Gustave est une malédiction que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Flaubert en a subi d'autres.
Disons d'abord que son exact contemporain est Baudelaire (né comme lui en 1821) mais que celui-ci apparaît sur la scène littéraire un peu avant lui. Ils se retrouvent en revanche sous le Second Empire dans les plus retentissants procès pour atteintes aux bonnes moeurs.
Une raison particulière explique le retard de Flaubert : son épilepsie, qui le conduit à se réfugier dans une maison de famille en Normandie en 1844. Mais c'est peut-être au contraire cette maladie et ce repos forcé qui l'amènent à l'écriture. Elle ne l'empêche d'ailleurs pas de voyager, ni de pratiquer de nombreux sports.
Son voyage en Orient, de 1849 à 1852, le fait négliger complètement le changement de régime qui s'opère. De toutes façons, les questions politiques ne seront jamais sa tasse de thé et c'est probablement la vraie faiblesse de son oeuvre : elle manque de verve, il lui faudrait une qualité spéciale d'humanité que ne développent que les écrivains engagés.
L'autre défaut de sa production, c'est l'invraisemblable lenteur avec laquelle il en accouche. Il ne lui faut pas moins de cinq ans pour rédiger un roman. Toute la période du Second Empire se résume pour lui à trois textes : Mme Bovary (1851-1856), Salammbô (1857-1862) et L'Éducation sentimentale (1864-1869). Ouf, trois romans en dix-huit ans, là où Dumas est capable de publier, en trois ans seulement, "Les Trois Mousquetaires" et "Le Comte de Monte-Christo". Il est vrai que Dumas ne rédige pas seul, mais tout de même, quel escargot, ce Flaubert.
Il faut dire que notre Gustave, c'est sa troisième malédiction, après son prénom et son épilepsie, souffre d'un mal terrible : la folie des grandeurs. Il est pris du vertige de l'altitude littéraire. Il rêve d'oeuvres si grandes, qu'il a du mal à tolérer celles qui viennent de lui.
Son modèle artistique, c'est évidemment l'inévitable Victor Hugo, à qui il écrit à peu près : "Il n'y a que deux auteurs qui écrivent un français correct : vous et moi".
Folle ambition : il cherche une perfection immense, colossale, faite pour le dominer. Flaubert est un masochiste, écrire est une punition qu'il s'inflige avec application. Selon sa propre expression, il passe une matinée à ajouter une virgule et une après-midi à l'enlever.
Quand il commence à laisser le texte se former, il sort le "gueuler", comme il dit, et si ça ne roule pas correctement, il recommence.
On ne peut pas rêver plus parfaite autopunition. Beaucoup moins chère que les maisons spécialisées de ces dames.
Cela étant, à force de chercher l'impossible, il finit par connaître des revers de fortune. Son vrai drame, au fond, c'est la stérilité : s'il écrivait plus, il gagnerait plus. Mais il ressemble à ce personnage d'un roman de Camus (La Peste, je crois) qui consacre toute sa vie à écrire puis réécrire la première phrase de son roman pour être sûr qu'elle soit parfaite, si bien qu'à force de fignoler le détail, il oublie l'essentiel : quand il meurt, il n'y a pas de roman derrière la première phrase.
Tel aurait pu être Flaubert.
Heureusement, il réussit à surmonter son angoisse et à accepter ce qu'il écrit.
On connaît la première phrase de Salammbô, souvent présentée comme un modèle : "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Personnellement, je la trouve un peu figée, moins que le reste de ce roman, d'ailleurs, qui n'est pas mon préféré, et où l'on sent trop, à mon avis, l'intention d'intéresser le pinceau des artistes chargés de représenter dans des oeuvres magistrales telle scène du roman.
Seulement, hélas pour Flaubert, l'époque où il publie est celle de l'apparition des Impressionnistes, très éloignés de ses sujets, et il est bien trop sulfureux pour les classiques. Quelques-uns s'y essaient cependant.
Bouvard et Pécuchet, sa dernière production achevée au moment même de sa mort, est un texte plutôt mineur. Rédigé avec soin, avec humour, mais n'échappant pas à l'anecdote.
