19/02/2009
"Le code a changé".
J'ai été en classe pendant quelques années au lycée Janson, à Paris, avec une fille toute blonde, ravissante, des yeux très bleus, un joli teint, des dents de perle, un sourire cristallin, qui était ma voisine dans l'ordre alphabétique et dont j'étais alors éperdument amoureux : c'était Caroline Thompson, la fille de la cinéaste Danièle Thompson et la petite-fille du génial Gérard Oury.
De cette époque, il m'est resté une sympathie pour cette famille que je suis de plus ou moins loin. J'ai le souvenir grisé d'un déjeuner avec Caroline Thompson au Bar des Théâtres qui a servi depuis de décor au joli film de sa mère, "Fauteuil d'orchestre".
Gérard Oury est le maître du burlesque français de la deuxième moitié du XXe siècle. Ses cinq plus grands films (La Grande Vadrouille, Le Corniaud, Le Cerveau, La Folie des Grandeurs et Les Aventures de Rabbi Jacob) totalisent plus de 46 millions d'entrées payantes en France à eux cinq, soit une moyenne extravagante de plus de 9 millions d'entrées par film. La Grande Vadrouille, en son temps, a été vue par plus d'un Français sur trois, ce qui ferait une fréquentation supérieure à 21 millions d'entrées aujourd'hui, un million de plus que les Ch'tis. Et c'est bien mérité : c'est un véritable chef-d'oeuvre. Rabbi jacob en est un autre, l'un des films les plus courageusement humanistes que j'aie vus, préconisant le rapprochement des juifs et des Arabes à l'époque même de la guerre du Kippour, et la réconciliation des trois religions du Livre.
Danièle Thompson a collaboré à quatre de ces cinq films, ceux qui ont suivi le Corniaud. La série aurait sans doute continué si Louis de Funès n'avait été victime d'une attaque après avoir enchaîné trop de tournages de films et de représentations au théâtre. Entre Rabbi Jacob en 1973 et La Carapate en 1978, Oury n'a rien tourné.
Ce fut l'occasion pour Danièle Thompson de percer de son côté. On vit en 1975 "Cousin, cousine", un film de Jean-Charles Tacchella, au scénario duquel elle contribua et qui obtint trois nominations aux Oscar, autant aux César et celle de meilleur film étranger aux Gloden Globes.
C'est un peu plus tard encore qu'elle perça vraiment, que "sa place fut dessinée sur la carte" comme dit sa fille : ce fut en 1980 la Boum, un succès mondial fondé autant sur le charisme de Sophie Marceau que sur l'exploitation par Claude Pinoteau, réalisateur, et Danièle Thompson, coscénariste, des explications et descriptions données par Caroline de sa vie d'adolescente et des jeux de l'amour des gamin(e)s de treize ou quatorze ans de cette époque-là.
Danièle Thompson cessa de collaborer aux films de son père à partir du demi-échec de "Vanille-fraise", sorti en 1989. Il lui fallut encore bien des années pour franchir le pas et s'essayer à la mise en scène : ce fut en 1998, avec "La Bûche", un savoureux film sur la famille et ses vicissitudes, où l'on retrouve les thèmes (psy) favoris de Danièle Thompson : les difficultés d'être en famille, l'adultère, le divorce, l'inceste, et une distribution étourdissante, au milieu de laquelle figurait pour son premier rôle la jeune Marie, fille de Dominique de Villepin.
J'ai moins aimé "Décalage horaire", son film suivant, un quasi-huis clos où Binoche manquait un peu de grâce et Jean Reno de légèreté.
En revanche, "Fauteuil d'orchestre", en 2006, m'a enchanté. Pour ceux qui ont l'oeil acéré, on me voit en ombre chinoise dans une scène où Cécile de France traverse l'avenue Montaigne pour se rendre du Bar des Théâtres au théâtre d'en face. C'est une jolie histoire portée par une composition prodigieuse de Cécile de France à fond dans l'ingénuité décidée, une Valérie Lemercier pied au plancher, un Claude Brasseur, loin de "La Boum", tout en demi-teinte mais rappelant pour la première fois les intonations de son propre père, et le reste à l'avenant, dont Christopher, le fils de Danièle Thompson qui a collaboré à tous ses films et les a interprétés.
Début 2007, alors que c'était courageux, Danièle Thompson défendait encore le premier ministre Villepin à la télé.
