07/08/2007
En relisant « La curée » de Zola.
La curée (Zola omet de le préciser) est l’instant de la chasse où l’on éventre (découd) le cerf et où les chiens se régalent de viscères chauds.
Le cerf de Zola, on s’en doute, c’est la France, doublement incarnée par Paris et par une jeune femme, Renée Béraud-Duchatel, violée, puis mariée par convenance à celui des Rougon qui se nomme Saccard (le même que celui de « L’argent »). Celui-ci ne se sert d’elle que pour de folles et malhonnêtes spéculations.
Délaissée par lui, elle finit par coucher avec son fils du premier lit, le fuyant Maxime, à peine plus jeune qu’elle.
Le double tableau de ce roman (le deuxième de la série) montre à la fois le Paris du second empire, livré à toutes les manœuvres par l’invraisemblable charcutage par lequel le régime transforme la ville de Quasimodo en une cité moderne et bourgeoise (mouvement d’ailleurs bien amorcé sous la monarchie de Juillet), et l’emballement licencieux de la haute société dont le Paris de la Belle Époque sera encore l’écho.
La corruption des élites est, selon l’idée de Zola, double elle aussi : par l’argent et par le vice.
En vérité, le naturalisme de Zola se veut un plaidoyer implacable contre ce qu’il considère comme un dévoiement, fécond peut-être, mais meurtrier et spoliateur. On est parfois gêné par l’abus qu’il fait du mot « vice », qui paraît lui donner un peu de fébrilité, plutôt malsaine ; la description littéraire pourrait ressembler ici au miroir des fantasmes.
Mais les mécanismes de détournement d’autorité et de fonds publics, qu’il décrit, sont parfaitement rendus et méritent qu’on les examine à la loupe, car rien n’y manque. Ce roman écrit en 1871 est d’une extrême actualité.
Enfin, impossible de ne pas relever quelques précoces (voire anticipatrices) tendances psychanalytiques dans la manière qu’a Zola de traiter la psychologie de son personnage principal : Renée. Orpheline de mère, dominée par l’image du père lointain et juge (jugissime), violée par un homme mûr et marié, tombant dans l’inceste, regrettant son enfance avec divers symboles qui s’y attachent, on peut vraiment dire que, si elle avait fait un stage chez Freud, elle n’aurait pas perdu son temps. Mais Freud a une quinzaine d’années quand le roman paraît.
On a donc de bonnes raisons de relire ce Zola-là malgré ses réminiscences lourdes de Balzac et sa tentation d’emboîter le pas au pâle Goncourt.
18:03 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
25/07/2007
Henri Guillemin parmi les ombres de la littérature.
Dans sa vie après la vie, la vague de 1830 doit énormément à la patience et au talent d’Henri Guillemin.
Ce savant personnage, qui mourut très âgé, a produit des extraits raisonnés des carnets de Victor Hugo, par exemple. Il a consacré plusieurs textes, tous importants, à ce grand personnage, mais personnellement, celui que je préfère, c’est bien le recueil «Pierres», un kaléidoscope de ces extraits qui fait l’effet d’un long feu d’artifices de ces traits de génie qui font d’Hugo le maître indétrôné de la langue française.
On ne trouve «Pierres» que chez les bouquinistes ; si vous en croisez un exemplaire, achetez-le aussitôt.
18:15 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : écriture, littérature, poésie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
24/07/2007
Liberté ?
Y a-t-il un paradoxe dans ce rapprochement de l’écrivain de la gauche ouvriériste et du politicien de la droite bonapartiste ? Sans doute. Mais leur idée commune est connue : le productivisme. Leur vision du monde est quantitative.
Et si l’un veut inciter les animaux humains à s’agglomérer dans des émanations de l’Internationale, l’autre use de tous ses charmes pour les manipuler car il les aime comme public à assujettir par la manoeuvre. Dans les deux cas, l’être n’est qu’une variante de la masse.
C’est pourquoi, si l’on peut s’étonner de me voir relire Zola ces jours-ci, on doit bien penser que c’est pour ce rapprochement bizarre.
