Quelques mots sur l'équipe qui dirige le XVIe arrondissement de Paris depuis 1989. Je rappelle que le candidat du MoDem est ici Jean Peyrelevade, qui a une image de sérieux et d'efficacité.
En 1989, l'UDF de Paris, conduite par le "libéral" Jacques Dominati (aujourd'hui sénateur en fin de carrière), avait décidé de faire liste commune avec le RPR d'alors. C'était la deuxième fois de suite, puisqu'en 1983 (début de la politisation nationale des municipales), dans le cadre de ce qui se voulait une reconquête contre la victoire socialiste de 1981, liste commune avait déjà été présentée, conduite par Georges Mesmin, député de la plus peuplée des deux circonscriptions de l'arrondissement, celle du sud ; la négociation avait été en 1983 que Mesmin (étiqueté centriste CDS) deviendrait maire et c'était la première fois que les équipes centristes et RPR se retrouvaient sur la même liste alors qu'elles avaient toujours été concurrentes depuis le succès centriste de 1971.
En 1983, Jacques Chirac avait besoin des centristes. C'était moins le cas en 1989 : il venait de devancer Raymond Barre de plus de dix points à la présidentielle de 1988 dans l'arrondissement. Il présenta donc un marché simple à Georges Mesmin, maire sortant : le RPR occuperait la tête de liste et Mesmin serait réélu maire. Mesmin ne l'entendit pas de cette oreille : il voulait la tête de liste et la mairie. Chirac, voyant qu'il ne cédait pas, le laissa prendre la tête de liste. Mais lorsque le conseil d'arrondissement se réunit pour élire son maire, ce fut Pierre-Christian Taittinger qui sortit du chapeau.
Taittinger était étiqueté UDF, tendance libérale plutôt que centriste, mais il avait été UDR (gaulliste) et sous-ministre de quelque chose. En 1971, il ne figurait pas sur la liste des centristes et réformateurs, mais sur celle du pouvoir.
Il était élu à Paris depuis ... 1953. Seul "trou" dans son emploi du temps d'élu : la période 1971-1977. En 1977, il avait rejoint Giscard et était redevenu élu sur la liste UDF qui avait devancé le RPR (à l'époque, il n'y avait pas eu de fusion de liste au 2e tour, mais désistement pur et simple).
Taittinger, membre de la famille des célèbres champagnes, est né dans le XVIe arrondissement, rue Chardon-Lagache, à deux pas de la maison de retraite médicalisée de Sainte-Perrine. Son père, Pierre Taittinger, avait été une des figures du conseil de Paris de l'entre-deux-guerres, très forte personnalité, mais il était le président de ce conseil de Paris en 1943 et c'est lui qui avait reçu Hitler lors de la visite du chef du IIIe Reich à Paris.
En 1953, Pierre-Christian Taittinger avait assemblé un premier groupe de jeunes influents, liés aux milieux d'affaires, et, reprenant une partie des réseaux de son père, s'était fait élire.
En 1989, c'était donc un élu très expérimenté, ayant passé la soixantaine, ancien président du conseil municipal de Paris, ancien ministre, ayant des intérêts croisés avec la puissante Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP). C'est par exemple à son groupe qu'appartenait l'hôtel Concorde-Lafayette, porte Maillot, bâti sur le Palais des Congrès qui appartient à la CCIP.
Je l'avais rencontré deux fois. La première était à sept heures et demi du matin, gare Saint-Lazare, en mars 1988 : il nous avait accompagnés pour la distribution de tracts lors de la campagne présidentielle de Raymond Barre. La deuxième fois était pour une réunion associative champenoise de Paris (de mon côté paternel, j'ai de solides attaches champenoises) qui avait eu lieu à la mairie du XVIe.
Taittinger, pour devenir maire, avait fait alliance avec une partie de l'équipe de Georges Mesmin. Il conserva sa cheffe de cabinet et plusieurs de ses adjoints, à l'exception de Guy Flesselles, qui était aussi le suppléant de Mesmin et qui, depuis, a conduit sa propre liste en 2001 jusqu'autour de 10%.
Parmi les adjoints, le plus important, politiquement et techniquement, était Pierre Bolotte. Ancien préfet de région, formé à la coloniale (école de la France d'Outremer), ancien membre du cabinet du MRP Georges Bidault sous la IVe république et secrétaire général de la préfecture d'Alger en 1958, il avait une longue expérience des choses de l'administration et avait la délégation stratégique des finances et de l'urbanisme.
L'autre élue utile était Anne Béranger, grande ordonatrice des animations de la mairie, qui passa avec aisance de Mesmin à Taittinger et qui, m'a-t-on dit, est morte très diminuée voici peu d'années.
Taittinger est un homme charmant, excellent orateur (on dit qu'il obtint un classement remarquable lors du concours oratoire de la conférence des avocats quelque part vers l'époque des dinosaures), capable dans la même phrase de plaire à un centriste et à un extrémiste, à un Américain et à un soviétique, bref, à tout et son contraire. C'est d'abord une marque d'éducation. Mais c'est aussi un besoin irrépressible de susciter l'empathie, sans lequel sans doute il vaut mieux ne pas faire de politique.