Voici donc son nouveau film, dont les bandes annonces ne disaient pas grand chose. On y entendait des gens qui allaient à un dîner mais qui prévoyaient de s'y faire chier. De fait, quand le dîner commence, et même un peu après, le spectateur se fait chier dans son fauteuil de cinéma. mais tout à coup, tout bascule, les personnages deviennent des vies, des flots d'émotions et de sentiments, on est avec eux, on avance, on est en eux, on est eux. Une grande réussite.
Au passage, comme dans "Fauteuils d'orchestres", de nombreuses vues de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière où Caroline Thompson exerce comme psy pour enfants.
17:16 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : culture, cinéma, danièle thompson, gérard oury, caroline thompson, karin viard, dany boon, arditi, marina foïs, patrick bruel | | del.icio.us | | Digg | Facebook
12/02/2009
"Éden à l'ouest".
Costa-Gavras est le survivant d'une génération de cinéastes qui n'a jamais reculé devant les sujets politques, voire polémiques. "Z" et "L'Aveu" furent deux films qui, juste après mai 1968, dénonçaient les régimes totalitaires ou autoritaires de droite et de gauche. "La main droite du diable" s'en prenait au Ku-Klux-Klan. Avec la disparition des grandes idéologies, il s'est attaqué à l'un des plus délicats sujets historiques du XXe siècle ("Amen"), le rôle du Vatican dans la guerre. Il est ensuite revenu à la politique par en bas, par l'échelon de n'importe qui : un cadre sans emploi qui, constatant que la société économique est un jungle, décide d'y appliquer les lois de la jungle, il se procure la liste des autres candidats à un emploi qu'il vise, et il les abat un à un ("Le couperet").
Avec "Éden à l'ouest", il livre, à soixante quinze ans, un film impeccable, prenant de bout en bout.
Mais c'est paradoxal : Gavras est lui-même un Grec qui a quitté sa terre pour s'installer en France, et le point de vue qu'il adopte pour le faire est particulièrment désabusé. Qu'on en juge : il s'agit d'un clandestin venu d'Asie, on ne sait pas bien d'où, sans doute du Kurdistan, qui veut venir en Europe, atterrit en Grèce, puis en Italie, et enfin à Paris. La critique du comportement des autorités françaises quant à ces clandestins est feutrée, frêle, et c'est surtout le miroir aux alouettes occidental, que le cinéaste fustige.
Si quelqu'un a la "Complainte du phoque en Alaska", c'est le moment de la passer : "Ca n'vaut pas la peine de quitter ceux qu'on aime pour aller faire tourner un ballon sur son nez..." pourrait être à peu près la philosophie générale du film. Mais si l'on détache le fait que Gavras est lui-même d'origine grecque pour s'en tenir au sujet (coécrit avec Jean-Claude Grumberg), alors on trouvera une pure étude sur le témoignage qu'en font les sociologues : c'est la télévision qui véhicule dans les pays pauvres l'image d'une société occidentale noyée sous la profusion et l'abondance.
De fait, le film est hanté par les caméras de la télévision à partir du moment où le fugitif parvient sur le sol français. C'est en arrière-plan mais un peu plus qu'un décor. On voit tout d'abord un homme politique à cheval suivi par une remorque bondée de caméras et de micros (je crois que c'est la dernière campagne présidentielle), puis, lorsque le fugitif débarque gare du Nord, quelqu'un en sort en même temps que lui sous une nuée d'objectifs de caméras. Un peu plus tard, lorsque des gamins sont contrôlés par la police, c'est évidemment sous l'oeil des caméras (ce qui renvoie à la note de Quitterie - obsédante parce qu'elle est restée deux longs mois invariable sur son blog, mais tout de même nécessaire -). Et quand d'autres policiers obligent des SDF à replier leur petites tentes de Don Quichotte sur un trottoir, on voit naturellement des journalistes et une caméra à l'arrière-plan.
Et donc, s'il y a caméra, il y a cette réalité perpétuellement réécrite, qui fait que nous-mêmes ne sommes plus trop sûrs que notre vie est celle que nous vivons ou celle que notre télévision nous raconte. Et si nous n'en sommes pas sûrs, nous imaginons ce qu'elle peut paraître aux yeux de ceux qui vivent loin.
En chemin, le fugitif croise un de ses compatriotes qui, lui, rentre au pays, parce qu'au moins son pays, c'est sa terre, c'est chez lui, c'est sa vie. Mais le fugitif, lui, a un plan, et il lui faudra parvenir à Paris pour reconnaître, là seulement, que ce qui semble magie n'est qu'illusion.