Je viens de rouvrir «La curée», le roman de la spéculation foncière et de la métamorphose de Paris commencée sous la monarchie de Juillet et amplifiée à un train d’enfer sous le Second Empire. Victor Hugo conie ainsi dans ses carnets s’être plusieurs fois égaré dans Paris en y revenant en 1870 après près de vingt ans d’exil : il n’y reconnaissait plus rien.
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22/07/2007
Sacha Guitry, tout contre la morale ?
Tous deux parlent de la même société, celle où les hommes sont aisés, où il fait partie de leur statut social d’avoir une maîtresse, où d’ailleurs on se passe et repasse la maîtresse en question d’un homme arrivé à l’autre, cependant que l’épouse que tous deux ont par ailleurs doit rester ignorante (au moins officiellement) de cette seconde vie.
Chez Feydeau, on s’aime souvent ; chez Guitry; on jouit plutôt.
La façon dont Guitry se joue alors de la morale est souvent délectable, jouissive elle aussi, délicieusement impertinente. Il n’existe aucune métaphysique dans son théâtre et toute règle de la société se résume à un adversaire à vaincre.
Peut-on dire pourtant que Sacha Guitry soit tout entier contre la morale ? Peut-être. Et cependant, son film, «Le roman d’un tricheur», tout en traversant un océan d’immoralités et d’injustices de toutes natures, finit de la façon la plus honnêtement morale, d’une façon quasi-hollywoodienne, comme si son auteur avait su en le faisant qu’il devenait le premier cinéaste du monde à réaliser un film entièrement gouverner par la narration de son personnage principal, la célèbre «voix off», celle de Guitry lui-même bien entendu.
Et dans «Mon père avait raison», écrit en songeant à son père l’acteur Lucien Guitry, Sacha énonce sur la vie familiale des vérités qui n’ont rien d’immoral non plus.
Alors... il faut croire qu’il y a tout de même une justice chez lui, même s’il a subi une cruelle injustice à la Libération de la France. Son théâtre suivant perd en allégresse, en vitesse, sans gagner en vraie moralité, car la morale de Guitry, la vraie, c’est le public. «Debureau», qu’il a filmé, est l’un de ses rares textes que l’on peut vraiment lire et où il proclame sa grande ambition pour son art. Il l’a honoré. Il a payé avec soin sa dette originelle, celle que tout acteur ou auteur a dès le début de sa carrière envers le public. Il n’y a jamais manqué.
Et puis, pour moi qui suis ancien élève du lycée Janson, à Paris, je sais qu’il a soigneusement honoré une autre dette : lorsqu’il a été exclu du lycée, dans les années 1890, il est parti sans rédiger sa punition, cent lignes. Quand on a fêté le cinquantenaire de Janson, en 1934, il fut choisi comme invité d’honneur de la cérémonie. Il s’en étonna, s’en amusa même, n’ayant séjourné qu’à peine trois mois dans les vieux murs. Et cependant, il accepta et rédigea un beau discours : on lui avait dit qu’il ne reviendrait au lycée que quand il aurait fait ses cent lignes et ce discours tint en ... cent lignes.
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17/07/2007
Société mécaniste, société humaniste.
Quand Zola évoque le « ventre » de Paris, c’est bien à cet appétit parfaitement physiologique qu’il songe.
Victor Hugo anthropomorphisait les vertus, les vagues de l’océan, conférait une âme aux choses dont il faisait des gens, tout événement devenait destin, résultat d’une intention métaphysique ; Zola, lui, rappelle que tout obéit à la logique de l’organe, qui est la face non point inerte mais sans âme de la vie. La société devient ainsi le corps social, un ensemble d’organes qui forment autant de rouages d’une véritable mécanique. Un mouvement collectif, inexorable, sans intention motrice.
La conséquence de cette vision (qui est celle des marxistes in fine) est que l’individu se définit par sa position dans un diagramme, il participe à une digestion collective du présent au service d’un futur qui obéit aux lois des organismes vivants : l’expansion du groupe, la conquête, l’édification de la fourmilière, de la ruche, le bourdonnement, le tentacule agressif de la ronce qui va marcotter, du pommier qui va drageonner, du palétuvier dans la mangrove ou du figuier dans la prairie. Le fruit de l’arbre n’est qu’un instrument de l’expansion de l’espèce.
