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05/05/2010

Fallait-il sauver les banques ?

Jean-François Kahn est évidemment le personnage politique avec lequel je suis le plus en phase depuis déjà quelque temps. On ne sera donc pas surpris que je rebondisse sur ce qu'il a dit hier soir chez Frédéric Taddéi. Oui, il est vrai que l'aberration de la situation actuelle, de cette tension qui menace notre monnaie, l'Euro, et plusieurs de nos États associés, en particulier la Grèce, que cette aberration, donc, est que ce sont les États qui ont sauvé le système bancaire de la faillite l'an dernier, et que c'est ce même système bancaire qui, aujourd'hui, avec des manières de charognard, s'attaque à l'Europe et à ses États. On croit rêver en effet que soit à ce point développée l'ingratitude la plus révoltante. C'est infect.

Et on a envie d'ajouter qu'on est en droit de trouver honteux que l'on continue à prêter à très bas taux aux banques, alors qu'on n'est pas capable de prêter à moins de 5 % d'intérêts à la Grèce. On ne fait là qu'envenimer l'effet de spirale dans lequel la Grèce est prise. C'est au moins aussi révoltant que le fait que nous empruntions nous, France, à 3 % pour prêter ensuite à 5 %, et je sais qu'il y a une logique de marché dans cette dernière façon de procéder, mais le marché devrait s'effacer devant l'éthique la plus élémentaire.

Il y a encore un comble dans le comble de cette situation : l'arrière-plan est le procès que subit en ce moment Goldman-Sachs d'avoir délibérément trompé ses clients sur les subprimes, et c'est la même Goldman-Sachs qui a aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour tromper les institutions financières internationales. Pourquoi un comble ? Tout simplement, parce qu'une fois de plus, cette partie de l'affaire révèle la faillite du système de notation basé exclusivement aux États-Unis. Les procédés de Goldman-Sachs, aussi bien contre ses clients que pour la Grèce, révèlent la profonde corruption du système dirigeant américain. C'est cette corruption qui a provoqué la cécité des autorités de surveillance américaines sur les manœuvres frauduleuses ou simplement folles des sociétés financières impliquées dans la crise de 2008. En s'en prenant à la Grèce et au Portugal, les agences de notation prouvent une fois de plus que la meilleure défense, c'est l'attaque et, alors même qu'ellesd evraient être convoquées aux côtés de Goldman-Sachs devant la justice américaine, elles se refont une virginité au détriment des Grecs et de l'Euro. C'est abject.

Lorsque la crise a éclaté, à l'automne 2008, j'ai immédiatement réagi en affirmant qu'il fallait laisser les institutions financières s'écrouler, car si nous croyions les sauver, nous nous tromperions, nous brûlerions en vain des paquets de milliards. En vérité, oui, je crois avoir eu raison : il fallait laisser le système financier se purger de lui-même, il est incorrigible. De toutes façons, la purge se fera. Si le pire vient au pire, elle emportera d'autres structures étatiques, et les États-Unis eux-mêmes, malgré leur souveraineté monétaire moins entamée que celle de l'Europe, ne sont pas exempts de cette menace.

Que pouvons-nous faire, à notre niveau modeste ? Changer de banque, comme dirait Quitterie.

21/12/2009

Différentiel de TVA sur le livre entre la France et la Belgique : aïe.

En France, le livre (à juste titre à mon avis) est considéré comme un bien de première nécessité, et donc taxé à 5,5 %. Entre nous soit dit, vu le rôle joué par Internet en matière éducative, le  taux réduit de TVA devrait lui être appliqué aussi. Ce n'est pas le sujet de mon article d'aujourd'hui. En France, donc, c'est l'ensemble de la filière livre qui est taxé à 5,5 % : quand je fais imprimer un livre, je paie 5,5 % de TVA. Ce taux n'est pas uniforme pour l'imprimerie, puisque si je fais imprimer un livret publicitaire, je paierai 19,6 % de TVA,la pub étant tout sauf nécessaire.

En Belgique, le taux appliqué à la fabrication et à la vente diffère : à la fabrication, il se monte à 21 % ; à la vente, à 6 %. Et ça change tout.

Ainsi, lorsque je fais imprimer 300 gros livres pour 12000 Euros, vais-je payer autour de 2400 Euros de TVA en plus en Belgique. Si je vends ces livres 250 Euros pièce sans intermédiaire, je percevrai environ 20 Euros (c'est schématique) par livre. Pour récupérer mes 2400 Euros de TVA versée, il faudra donc que je vende vite 120 exemplaires sur 300.

En France, en sus des mêmes 12000 Euros, je vais payer un peu plus de 600 Euros de TVA. Si je vends mes livres dans les mêmes conditions 250 Euros, percevant environ 20 Euros pièce, il me suffira de vendre 30 exemplaires pour couvrir la TVA versée à l'imprimeur.

On voit donc que le modèle belge de TVA sur le livre pousse l'éditeur à vendre plus et plus vite, tandis que le modèle français permet à l'éditeur de petites collections de suivre son chemin sans subir le même effet de stock. Il y a cependant d'autres règles qui peuvent entraver cet appétit pour les faibles tirages et l'écoulement lent des stocks, mais ces règles sont remédiables.