On comprend donc pourquoi, de tout ce que Flaubert a publié, il reste surtout ses deux romans de moeurs et de psychologie : Mme Bovary et L'Éducation sentimentale.
Et puis, son autre vestige pour la postérité, c'est Maupassant.
Brrr, décidément, ces écrivains normands ne sont pas les plus rieurs. Ils ont plus de lucidité que de liberté. Dommage.
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19/03/2007
Sartre ? La postérité s'interroge.
Sartre passe pour un philosophe. Or il n'est qu'un écrivain.
Philosophe, Sartre a composé quelques traités qui emploient les moyens de la philosophie. Il en a extrait une et quelques notions qui reflètent les préoccupations de la philosophie.
Et pourtant, en vérité, Sartre n'est pas un philosophe : c'est un écrivain.
Il n'y a qu'à lire "Les Mots", témoignage sur lui-même, pour s'en rendre compte. Toute sa vie, il n'a vécu que pour écrire. Non pas pour réfléchir, ni pour inventer des concepts et trouver des explications opérationnelles, mais pour que ses mots soient applaudis.
C'est un écrivain.
Parfois un bon, d'ailleurs. Ses textes d'avant-guerre, comme "Le Mur", sont de bonne facture, on y reconnaît la qualité de la formation qu'il a reçue rue d'Ulm. Son théâtre reste magnétique et résistera en partie au temps. "Les Mots", justement, est un joli morceau de souvenirs, bien composé, élégamment écrit.
Quant à son message philosophique, il en demeure plus la verve militante que la densité conceptuelle, malgré la grande qualité de ses suiveurs.
Il y a donc aujourd'hui un malentendu qui persiste à propos de Sartre. La postérité tâtonne, le laisse au frigo et ne sait pas bien par quel bout le prendre. Il suffirait pourtant de le considérer par le bon, celui de l'écrivain, pour qu'aussitôt tout s'éclaire.
Seulement, pour en venir là, il faudra que nos exégètes fassent preuve de liberté.
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18/03/2007
Voltaire et l'argent.
Ah, Voltaire !
Voltaire est l'un des esprits les plus malicieux de toute notre littérature. Il tient sans doute son agilité intellectuelle des exercices continuels auxquels elle a été soumise par ses maîtres jésuites.
Trois de nos plus grands auteurs sont passés par les mains des émules de Xavier : Corneille, Molière et lui.
Comme souvent, les jésuites l'ont rendu très anticlérical. C'est curieux, cette prédisposition, pour un ordre d'Église, à fâcher ses disciples avec leur maison mère.
Quoi qu'il en soit, Voltaire a une autre particularité, qu'il partage avec La Rochefoucauld, celle-là : il n'a jamais réclamé un liard de droits d'auteurs à ses éditeurs.
Il faut dire que parmi ses talents nombreux, figurait celui de gagner de l'argent. Voltaire vendait des bas, une vocation familiale je crois, puis investissait ses gains dans diverses activités.
Et c'est là que le bonhomme risque de se trouver un jour mis à l'index par les nouveaux inquisiteurs : il lui est arrivé plusieurs fois de placer ses fonds dans des opérations de traite négrière.
Oh rien de glorieux, en vérité, et même une tache indélébile sur son plastron. Et cependant, faut-il condamner l'homme en entier pour sa part de faute ? Faut-il condamner avec lui l'esprit le plus libre de son temps ?
Mais alors, qui osera encore être libre ?
Et si aucune faute ne peut être rachetée, qui osera encore agir autrement que par prescription obligatoire ?
La loi, celle-là, celle qui proclame l'imprescriptibilité perpétuelle de crimes liés à l'esclavage, promettait de parler de liberté, mais elle n'est que l'autre nom de la tyrannie.
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17/03/2007
Beaumarchais, j'ai failli l'oublier.
Personne ne peut résister à la biographie de Beaumarchais : c'est un tissu d'intelligence, de roublardise, d'aventures, de forfanterie, de pirouettes et d'insolences. Beaumarchais tombe, se relève, en rit, s'envole, brille, retombe, rebondit, il ressemble à une bille de caoutchouc qu'on lance à un chien et qui le rend fou.