Dès lors, gouverné par une loi immense, l’individu n’est plus libre, sa vie n’est qu’un pion d’une stratégie colossale qui, du protozoaire aux colonies d’insectes, vise toujours à un progrès qui n’a rien ni de noble ni d’idéal, mais seulement une logique de pouvoir d’une fraction de la matière sur le tout.
Ces théories mécanistes ont irrigué le Vingtième siècle ; elles ont apporté parfois des innovations fructueuses, notamment dans l’étude de l’Histoire : l’école des Annales en est un bon exemple, qui a permis de comprendre par des flux de long terme et des mouvements de profondeur certains aspects de l’aventure humaine qui échappaient jusque-là à l’intelligence.
Elles ont en revanche eu le grave inconvénient de réduire l’être humain à ses fonctions organiques (production quantitative, consommation) et elles ont inspiré toutes sortes de fonctionnalismes minimalistes qui ont abouti à l’oppression de l’individu par son environnement matériel (sans parler bien sûr des dérives totalitaires).
Oublier la liberté de l’individu est le premier des chemins qui mènent aux sottises racistes et xénophobes. Considérer la personne comme branche indistincte d’un arbre gouverné par la logique de son tronc aboutit à Auschwitz.
C’est pourquoi le retour de la liberté de l’individu, que nous avons cru constater pendant les deux ou trois dernières décennies, avait d’infinies qualités et portait d’inestimables espoirs.
Hélas, la voici de nouveau combattue avec efficacité par deux ennemis aussi redoutables l’un que l’autre.
Le premier de ces adversaires est le productivisme : toujours plus, joint au plus vieux défaut de l’homme en société : l’instinct léonin du contrôle des masses au service d’un oligopole économique. Je pense, en écrivant ces mots, à la dernière campagne présidentielle, à la crétinisation militante qui s’y est déployée, à la régression (voire à la répression) de l’idéal de circulation de l’information et du savoir né de la Révolution française. Le libéralisme des échanges, la logique du marché, ce sont des notions parfaitement humaines, obéissant à des impulsions spirituelles autant que matérielles, c’est la vie ; mais le dérèglement du marché par des outils manipulatoires et politiques revient à une vision purement mécaniste et quantitative de l’être humain. D’ailleurs, et pour invoquer un autre slogan de la récente élection présidentielle, dire « travailler plus pour gagner plus », c’est invoquer une logique de bête de somme, où la valeur du travail est sa quantité, alors que tout l’effort de notre civilisation consiste à accorder plus de valeur ajoutée à la qualité du travail qu’à sa quantité. La conception mécaniste produit donc une régression historique.
L’autre adversaire de l’humanisme est rigoureusement symétrique du premier : c’est celui qui vise à incarner partout, autant que possible, une nature sans être humain, l’humain étant par essence contraire à la nature ; or cette dernière proposition est fausse : opposer nature à culture fut même la plus dangereuse erreur du rousseauisme, celle qui a produit les effets les plus meurtriers des totalitarismes.
Ce conflit nature/culture revient paradoxalement à une vision organique et donc mécaniste de la nature donc de l’être humain, vision mécaniste dont je crois avoir démontré les risques profonds.
La création d’espaces naturels côtiers me semble ainsi excessif. Il y a un moyen terme entre les barres de béton telles qu’on en voit à La Baule par exemple, et la pointe du Raz, ici, en Bretagne, où l’on a été jusqu’à raser un hôtel modeste et vétéran pour restituer enfin une mythique nature sans intrusion humaine, l’humain étant ici, comme dans la religion, l’impur absolu.
Au fond, ces espaces dévitalisés ne sont rien d’autre que la résurrection du patrimoine de l’Église nationalisé en 1789 : une aire « tabou », vouée à l’expiation et à l’humilité, qui ne doit pas être exploitée, ni même utilisée. Créer de la richesse, vivre, c’est mal, c’est fautif. Une conception punitive irrigue certes (et trop) tout le programme des Verts, mais là, on atteint un sommet, qui révèle le substrat religieux de leur doctrine.