L'Éden qu'il cherche n'a jamais existé, il n'est qu'une folie (être "à l'ouest", c'est bien cette folie), cet Éden est "à l'ouest", l'inverse peut-être du livre de Steinbeck ("À l'est d'Eden"), ou son symétrique qui n'en est peut-être pas l'inverse, mais le miroir, un miroir aux alouettes.
19:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, costa-gavras, grumberg, immigration clandestine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
06/12/2008
"Pour elle".
Pendant que le Quitterie tour parcourait l'Île de France au soutien de candidats du MoDem aux élections municipales, en janvier dernier, Vincent Lindon tournait "Pour elle", un premier film (celui de Fred Cavayé), qui vient de sortir sur les écrans.
Un film paradoxal : des décors dignes d'un téléfilm (sans doute de petits moyens), un scénario très bien ficelé, entre polar et thriller, admirablement servi par un Lindon en très grande forme (et je ne dis pas ça pour flatter un éventuel proche du MoDem, vu qu'on ne l'y a plus vu depuis juin 2007).
Lindon y interprète un prof de français assez branché sur Internet, aimant le covoiturage et la défense des économies de carburant. Victime d'une injustice, il se lance dans une spirale terrible pour sauver la femme qu'il aime. Celle-ci, Diane Kruger, n'est pas à son avantage physique : on la filme de si près qu'on voit qu'elle a une peau de vilaine qualité, à quoi elle ne peut rien. Mais elle incarne son personnage sans défaut.
Les spectateurs autour de moi ont été captivés par l'action, et moi-même, j'avoue que j'ai pris parti dans le débat moral sur lequel se joue le dénouement.
Je n'ai pas regardé les chiffres de fréquentation, mais je ne serais pas surpris que le bouche à oreille, malgré les piteux décors, soit excellent.
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04/12/2008
Agathe Cléry, en chansons contre la discrimination positive.
Il est assez rare qu'un cinéaste tourne une séquence spécialement pour en faire une bande annonce. C'est l'audace qu'a eue Étienne Chatiliez, dont la bande annonce raconte une histoire et le film une (presque) autre histoire.
Le point commun : l'argument. Agathe Cléry est raciste et devient noire.
L'occasion de renvoyer dos à dos le racisme et la discrimination positive au nom du même principe d'égalité et d'indifférenciation. Chatiliez y met son savoir-faire de cinéaste de pub, sachant manier l'outil musical et faire chanter de véritables scènes de comédies musicales à ses acteurs, rappelant parfois les pub qu'il a tournées comme Ééééram, il faudrait être etc... (bon, il n'y a pas qu'Éram et je suppose qu'on doit trouver désormais des chaussures équitables et environnementalement durables).
Très bien joué, mené de main habile. Un propos fédérateur. Et finalement, tout finit bien, par la mixité.
22:01 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, chatiliez, lermercier, agathe cléry | | del.icio.us | | Digg | Facebook
15/11/2008
"Mensonge d'État".
Ridley Scott est un cinéaste anglais. Une fois qu'on a écrit ce constat, on s'attend presque à tout sauf à la filmographie qui s'ensuit, qui va de la carte postale gourmande (Une grande année) à l'anticipation féroce (Alien) en passant par le péplum tonitruant (Gladiator), avec des excursions baroques, comme la série télévisée Numb3rs qu'il a coproduite avec son frère (la première saison était vraiment étonnante, depuis ils exploitent leur idée).
Un trait commun dans tous ces films : le sens de l'action, de la tension, du suspense.
À l'époque d'Alien, on disait que Scott avait établi la bande-son du film presque selon une unité musicale, où la bande originale et les sons de l'action se conjuguaient pour haleter au même rythme que le pouls du spectateur, et quand la bande-son haletait plus vite, le spectateur haletait plus vite aussi, la pression montait. C'est le seul film de toute ma vie où j'ai hurlé (une fois, une toute petite fois, mais tout de même).
Avec donc une vision scientifique et totale de l'architecture d'un film, Ridley Scott se détache forcément dans le paysage cinématographique mondial, de plus en plus habitué au formatage des studios.