Ce qui m'amuse le plus, personnellement, dans cette succession de cavalcades et de sautillements rieurs, c'est son incroyable inspiration lors de la première de sa pièce célèbre : "Le mariage de Figaro ou la folle journée".
Le théâtre, ce jour-là, est plein à craquer, un vent de polémique a fait frissonner tout Paris et tout Paris s'est précipité pour obtenir une place à l'orchestre, puis au poulailler.
La salle est bouillante.
La pièce commence. Très vite, le talent étourdissant du maître horloger fait tourner les têtes. De la polémique, on passe au scandale. L'émotion soulève des cris.
Elle se change en brouhaha, en tohu-bohu.
Beaumarchais se frotte les mains : sa pièce sera un succès énorme, il le sent.
Mais ce n'est pas suffisant : il regarde la rue. Calmes, les passants s'y promènent. Les clameurs de l'intérieur ne sont là qu'un vague bruit.
Il faut qu'ils sachent.
Alors, tranquillement, avec méthode, Beaumarchais entreprend de casser les carreaux du théâtre, pour faire croire que le scandale est tel qu'il s'est changé en pugilat. Il n'en laisse pas un intact.
Rien de tel qu'un vrai scandale pour faire sa pub.
Quel farceur, ce Beaumarchais, et comme les temps ne changent pas...
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16/03/2007
Une anecdote sur Musset.
Il y eut un long moment où Musset n'intéressait plus personne.
Seule la Revue des Deux-Mondes, prestigieux organe qui a su traverser les deux siècles, continuait à le publier quoiqu'il écrivît.
Elle s'occupait même un peu plus de lui encore : c'est à un dîner de la Revue que Musset rencontra George Sand, avec laquelle il eut d'ailleurs une célèbre liaison orageuse et intermittente, dont la partie la plus longue se termina par une scène de drame de quai de gare : alors qu'il était profondément malade, son amante tomba amoureuse du médecin. Cette scène se passait, selon l'expression de Musset,
"À Venise, à l'affreux Lido
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique" (la Nuit de Décembre).
Pour en revenir à l'oubli dont il souffrit, c'est de là qu'est venue l'une des plus curieuses histoires de la littérature française.
La Revue avait publié plusieurs pièces de théâtre que personne n'osait jouer. Il se trouva qu'en Russie, un metteur en scène eut l'idée de faire traduire ces textes en russe et de les faire jouer sans créditer leur auteur.
Or un Français, passant à Moscou, fut invité à ce spectacle, qui lui plut. Il demanda un exemplaire du livret. On ne lui signala pas qu'il avait été traduit et on lui remit la version russe.
Revenu à Paris, il la fit traduire et entreprit de la faire jouer... et ...
Et on s'aperçut que Musset avait écrit la pièce... et sa carrière fut relancée.
Vive la Russie ?
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Qui est plus libre que La Fontaine ?
Le thème astral de La Fontaine dit tout de lui : papillon, ascendant chenille.
Il se définit lui-même comme un papillon, mais se conduit en général en chenille, ou plutôt en escargot. Il est la tortue de sa propre fable : lent, indolent, poussif, mais, au milieu d'une apparente distanciation, infiniment obstiné sur quelques (et quelques seulement) sujets.
On lui achète une charge administrative dans son canton de Château-Thierry ? Il papillonne.
On lui trouve une épouse de quatorze ans ? Il papillonne (et butine tout de même un peu).
On lui enlève son protecteur Fouquet ? Il s'obstine.
On critique sa poésie ? Il s'obstine et se réobstine.
Voilà donc La Fontaine toujours un peu à contre-temps, toujours un peu égaré. Pensionné par Fouquet, il écrit des textes et entreprend avec lenteur une grande composition sur le merveilleux parc du château de Vaux-le-Vicomte.
Fouquet écarté, il abandonne. Mais il revient avec un autre poème, l'un de ses plus beaux, d'une ampleur féérique, plusieurs années plus tard, au défi de l'autorité royale.