On n’y trouve certes pas l’hypothétique Dieu judéo-chrétien, mais on y distingue parfaitement l’ancestrale « mère-nature », la castratrice conservatrice selon laquelle toute innovation est par nature, ontologiquement, mauvaise, pernicieuse, la mère-nature dont il faut respecter le tranquille sommeil.
Sans aller jusqu’à psychanalyser cet avatar de la défense de la nature (qui s’y prête pourtant), j’ai voulu, pour conclure, rappeler que l’humanisme est mon horizon politique, toute activité humaine fait partie des effets de la nature ; domestiquer la nature n’est pas mal en soi, c’est fécond autant pour la nature que pour l’humain, pourvu que l’humain en soit justement l’horizon, en protégeant le vivant ; la même phrase peut être construite en remplaçant domestiquer la nature par produire.
Une idée comme ça, au début de l’été, en considérant l’actualité inquiétante avec un peu de recul.
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14/07/2007
Jean Giono, l’ombre féconde de Pagnol
Vous allez me dire que moi, je suis en Bretagne, et qu’un équivalent breton de Giono serait pertinent, mais j’ai beaucoup parlé de la Bretagne ces jours-ci, voici une occasion de faire un tour ailleurs. C’est bien à quoi l’écriture sert.
De Giono, deux textes par exemple : « Colline », presque une nouvelle, sur un incendie de garrigue, image familière de l’été, un moment rude ; et « Le hussard sur le toit », malheureusement mal servi par son cinéaste voici quelques années en dépit des efforts de la belle et triste Juliette Binoche et du vigoureux Olivier Martinez.
Le Hussard est un roman suffocant, tout entier envahi par une célèbre épidémie de choléra qui a sévi dans le sud de la France au XIXe siècle. On y est happé dès la première page et, un bon paquet plus loin, on referme la dernière avec le sentiment d’un malaise interminable et profond. Le réalisme de l’histoire est très déstabilisant et l’angoisse, que les gens devaient éprouver devant cette maladie ultra-contagieuse et mortelle presque à coup sûr, est palpable. On en sort claustrophobe et brûlé.
Si l’on se connecte sur un site de téléchargement de films, on pourra aussi voir ou revoir le cinéma de Pagnol dans lequel Giono joue un grand rôle ; la plupart des profondeurs de Pagnol, comme dans la « fille du puisatier » sont dues à l’inspiration de Giono.
Voilà de quoi oublier un moment l’effervescence inquiétante du chef de l’État.
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12/07/2007
Lit-on encore « 1984 » d’Orwell ?
« 1984 », c’était le monde soviétique ; nous, nous nagions dans la liberté et nous étions à jamais vaccinés contre les tentations totalitaires gouvernant l’intimité la plus étroite de nos vies par des flots d’images interactives. Qui plus est, le libertarisme instinctif de la génération de mai 1968 semblait un gardien vigilant et jaloux contre toutes les divagations de nos appareils de police et de pouvoir.
Or nous y voici.
« 1984 », c’est aujourd’hui, ou plutôt demain matin : multiplication des caméras dans les rues et dans les bureaux, contrôle accru d’Internet d’ailleurs noyauté par des mécanismes infiniment subreptices : le scannage pluriquotidien d’Internet permet d’y réinjecter du venin sous une forme particulièrement insidieuse comme l’a démontré avec grande efficacité la récente campagne présidentielle française, bref, avec les téléphones portables repérables à tout instant, le wifi qui fait qu’aucun ordinateur équipé d’une carte Airport ou équivalente n’est plus jamais vraiment déconnecté de la toile, la télévision qui devient de plus en plus télévicieuse et érige l’indiscrétion en idéal d’existence et l’exhibitionnisme en instrument de gloire, il est évident que « 1984 » est juste devant nous.
À ma génération, on le lisait à l’école, au collège. Que font aujourd’hui les plus jeunes ? On leur en souhaite autant.