Il prononce plus d'allocutions qu'il n'y a de jours dans l'année, sans compter ses discours de mariages (il en célèbre encore beaucoup), il est partout, il connaît tout le monde, il a une mémoire étonnante. Je l'ai vu, lorsque j'étais son adjoint, se précipiter vers un de mes cousins qui me rendait visite à la mairie et qui avait été témoin d'un mariage célébré par Taittinger deux ans plus tôt. Il ne l'avait pas revu depuis, mais l'avait reconnu tout de suite. Un abattage prodigieux, donc.
Il passe ses journées à arpenter son arrondissement et rentre les poches pleines de post-it sur d'innombrables sollicitations. Il dit toujours oui et son équipe doit ensuite s'arracher les cheveux pour trouver le moyen de respecter les engagements qu'il a pris.
Evelyne Montastier, qui dirige son cabinet, est d'une rare efficacité, un carnet d'adresse kilométrique, une réactivité d'élite.
En somme, une excellente équipe de terrain.
Le premier premier adjoint de Pierre-Christian Taittinger, de 1989 à 1995, fut Gérard Leban, un gaulliste casse-croûte, capable d'obéir à toutes les évolutions de l'appareil de son parti, un bon second couteau, veillant de près (d'aucuns disent d'un peu trop près) sur les commerçants, ayant sa propre feuille politique qu'il fait distribuer dans les halls d'immeubles, tenant permanence rue de l'Annonciation, et dirigeant avec calme et discrétion l'appareil UMP local qui, en fait, gère la municipalité.
Gérard Leban est plus qu'utilement secondé par son épouse, liée à la conférence Saint-Vincent de Paul.
De 1995 à 2001, Leban était adjoint au maire de Paris et laissa le poste de premier adjoint à Danièle Giazzi dont je parlerai dans un instant. Il reprit sa délégation en 2001 et se retire, ayant passé les soixante-quinze ans, cette année.
Danièle Giazzi, que je viens de mentionner, a longtemps été une femme très courue. Je ne m'apesantirai pas sur les nombreuses rumeurs qui la concernent. Elle est la suppléante de Claude Goasguen dans le XVIe sud et a été conduite à celui-ci par Gérard Leban. Lorsqu'elle était première adjointe, une rivalité inexpiable l'opposait à la cheffe du cabinet du maire, une de ces rivalités féminines qui font pleuvoir des éclairs sur la tête des hommes.
On dit qu'un jour, dans une colère homérique, Danièle Giazzi laissa Gérard Leban terrassé par une attaque.
À la fin de la mandature qui s'achève, Leban a commencé à passer la main. Il a choisi, pour se décharger progressivement de ses délégations, Laurence Dreyfus, militante obéissante comme lui, fille d'une ancienne collaboratrice de Leban et petite-fille, selon eux, du chauffeur du général de Gaulle.
L'autre homme-clef, très lié à Évelyne Montastier, est Pierre Gaboriau. Il était à la gare Saint-Lazare le même matin de mars 1988. Je l'ai vu plusieurs fois pendant la campagne de Barre. Il n'avait pas trente ans alors, il était déjà expert-comptable.
Il a succédé au radical Jean-Loup Morlé à la présidence de l'Office Municipal des Sports (OMS) qui, à la mairie de l'arrondissement, regroupe les principales associations sportives du XVIe. Adjoint au maire chargé des sports en 1989, il bénéficia en 1991, en cours de mandat, du retrait de la centriste de choc Solange Marchal (la femme qui a fait échouer le projet chiraquien d'ensembles immobiliers colossaux porte Maillot), qui lui a permis de devenir conseiller de Paris.
En 1995, il était donc conseiller de Paris, adjoint au maire du XVIe arrondissement chargé de la jeunesse et des sports et président de l'OMS. Il me laissa la délégation de la jeunesse et des sports, mais pas la présidence de l'OMS qui formait sa base électorale. Il était élevé au rang d'adjoint au maire de Paris.
Il revint prendre ma place en 2001.
Élu de terrain, il a été candidat en solitaire aux environs de 10% lors d'une élection, et il est respecté. Il a depuis plusieurs années repris l'une des feuilles institutionnelles du XVIe, ce qui a accru sa notoriété.
De notoriété générale, on lui prête une rivalité avec Goasguen au sein de l'UMP locale, liée à celle qui oppose Bernard Debré, député de la circonscription du nord du XVIe, au même Goasguen. Cette rivalité existait déjà entre Georges Mesmin et l'autre député UDF du XVIe d'alors, Gilbert Gantier, qui s'est retiré après trente ans de mandat. Sans doute est-il inévitable que chacun des deux députés tente de tirer la couverture à lui.
La force de cette équipe est triple : un maire qui bénéficie, malgré son grand âge, d'une bonne image, un électorat entièrement polarisé, un appareil très discipliné mais en mutation.
Aux dernières législatives, le MoDem est arrivé devant le PS dans le XVIe. La poussée actuelle de l'électorat de gauche devrait avoir ici un impact plus limité qu'ailleurs. Jean Peyrelevade, compte tenu de sa grande notoriété et de sa bonne image, devrait être élu conseiller de Paris, donc obtenir au moins 12%.