Or le roi ne semble pas le punir. Enfin, on n'est trop sûr de rien, avec La Fontaine, car les pistes sont souvent brouillées. Bref, il glisse peut-être entre les gouttes.
De toutes façons, il passe pour si distrait, qu'on ne fait parfois pas plus attention à lui que lui aux autres. Son fils Charles affirme par exemple qu'il lui est arrivé de croiser son père dans l'escalier sans que celui-ci s'en rendît compte. Voilà une extravagance rare.
Très vite, La Fontaine ne pense plus qu'à écrire et tout le reste de ses affaires périclite : sa charge administrative est revendue, il croque l'argent en peu de temps, et tout à l'avenant. Il finit presque en gigolo.
Mais son écriture, elle, secoue les certitudes de son temps : il peut dans une même composition mêler plusieurs genres littéraires, les alterner, les empiler, le tout avec une liberté si confondante qu'elle révolte ses contemporains, totalement déroutés, qui finissent par ne plus oser même le critiquer sur sa forme.
Quand on l'attaque, c'est donc plutôt pour l'esprit de sa plus invraisemblablement libre production : ses rêveries licencieuses, de délicieuses anecdotes emplies d'une polissonnerie savoureuse.
Il fait le gros dos, promet de s'amender... et récidive aussitôt.
Ainsi, quand il entre à l'Académie française, en 1684 je crois, il jure de se conduire désormais comme tout le monde l'espère : avec pruderie.
Mais, en pouffant, il pond sans retard d'autres chefs-d'oeuvres rigolards.
On ne stoppe pas La Fontaine. Lentement, mais sûrement, il avance, à sa façon, à son rythme, mais avec ses propres idées tenaces.
On ne le précède pas non plus : ceux qui croient aller plus vite que lui sont toujours surpris. Il s'en joue.
Son seul adversaire, son vrai ennemi, c'est l'argent, qui toujours le fuit. Il rechigne à la courbette qui fait tinter les pensions royales et n'a la bosse ni du commerce ni de l'administration. Résultat, il se retrouve après chaque effort "Gros-Jean comme devant" comme il dit (il se prénomme Jean et a eu forte tendance à l'embonpoint dans son enfance), cependant que certains de ses amis qu'il connaît bien s'enrichissent en dormant, et plus ils dorment, plus ils s'enrichissent.
Son autre boulet, c'est lui-même et son implacable lucidité. Il ne cédera jamais rien pour la faire taire : il dira ce qu'il pense, quoiqu'il en coûte.
Et il lui en coûte souvent cher d'inimitiés : "Selon que vous serez puissant ou misérable..."
Oh, ce n'était décidément pas facile d'être libre, au Grand Siècle, mais il y est constamment parvenu et son oeuvre, fables bien connues et contes encore trop peu explorés, demeure parmi les plus grands trésors de la langue française.
Vive la liberté.
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15/03/2007
Victor Hugo, homme à femmes jusque dans le tombeau.
J'ai lu dans la notice de wikipedia que, le soir suivant la mort de Victor Hugo, les prostituées parisiennes avaient toutes travaillé gratuitement.
Cette anecdote, je l'avoue, m'avait échappé. Voilà tout de même un curieux hommage rendu à un mort. On l'eût imaginé pour Brassens, mais pour victor Hugo...
L'intéressé, il est vrai, a toujours milité contre la prostitution nécessiteuse et un remerciement était logique sur ce registre-là. Seulement, les souteneurs, eux, sont d'ardents militants de cette activité subie. Et on voit mal les filles avoir roulé gratis sans leur consentement...
Alors...
Quoiqu'il en soit, on n'a vu ça, à mon avis, pour personne d'autre.
Et on ne peut s'empêcher d'associer l'idée de ce cadeau géant à celle d'Hugo lui-même passant ses journées dans les omnibus pour courir d'une maîtresse à une autre comme il l'a fait à la fin de sa vie.
On connaît tous les détails de cette période par la minutie avec laquelle il tenait ses comptes dans des carnets de poche. On y apprend en particulier les étrennes considérables qu'il versait à certains chauffeurs d'omnibus, sur les lignes qu'il empruntait le plus souvent à heures fixes.