Sinon, il ne leur reste plus qu’à revoir le DVD « V pour Vendetta », redoutable antidote.
16:28 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, littérature, histoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
10/07/2007
En relisant « L’argent » de Zola.
Tout d’abord, ce roman de la vie financière et de ses implications politiques de toutes natures est celui de l’illusion que la financiarisation de l’économie puisse faire émerger la rémunération au mérite, soit travailler plus (ou mieux) pour gagner plus.
L’idée est simple : la création des consortiums, des grands groupes qui euthanasient peu à peu les petits, aboutit à une logique de « syndicats » d’intérêts. Coalitions égalitaires d’entreprises moyennes, ces syndicats reposent sur une logique de répartition des gains. On pense évidemment aux coopératives ou aux Groupements d’Intérêt économique (GIE), mais il faut aussi songer aux oligopoles, qui en forment la face sombre éludée par Zola. Car il oublie que l’hyperconcentration de l’économie peut aboutir à de nouvelles formes de verticalité absolument identiques aux anciennes, comme le montre notre époque.
Zola énonce en fait le rêve d’une mutualisation de l’économie et, selon son idée, la dépersonnalisation de l’autorité de production à laquelle aboutit la financiarisation est un chemin efficace vers un monde où la totalité du revenu de l’entreprise est affecté soit à l’investissement productif, soit à la rémunération du travail « en proportion des efforts de chacun », soit une salarisation en fonction de la quantité de travail fournie (avec évidemment l’éternelle question de la prise en compte de la qualité autant que de la quantité).
Ensuite, seconde idée, le lien que Zola établit avec la création, alors récente, de « l’association internationale des travailleurs », mieux connue sous le raccourci d’« Internationale », conduit nécessairement à un transfert de pouvoirs des rentiers (les adversaires qu’il combat) vers les associations de travailleurs, qu’on a dénommées en d’autres époques les corporations.
Et c’est bien là, dès ce XIXe siècle sans doute, qu’il faut rechercher la tendance corporatiste de la gauche travailliste française, dans l’énoncé même de ses principes fondateurs tels que Zola les retranscrit.
En fait, il mélange le principe syndical de représentation des travailleurs dans les négociations sociales et le principe politique d’organisation de la production. Encore une fois, il y a là un trait caractéristique central de la gauche historique française.
Seulement, on voit bien que le concept d’associations de travailleurs pour la production et la commercialisation, s’il contient l’idée des mutuelles, plutôt efficaces en matière d’assurances, porte aussi l’inconvénient de toutes les formes de corporations : le conservatisme et l’oppression de l’individu par le groupe.
Le conservatisme est le défaut patent du syndicalisme à la Française. Et on voit bien pourquoi : il ne fait que reproduire le mécanisme des corporations d’Ancien Régime contre lesquelles entre autres s’est faite la Révolution française : toute innovation remet en cause un équilibre et donc un pouvoir.
L’oppression de l’individu par le groupe est si évidente parfois que je ne m’étends pas sur ce sujet. N’oublions pas que le vrai ennemi, en matière économique comme en matière politique, est le réflexe léonin.
Quoiqu’il en soit, au milieu d’une époque charnière pour la société économique mondiale, à un moment où il apparaît que la financiarisation gagne toutes les structures de production avec de lourds inconvénients pour le tissu humain, il faut relire d’urgence « L’argent » pour comprendre d’où les erreurs sont parties, quels étaient les objectifs généreux poursuivis, pour comparer ces idées avec celles de Victor Hugo et se rappeler qu’un mot manque absolument au vocabulaire de Zola alors qu’il irrigue toute l’œuvre d’Hugo : le mot « liberté ».
17:02 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : histoire, littérature, politique, économie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
16/06/2007
Écrire la banlieue.
21:25 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écriture, littérature, poésie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
13/06/2007
Don Quichotte.
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12/06/2007
Histoire du général Pechkoff.
Pechkoff est en Afrique, à Madagascar je crois. Il y reste.