Son avant-avant-dernier film, "Une grande année", est une délicieuse carte postale pour rentiers anglais, représentant la Provence sage et française ("ici, le client a toujours tort"), mais c'est aussi l'une des dénonciations les plus féroces des milieux financiers que j'aie vu au cinéma ou ailleurs (quelqu'un demande à Russell Crowe, trader à Londres, "qu'avez-vous fait la dernière fois que votre patron a pris une semaine entière de vacances ?", réponse : "J'ai pris sa place").
Cette carte postale (où brille la pétillante Marion Cotillard) avait été précédée d'un grand, très grand, film assez méconnu et boudé par le public en raison de sa complexité sans doute et de sa longueur : "Kingdom of Heaven".
Dans ce film, Ridley Scott développait son troisième sujet historique (après "1492" et "Gladiator"). Troisième époque aussi : le XIIe siècle, la fin des croisades. C'est le moment où la dernière possession "franque" (occidentale) en Terre Sainte tombe aux mains des Arabes, en l'occurrence de Saladin. Sorti en 2005, ce film sonnait comme un désaveu explicite de la guerre d'Irak, raison sans doute pour laquelle une partie des leaders d'opinion le bouda. Sans doute aussi Scott n'aurait-il pas dû accepter les modifications de découpage et les amputations qu'on a fait subir à son oeuvre qui en a été amoindrie.
Quoi qu'il en soit, le propos du film était prémonitoire : une occupation étrangère ne peut qu'échouer et revigorer l'adversaire qu'elle humilie. En faisant tomber la dernière place forte croisée, Saladin promet de lourdes représailles à l'Occident.
Trois ans plus tard, le nouveau film de Ridley Scott, "Mensonge d'État", creuse le même sillon, répétant le même message, comme s'il voulait à tout prix que l'on reconnaisse qu'il avait raison la dernière fois, celle où on l'a boudé.
Sa thèse est explicitée dès le début du film par l'un des deux principaux protagonistes américains de l'histoire : de nos jours, Russell Crowe, chef du département Moyen Orient de la CIA, dicte à son ordinateur un exposé très précis sur les effets nettement contreproductifs d'une occupation étrangère, sous-entendant d'ailleurs aussi bien l'Afghanistan que l'Irak.
Cependant, quoique parfaitement au fait de ces effets hautement pervers, le personnage interprété par Crowe mène sa sale guerre de renseignement en Irak, en Jordanie, en Arabie, en Syrie, avec pour élément de terrain un jeune et prometteur agent interprété par Leonardo di Caprio, qui va expérimenter lui aussi le bon vieil adage selon lequel ceux que l'on frappe finissent toujours par frapper à leur tour.
Un film à cent à l'heure, d'une efficacité rare pour un cinéaste ayant atteint l'âge de 70 ans. Un propos sage et finalement humaniste, donc juste.
19:15 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, ridley scott, leonardo di caprio, russell crowe, marion cotillard | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Téléchargement : le paradoxe des Ch'tis.
Dans le numéro de la semaine dernière de l'hebdomadaire professionnel "Le film français", la directrice et éditorialiste de cette publication notait avec surprise que le film "Bienvenue chez les Ch'tis", tout frais sorti en vidéo, cumulait les records : c'était le film de loin le plus piraté de l'année, mais c'était aussi celui qui, le jour de sa sortie, battait tous les records de vente (650 000 ex)... Elle en concluait que finalement, le téléchargement illégal ne devait pas avoir une si grande conséquence que cela sur l'exploitation des films...
Très juste, il faut le dire.
Et cependant, le paragraphe suivant, sans la moindre transition, au nom de tout une profession, elle criait à l'égorgement, à l'urgence, à la patrie en danger, pour aussitôt se féliciter de l'adoption du projet Hadopi par le Sénat.
Sans transition.
Je me demandais presque, en lisant son texte, s'il n'y avait pas quelque humour caché, dans ces méandres.
Quoi qu'il en soit, les chiffres sont éloquents : on estime (même source) à 450 000 le nombre de téléchargements illégaux de films via Internet. 450 000. À mettre en regard de 120 ou 150 millions (!) d'entrées payantes au cinéma. Les téléchargements illégaux représenteraient, tenez-vous bien, 0,03 % des places de cinéma. Ca valait la peine de déranger le législateur pour ça...
La proportion est un peu plus forte sur les DVD, mais après tout, les téléchargements entrent en concurrence à la fois avec l'un (le cinéma) et avec les autres (les DVD), donc on ne voit pas bien pourquoi il faudrait rapporter le chiffre de 450 000 aux seuls DVD. Et alors, si on cumule le cinéma et les DVD, on va sans doute tomber sur un ratio inférieur à 0,02 %. Oui décidément, ça valait la peine de déplacer le législateur pour ça.