À lui seul, il leur versait au moins un ou deux mois de salaire supplémentaire.
C'est que ça coûte cher, de rester galant, quand on vieillit. Mais il est sûrement le seul homme pour qui ce coût ait porté d'abord sur ses frais de transport...
Ah, décidément, le génie emprunte des voies insondables.
Le seul côté positif de cette activité incessante, c'est que, comme il voyageait par les transports en commun, il côtoyait des gens de condition moyenne, voire modeste.
Et comme il aimait à cette même période des femmes souvent humbles, on peut dire qu'il pratiquait le peuple, qu'il le connaissait. Bien. De près. À fond.
C'est assez rafraîchissant, finalement, quand on considère le comportement de certains actuels prétendus porte-paroles du peuple.
Oh, mais je ne fais pas de polémique. Chacun conserve son interprétation libre.
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Écrivains de la Résistance.
Oh, je ne les connais pas tous. On pense à Éluard, Vercors, Kessel, et combien d'autres ? Qui a le sien à citer ?
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14/03/2007
Baudelaire le boudeur.
Voici la génération d'après 1830.
Baudelaire, en 1830, n'a que neuf ans : un peu jeune pour s'embrigader dans la bataille d'Hernani.
Du reste, les mouvements collectifs, les conflits ouverts, les révolutions, tout ça n'est pas pour lui. Lui, ce qu'il veut renverser, exterminer, piétiner, déchiqueter, ce n'est ni la misère, ni les bourgeois, ni l'ordre établi, mais son beau-père, le second époux de sa mère, le célèbre général Aupick.
Là, pour cet effet, il soulèverait volontiers des hordes de sans-culottes. Mais pour le reste, Baudelaire est un homme des espaces confinés et des rêveries mordorées.
S'il déteste l'âme bourgeoise, c'est plutôt par élitisme que par générosité sociale. S'il entaille les certitudes de la moralité, c'est plutôt par perversité pure que par analyse politique.
Avec Baudelaire, le trouble de l'esprit se met à nu, les méandres nerveux de l'affect se révèlent sans dissimulation. Baudelaire est l'homme "des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs". Il rêve de repos, un "repos où mon âme était mise" ... "du rocher de cristal où, calme et solitaire, elle s'était assise", un repos visionnaire, à fleur de nerfs.
Il s'organise un intérieur hiératique dans une idée aristocratique, méprise les contingences de la matière, repousse les offres de situations rémunérées qui lui sont faites, bref, il s'enferme dans la morgue, au propre comme au figuré.
Il s'agglomère aux romantiques alors que ceux-ci s'embourgeoisent, juste après 1840. Il arrive trop tard pour capter leur sève et les découvre immenses, au sommet de toutes les gloires. Encore un "rocher de cristal", encore un piédestal au pied duquel s'asseoir.
Baudelaire est l'homme des admirations muettes, des fascinations silencieuses. Sait-il seulement parler ?
Cultivant le savoir de son défunt père, il excelle en tout cas dans la critique d'art.
On ne dira jamais assez que les grandes époques artistiques sont aussi celles des grands critiques : Sainte-Beuve en littérature, Théophile Gautier et Baudelaire en peinture.
Mais il lui manque l'énergie, la certitude, l'amour peut-être, celui qu'on reçoit et celui qu'on donne, et, après ce départ remarqué en 1842, Baudelaire ne progressera que dans son art sans parvenir à en faire une vie.
Consolons-nous : s'il ne reste de lui que son oeuvre, cette oeuvre nous réchauffe les soirs d'hiver.
Et puis, la bataille judiciaire des "Fleurs du Mal" est l'une des plus retentissantes, l'une des plus symboliques, de toute l'histoire littéraire. Et ce recueil délicatement vénéneux, tiède comme la peau, a été l'un des tout premiers bénéficiaires de la loi qui, au début de la IVe république, a permis de revenir sur d'anciennes censures pour autoriser des publications.
Baudelaire est ainsi devenu presque malgré lui l'instrument de la liberté.
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