Or de Gaulle a besoin d'officiers de haut rang et d'expérience. Il recrute Pechkoff pour sa France Libre. Le manchot vieillissant n'hésite pas : il rejoint le camp du général. Celui-ci le fait du reste vite lui-même général.
C'est ainsi que le fils du graveur juif de Nijni-Novogorod, frère du chef de l'État soviétique, devient général de la France Libre.
D'abord envoyé en Afrique du Sud en ambassade, il est désigné pour commander l'Afrique Équatoriale. Trois étoiles, puis quatre, puis peut-être même cinq, ornent son képi et ses manches.
Après la guerre, l'ancien apatride devient ambassadeur de France au Japon. Il meurt à Paris en 1966. Il m'a vu dans mon berceau.
Courez lire sa biographie par Francis Huré chez Bernard de Fallois.
12:20 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, littérature, france libre | | del.icio.us | | Digg | Facebook
22/05/2007
Ce soir, repos : parlons de littérature.
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07/05/2007
Pendant toute la campagne, je pensais à Pagnol.
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03/05/2007
Hippodrome d'Auteuil : les paradoxes du Bois de Boulogne.
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29/04/2007
Brassens, une semaine avant le second tour.
Le plaisir de la promenade, chacun son coin de forêt ou de rivière, chacun son sentier secret, sa rue écartée, son toit qui penche.
Le plaisir d'un livre.
Le plaisir d'une camaraderie, d'un amour. D'un simple joli regard de jolie môme.
Voilà ce qui fait que l'effroi qui s'empare de nous de temps à autre en examinant les sondages peut encore être conjuré.
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28/04/2007
Mon 10 mai 1981.
Il faut parler de mon père.
Il admirait Mendès depuis sa jeunesse au début des années 1950. Il adressait à PMF chacune des tribunes qu'il faisait paraître d'abord dans "Combat" puis dans "Le Monde". Mendès accusait toujours réception de ces envois et les commentait quelquefois.
Logiquement, mon père, membre du Parti Socialiste depuis le congrès d'Épinay en 1971, se retrouvait dans le courant rocardien, qui se rapprochait de son mendésisme.
Le 10 mai 1981, j'avais seize ans depuis quelques mois. Mes parents étant divorcés, j'avais gardé l'habitude de voir mon père le dimanche, quoique ce ne fût plus une obligation légale depuis justement mes seize ans.
Ce jour-là, il était aux anges. Il exultait. Il m'emmena dès mon arrivée et, courant presque, bondit dans sa R20 gris métallisé où je le suivis.
Il votait dans le quatorzième arrondissement de Paris, dont il venait de déménager. À tombeau ouvert, il y courut. Il se gara comme toujours mal, à moitié sur le trottoir, et se rua sur son bureau de vote.
Il était midi, l'endroit était vide ou presque. Mon père salua son président de bureau de vote, qu'il connaissait, et s'engagea dans l'isoloir, toujours aussi joyeux. Il en ressortit aussitôt et se présenta devant l'urne. On le fit voter.
- A voté !
Et c'est alors que sa joie redoubla.
- Viens, me dit-il.
Il me conduisit vers un autre bureau de vote, toujours dans le quatorzième. Là, il sortit d'autres papiers de sa poche : ceux de son frère, Jean Torchet, mort en 1956. Ce Jean Torchet était sorti en petit rang de l'ÉNA, dans la même promotion qu'Édouard Balladur, Jacques Calvet (longtemps président de Peugeot), Jérôme Monod (le dernier homme de réseau du chiraquisme) et quelques autres. Bref, depuis 1956 et la mort (à vingt-six ans) de ce frère fauché par un cancer du fumeur (tabagie passive), mon père n'avait jamais manqué une occasion de voter à sa place.
Au fond, c'était très malsain.
Mais là, je le vis présenter, pouffant et jubilant comme un gosse, la carte d'élève de Sciences-Po de son frère, à qui il ressemblait suffisamment pour la vraisemblance. Le président le connaissait pour l'un de ses électeurs habituels. Il ne fit aucune difficulté.
Et je vis mon père entrer pour la seconde fois dans l'isoloir.