Le site du Film Français évoque aujourd'hui un chiffre mondial de téléchargements de l'ordre de 150 millions d'unités, soit un manque à gagner de 201 millions d'Euros pour les salles et 605 millions pour l'édition vidéo, sans dire si le manque à gagner est globalement de 800 millions ou si les téléchargements sont affectés séparément aux deux marchés pour ce calcul. On aimerait bien qu'ils disent quel est le chiffre d'affaires global du cinéma dans le monde, de façon à établir un ratio, car après tout, 200 millions, c'est le budget d'un seul film moyen aux États-Unis...
Au fond, j'ai une solution : établissons une taxe sur le téléchargement illégal et versons-la aux gens qui meurent de faim. Un Euro par téléchargement, 150 millions d'Euros par an. Je suis sûr que les pirates la paieront de gaieté de coeur et au moins, ce sera décent.
14:15 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hadopi, téléchargement, cinéma, bienvenue chez les ch'tis, droits d'auteur | | del.icio.us | | Digg | Facebook
10/11/2008
Prendre le plus con et en faire un président des États-Unis (2) : "W.".
Il m'est arrivé d'apprécier le travail du cinéaste Oliver Stone. Son "JFK", au bord de la thèse complotiste, avait préparé l'élection de Bill Clinton à la présidence des États-Unis. Son film sur Nixon est une oeuvre shakespearienne en même temps qu'un hommage vibrant à sa propre jeunesse. J'ai été bercé par son film sur Morrison et curieux de celui sur Howard Stern (qui démontre que la liberté d'expression n'est pas divisible et s'étend aux pires énormités et aux plus dégradants étalages). Mais je n'ai pas aimé son emphatique et bimbelotier portrait d'Alexandre le Grand et je ne suis pas allé voir celui qu'il a consacré aux pompiers du 11 septembre.
Avec "W.", il semble conclure une trilogie sur le pouvoir et le système aux États-Unis. La fin du film sur Nixon (à qui Stone reproche évidemment, en acien militant, la guerre du Vietnam) est presque à décharge. On y voit un Nixon éperdu, désemparé, découvrant que "le système est une bête fauve" et répondant à l'étudiant (Stone lui-même en quelque sorte) qui l'interroge sur les motifs de ses actes, que justement "le système est une bête fauve", ce qui rappelle presque qu'Eisenhower, dont Nixon avait été le vice-président, avait inventé, en son temps, l'expression "complexe militaro-industriel".
Quasi-indulgence, donc, ou pardon, pour un Nixon sorti du peuple, laborieux, torturé.
Rien de tout cela pour W. : Bush junior est un con. Si vous en doutez, allez voir le film : il est édifiant. Et sur la décision de se lancer dans la guerre d'Irak, on ne peut pas s'empêcher de citer Audiard : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît".
Le vrai personnage du film est le père, qui est traité entièrement à décharge, à un point même excessif, destiné à noircir encore le tableau du fils.
Qu'est-il, W ?
Rien.
De toute sa vie, il n'a rien fait. On l'envoie faire des stages d'été, il les plaque sans la moindre considération pour les autres. On (son père) le place dans des entreprises diverses, à des tâches diverses. Rien. Il ne fait rien.
Son père lui achète un diplôme de Harvard, puis une équipe de baseball. Rien.
En 1988, son père le recrute dans son équipe de campagne, mais rejette la plupart de ses suggestions et lui conseille d'éviter la politique. Mais junior s'entête et, avec ses thèses dérégulatrices et sa morale cruelle enrubannée de bondieuseries étranges apprises en désintox, se fait élire gouverneur du Texas.
De là, grâce au recomptage (et à son frère...) il devient président des États-Unis.
La première partie du film est rythmée par les séances où, peu à peu, s'élabore la doctrine aberrante sur laquelle est basée la guerre d'Irak de 2003. Tout cela est vu sous l'angle de Bush et il y manque peut-être la profondeur d'une analyse réelle sur ceux qui, dans le système, tirent les ficelles des branquignols de la présidence.
Stone souligne au passage l'étrange cécité dont sont frappés les services secrets dans la préparation de la guerre d'Irak comme ils en ont été un an plus tôt au moment du 11 septembre.
On est un peu fier d'entendre rappeler que c'est la France qui, pour une fois (merci Chirac et Villepin), a joué son rôle historique, le vrai, en refusant de s'associer à l'aberration de la guerre. Et on voit la conséquence qu'en tire Condoleeza Rice. Puisque la désobéissance est le fait de trois pays : la France, l'Allemagne et la Russie, "on punit la France, on ignore l'Allemagne et on pardonne à la Russie". Des trois, c'est la Fance le moins puissant, c'est donc celui que l'on peut punir sans risque. Hélas.
De tout le processus qui mène à la guerre, on retient un mélange de cynisme et d'inconséquence, de bêtise et peut-être de folie.
Pas sûr que ce soit le plus grand film d'Oliver Stone, mais pour se débarrasser une bonne fois pour toute du fantôme de "W.", il n'est pas mauvais d'aller le voir.
20:17 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, george w bush, oliver stone, w, colin powell, condoleeza rice | | del.icio.us | | Digg | Facebook
06/11/2008
Ma très très grande...
Mais non, je ne parle pas de ma très très grande..., d'ailleurs elle n'est pas si grande que ça, mais du nouveau film de Pierre Jolivet : "Ma très très grande entreprise", avec Roschdy Zem, Jean-Paul Rouve et Marie Gillain.
J'en profite pour signaler le précédent film de cette dernière, "Magique", dont la fréquentation n'a pas été magique, mais où elle interprétait avec gravité et humanité une apicultrice qui élevait quinze millions d'abeilles au fin fond de la campagne québécoise, avant de recevoir un cirque et de tomber amoureuse d'un clown. Une comédie musicale. Un film optant pour une esthétique pauvre et réaliste (sauf quand il s'agit de couper une femme en trois...) qui va sans doute préfigurer un courant entier de la cinématographie de la crise économique qui s'ouvre.
Ayant vu ces deux films, je crois que Marie Gillain est mûre pour les grands rôles sociaux, qui ne vont pas manquer hélas.
Elle est entourée de Roschdy Zem, qui renfile son costard-cravate de vigile de La fille de Monaco, et de Jean-Paul Rouve, restaurateur gay et pas gai.
Le thème du film : la multinationale voyou. Il s'agit d'une entreprise du secteur "agrochimique", qui pollue sciemment et qui provisionne des centaines de millions pour faire face aux éventuelles indemnisations, qui ne l'empêcheront pas de continuer à polluer. Hélas pour cette mégaboîte, une de ses usines vaporise du fluore près d'un étang où Roschdy Zem élève des huîtres, il doit fermer, un fleuriste doit en faire autant et, de proche en proche, le restaurant de Jean-Paul Rouve s'asphyxie. Quant à Marie Gillain, c'est la société de son époux qui est frappée, mais comme il est sous-traitant de la mégaboîte, il préfère empocher une très modique indemnité de 12000 Euros et se taire, si bien qu'elle le quitte.
Ces 12000 Euros sont obtenus à l'issue d'un procès retentissant dont leur avocat est extrêmement fier. Mais que représentent 12000 Euros en regard de deux ans de lutte, d'emplois supprimés ? Nos trois compères veulent faire appel pour obtenir des indemnités plus justes, c'est-à-dire plus élevées. Leur avocat les prévient : pour les suivre, il a besoin d'info supplémentaires, consistantes.
Pour découvrir ces info, il va falloir s'introduire dans le siège mondial de la mégaboîte, une tour de La Défense.
Le film est un peu mou, mais les rapports entre les personnages sont un régal. Le directeur financier de la mégaboîte a un patronyme curieux : il se nomme Boissy d'Anglas de la Sarnaise. DE LA SARNAISE. J'en suis resté perplexe. Mais pour comprendre la façon dont raisonnent les grands groupes pollueurs et corrupteurs mondiaux, il n'est pas inutile d'aller voir Ma très très grande entreprise.
18:39 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, pierre jolivet, roschdy zem, jean-paul rouve, marie gillain | | del.icio.us | | Digg | Facebook
22/10/2008
Quelques mauvaises idées pour une triste soirée.
Dans le film "La bandera", il y a, à un moment, une explication très franche, dans la nuit, entre un colonel (je crois que c'est Pierre Renoir qui l'interprète) et un subalterne, trouffion ou sous-officier (il me semble que c'est Gabin). Et leur conversation se conclut par cette réplique admirable, parce que Gabin s'était vanté de pouvoir tuer le colonel en question : le colonel inflige dix jours d'arrêt à Gabin...