Et pour la seconde fois, il vota Mitterrand.
Je ne l'ai jamais vu plus heureux que ce jour-là.
Mais bien entendu, dès l'élection acquise, comme tant de rocardiens, il passa à la trappe.
Cette phase-là, je l'ai sue mais il ne me l'a jamais racontée : je ne l'ai revu que deux fois après le 10 mai 1981.
Les voici.
Au début de l'automne de cette même année, toujours âgé de seize ans, élève du lycée Janson, une boîte prestigieuse d'un quartier bourgeois de l'ouest parisien, j'avais décidé qu'il devenait impossible de rester neutre. Je m'étais engagé.
Intéressé par la modération et par le talent verbal de Lecanuet, j'avais adhéré au centre, une étiquette que jamais aucun membre de ma famille n'avait portée avant moi (j'avais pourtant le choix, car du radicalisme au nationalisme en passant par le socialisme, l'éclectisme régnait dans mon entourage familial). J'ai donc complété le panel en entrant en centrisme, secte bizarre et peu nombreuse dont il faudra bien que je dise quelques souvenirs cocasses à un moment ou un autre.
Quoiqu'il en soit, j'adhérai début octobre 1981 et à la fin de ce même mois, mon grand-père paternel mourut, certain d'avoir été assassiné par les sbires de Jacques Médecin : officier de marine retraité, grand résistant, il s'était présenté sous une étiquette "poujadiste" aux législatives de 1981 dans les Alpes Maritimes et y avait obtenu un peu plus de cinq pour cent. Un cyclomotoriste l'avait ensuite renversé, lui causant des blessures mortelles et mon grand-père, il est vrai parano de nature, avait conclu à l'assassinat dans une lettre qu'il m'avait adressée. Il mourut donc fin octobre.
Ce fut alors l'avant-dernière fois que je vis mon père, aux obsèques de son propre père.
Moins de deux mois plus tard, entre Noël et le Nouvel An de cette année 1981, il m'appela et me proposa de passer la soirée avec lui, ce que je n'avais jamais fait.
J'acceptai.
Il me donna le choix de son cadeau de Noël : m'offrir "une pute" ou une place au spectacle de Montand à l'Olympia.
Je choisis Montand à son grand désarroi : sûr de ma réponse, il n'avait pas acheté un billet pour le concert.
Nous nous rendîmes donc au plus célèbre music-hall de Paris. La salle était archi-comble. Il fallut parlementer un long moment avec la guichetière pour obtenir de pénétrer dans cet endroit devenu déjà mythique.
Montand était étonnant. Je ne connaissais de la chanson sur scène qu'Anne Sylvestre, amie de ma mère, dont je fréquentais ponctuellement les concerts, et le music-hall, le spectacle insensé fourni par Montand, tout cela fut pour moi un très grand choc artistique. Nous étions assis sur les marches : les sièges regorgeaient de gens assis les uns sur les autres, les strapontins fléchissaient sous la masse, il ne restait que les gradins, au mépris de toutes les lois de sécurité.
Nous n'avions pas peur. J'étais subjugué.
À l'entr'acte, une banderole fut déroulée sur tout le long de la scène. Elle portait un seul mot, inscrit en rouge sang sur fond blanc : Solidarnosc (avec des accents sur le s et le c), le nom du syndicat Solidarité en polonais. On était quinze jours après le 13 décembre 1981.
Voilà ce qu'était la gauche à cette époque-là.
Puis mon père, en sortant de l'Olympia, comme on était dans le bon quartier, réitéra sa proposition de m'offrir "une pute". J'avais dix-sept ans.
Je refusai de nouveau, un peu déstabilisé.
Il haussa les épaules et me sourit, puis il poursuivit sa route.
Je ne l'ai jamais revu : il est mort deux mois plus tard, âgé de quarante-huit ans.
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27/04/2007
Albert Camus, la patrie du verbe.
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25/04/2007
Littérature de pouvoir.
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16/04/2007
Vite, le livre d'Azouz Begag.
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13/04/2007
Victor Hugo, la conscience et le social.
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