- ... cinq jours pour vous être vanté de pouvoir tuer votre colonel, cinq jours pour ne pas l'avoir fait quand vous en aviez l'occasion.
C'est pour un semblable "chiche" que je n'ai pu finalement assister au café démocrate européen autour de Quitterie Delmas (enfin, tout de même pas pour tuer un colonel, je vous rassure).
Puisque ma soirée en est gâchée, je voudrais vous livrer quelques réflexions sur l'état de candidat et de responsable politique.
Une candidature à une élection est une chose importante. Bien sûr, chaque candidat sait que c'est une chose importante pour lui, mais ça l'est aussi pour d'autres. Il y a d'abord ses amis, ses partisans, ceux qui le soutiennent, tous ceux par exemple qui ont un engagement affectif dans l'écurie qui court sous la casaque orange et qui espèrent que leur candidat sera un bon candidat, qu'il va faire gagner leur écurie, qu'il sera digne et efficace, brillant et inventif, qu'il aura de la chance, et enfin qu'ils seront fiers de lui ou d'elle. Chaque candidat doit donc garder à l'esprit cet espoir qu'il incarne, et tout ce qu'il doit de résultat (ou à tout le moins de moyens) aux autres, que chaque bourde qu'il commet fera mal à des quantités d'autres personnes qui investissent leur temps et leur affect sur lui (ou elle).
De la même façon, une candidature est une chose importante pour les électeurs. Un parti honore les électeurs s'il leur envoie un candidat crédible, bien préparé, solidement armé et susceptible de jouer un rôle réel dans le débat naturel qu'occasionne toute élection. Les candidats, là encore, doivent intégrer dans leur comportement et dans leur vie la place singulière qu'ils vont occuper le temps d'une campagne et qui peut les mener à des fonctions éminentes de gestion et/ou de délibération.
Chaque candidat doit donc s'imprégner de l'idée que, à tout instant, parce qu'il est candidat (ou qu'il va l'être), il est placé sous les feux de la rampe et chaque chose qu'il dit ou fait pourra désormais être utilisée contre lui, comme on dit dans d'autres circonstances.
Bien entendu, cette réalité de Damoclès (si j'ose dire) ne doit pas l'inhiber, mais tout au contraire le porter, le nourrir, parce qu'il (ou elle) est désormais en représentation, ce qui n'est qu'une façon de se conduire à laquelle une bonne (ou une mauvaise) éducation et un peu d'entraînement préparent tout naturellement.
Mais tout de même, le candidat doit apprendre à élaguer son discours, non pas des choses trop personnelles, mais de celles qui peuvent inutilement faire grief. C'est là la préparation la plus nécessaire et la plus contraignante, mais je crois qu'une bonne habitude de langage se prend vite et qu'après tout, cette manière de s'exprimer relève aussi tout simplement d'une bonne hygiène de vie, parce que nous sommes tous, finalement, en représentation à longueur de journée, et qu'être adulte et responsable, c'est l'assumer.
22:59 | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : quitterie delmas, modem, café démocrate européen, la bandera, cinéma | | del.icio.us | | Digg | Facebook
15/10/2008
"Coluche" : un individu contre le système.
Malgré la polémique, il semble que le film consacré à la campagne présidentielle avortée de Coluche en 1981 ne trouve pas un succès de premier jour. C'est dommage.
Le nouveau film d'Antoine de Caunes illustre très parfaitement le combat d'un homme assez seul, extrêmement populaire, contre l'establishment politique. Tout y est : l'interdiction d'antenne télévisée, les pressions sur les maires tentés de lui donner leur précieuse signature, les menaces d'un mystérieux groupe d'extrême droite baptisé "Honneur de la police", sans doute l'assassinat d'un régisseur, tout cela va très loin et Coluche se cambre et lutte aussi loin que ses forces le lui permettent, aussi loin que son culot le porte (jusqu'aux célèbres "plumes dans le cul").
En définitive, c'est le système, par le voix d'Attali, porte-parole confidentiel de l'opposant intégré au système, Mitterrand, qui lui porte le coup de grâce.
Coluche s'incline et, de façon subliminale, apparaît le visage de la princesse Diana et un pilier dans un tunnel qui ressemble à celui du pont de l'Alma, qui permet de dilater le sujet à tous ceux qui, un jour ou l'autre, ont tenté de s'opposer au système...
Donc un film que l'on peut voir au-delà même du personnage de Coluche, héros fatigué, faux saint ici rappelé à la joyeuse et turbulente bande du professeur Choron, où l'on retrouve Reiser (incarné par Alexandre Astier) et d'autres figures tôt disparues, et même un bref caméo d'Emma de Caunes.
Coluche, l'homme au nez rouge, clown abreuvé à l'acide sulfurique.
Dans la foulée, on peut revoir en DVD son meilleur film : "L'aile ou la cuisse", déjà la malbouffe en 1975.
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19/09/2008
"Parlez-moi de la pluie", chronique de l'anti-bling-bling.
"Parlez-moi de la pluie" est le début d'une chanson de Georges Brassens, une chanson sur l'adultère. Curieusement, c'est la mélodie d'une autre chanson de Brassens (d'ailleurs écrite pour une fois par un autre) qui rythme lentement le nouveau film d'Agnès Jaoui coécrit avec Jean-Pierre Bacri : celle des "Passantes", une chanson sur les occasions manquées, ou plutôt sur les actes manqués.
Le trio Djamel-Jaoui-Bacri, dans une situation humaine très complexe, très riche et troublante, y fait preuve d'une grande humanité. Agnès Jaoui, écrivaine féministe qui entre en politique, y trouve des accents dignes de Quitterie Delmas sur la crise de représentativité de notre démocratie. Jean-Pierre Bacri, rêveur, bordélique, un peu minable, drôle pour le spectateur dans un genre doux-amer. Djamel Debbouze, un vrai tournant dans sa carrière, délaisse la provoc pour la complexité d'un rôle qu'il assume dans la vie : marié à une jolie jeune femme, mais confronté à l'amour qu'une autre a pour lui.
Tous sont d'une justesse millimétrée.
C'est filmé inégalement, mais tant pis, c'est du bon cinéma qui cherche la vérité sans effet.
Il faut savoir aimer et ne pas laisser passer sa chance.
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17/09/2008
"Coup de foudre à Rhode Island", c'est l'automne.
On a vu tout récemment Steve Carell dans "Max la Menace", un film bien moins drôle et irrévérencieux que la série tv dont il est tiré, mais où Carell promène sa gouaille sérieuse, sa mâchoire carrée, son regard droit, son nez cyranesque et son ironie égarée. Le voici dans une solide comédie sentimentale.
Il est un chroniqueur d'une feuille locale, spécialisé dans la vie quotidienne. Sa chronique s'intitule "Dan in real life", qui est le titre du film en anglais. Quadragénaire, il est veuf et père de trois filles blondes. Le coup de foudre le terrasse lorsqu'il rencontre Marie (Juliette Binoche), une Française qui craque instantanément. Hélas, elle est avec un autre...
21:35 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, steve carell, juliette binoche | | del.icio.us | | Digg | Facebook
11/09/2008
Bientôt sur mon culturezine.
Comme je l'ai annoncé, je continue à travailler sur mon culturezine. En attendant d'être tout à fait satisfait de la maquette et du contenu, j'ai commencé à alimenter le blog.
Aujourd'hui, une note sur le dernier film du cinéaste Barbet Schroeder "Inju". Il se trouve que j'ai célébré le mariage civil d'une fille de Schroeder.
Également, un teaser d'un reportage que j'ai effectué dans les ruines du château de Penhoat, près Morlaix, en Bretagne.
16:26 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, cinéma, rentrée littéraire, livres, bretagne | | del.icio.us | | Digg | Facebook
29/06/2008
A revoir.
12:43 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, cinéma, europe, gabin, le président, verneuil, audiard | | del.icio.us | | Digg | Facebook
14/06/2008
"Sagan".
09:47 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, françoise sagan, diane kurys, sylvie testud, luc besson, brigitte bardot | | del.icio.us | | Digg | Facebook
02/06/2008
"Jackpot" (mais je ferme quand même, sans doute).
19:52 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, jackpot, cameron diaz | | del.icio.us | | Digg | Facebook
23/05/2008
Tintin par Spielberg, numéro zéro.
10:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | | del.icio.us | | Digg | Facebook
21/05/2008
Vingt millions chez les Ch'tis.
14:06 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma | | del.icio.us | | Digg | Facebook
18/05/2008
"Bataille à Seattle".
20:46 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, omc, seattle, stuart townsend | | del.icio.us | | Digg | Facebook
13/05/2008
GAL, le film.
17:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | | del.icio.us | | Digg | Facebook