Je ne suis pas en mesure de détermner si ce dispositif belge de TVA a un effet sur les coûts de fabrication, un effet à la baisse. En revanche, on peut imaginer que son effet sur les prix hors taxe soit massif, puisque l'éditeur, pour retrouver son degré de risque malgré l'effet très pénalisant de la TVA, aura besoin de frais de fabrication hors taxe moins élevés. Je puis témoigner que le devis hors taxe de mon éditeur français (qui n'est déjà pas cher par rapport à un précédent, de l'ordre de 25 %) est encore 25 % plus élevé que celui de mon imprimeur belge. Évidemment, cette différence est en partie compensée par le surcroît de TVA en Belgique, il se trouve cependant que cette TVA, je dois en faire l'avance, mais qu'elle me sera entièrement remboursée. À l'arrivée, je vais bénéficier à la fois des prix bas suscités par l'organisation belge de la TVA et de la faible pression exercée sur mes activités par le système français de TVA. Comme entrepreneur, je ne peux que m'en réjouir, mais est-ce juste ? Sans doute pas, c'est pourquoi (je suis coincé pour cet exemplaire-ci dont l'économie est maintenant verrouillée) j'ai entrepris de modifier mon organisation de production dès mes prochaines parutions. cela ne siginifiera pas forcément que je ne recourrai pas aux travaux belges, ar cet imprimeur travaille bien, mais que je m'organiserai autrement.

Au passage, je signale que la question de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique continue à être débattue.

15/11/2009

La responsabilité sociale des entreprises.

(Cet article a été repris sur AgoraVox).

Ayant quelques heures à occuper et 9,50 Euros (c'est très cher pour ce que c'est, d'autant plus qu'il y a de la pub) à dépenser, j'ai suivi l'excellent conseil de Quitterie, et j'ai acquis le numéro spécial de la revue Alternatives Économiques consacré à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).

Première observation avant d'en venir au fond : l'amnésie collective dans laquelle on plonge les gens est invraisemblable. À en croire la plupart des publications, même intelligentes, qu'on ouvre, rien n'a existé avant les années 1950 et les États-Unis, tout idée, concept ou réalité, est forcément né aux États-Unis dans les années 1950. Les cinq milliards d'années qui ont précédé n'existent pas, il n'y a eu ni civilisation hellénistique, ni renaissance carolingienne, ni siècle des Lumières, ni doctrine sociale du XIXe siècle, rien. C'est pourquoi, lorsque j'ai lu les premières lignes de l'intro générale de la revue, j'avoue que j'en ai été profondément agacé : la première RSE née aux États-Unis dans les années 1950 n'est rien d'autre que ce qu'on a nommé de ce côté-ci de l'Atlantique le paternalisme bien avant 1950 (on le trouve déjà décrit avec précision par Zola avant 1900) et contre quoi les politiques publiques du Conseil National de la Résistance (CNR) ont été inventées, je suppose qu'on m'accordera qu'il y a une chance que ce qui a été fait par la Résistance intérieure l'ait été avant 1950 et ailleurs qu'aux États-Unis.

En fait, dans ce genre de domaines, parce que les États-Unis découvrent peu à peu que le monde est un peu moins simple et manichéen qu'ils le croyaient, il faudrait que le reste du monde, qui sait tout cela depuis déjà bien longtemps, le découvre en même temps qu'eux. Éloge paradoxal de la sottise et de l'ignorance qui fait florès et encourage le crétinisme militant cher à nos dirigeants. Si ceux qui prônent l'inverse emploient les mêmes moyens qu'eux, ils ne pourront qu'échouer, c'est par l'info, par le savoir, donc par ce qu'on nomme avec un sot mépris la "culture générale" qu'on pourra s'armer contre les entreprises d'aliénation qui recourent à la myopie et à l'amnésie.

Bref, ce mot d'humeur mis de côté, il faut souligner l'utilité du bilan fait par le numéro spécial, qui brosse à gros traits le portrait d'une société très rudimentaire, la nôtre, où les principes du CNR sont non seulement oubliés, mais surtout piétinés.

Je vais me permettre de faire ici quelques observations en complément de ce qu'on pourra lire dans ce numéro.

La responsabilité fiscale des entreprises

Le débat sur la fiscalisation des activités économiques est forcément au centre du débat civique en ce moment, avec la double perspective de la suppression de la Taxe Professionnelle et des élections régionales, sur fond de réforme des collectivités territoriales. N'oublions pas que la vocation première des régions est l'activité économique, leur prédécesseur immédiat en droit administratif, les circonscriptions d'action régionale, était explicitement voué au développement économique, et cette vocation initiale leur perdure. Le rôle respectif des entreprises et des collectivités publiques est donc un débat particulièrement aigu et pertinent en temps de préparation des élections régionales, qui certes ne sont pas l'alpha et l'oméga de notre existence, mais dont il faut bien se préoccuper, puisque nous sommes des citoyens.

Le tableau des impôts sur les sociétés (IS) payés par les groupes du Cac 40, qui figure dans la revue, est édifiant. Sur la période 2006-2008, Peugeot est de loin le meilleur élève, avec près de 60 % d'IS payés, trois autre entreprises sont au-dessus du taux légal (33 %), toutes les autres sont en-deçà, parfois très en-deçà : Renault est à 25 %, le Crédit Agricole, entreprise pourtant très profitable sur cette période, n'est qu'à 19 %, Capgemini à 13 %, Vivendi qui a un résultat avant impôt de plus de 13 milliards d'Euros n'est taxé qu'à 9 %, et Unibail qui "gagne" 2,45 milliards d'Euros ne paie que ... 34 millions d'Euros, à peine plus de 1 % !

Or selon les chiffres que j'ai eu l'occasion de consulter et pour lesquels un lecteur aura peut-être la gentillesse de mettre une source en lien, l'État verse aux mêmes entreprises 60 milliards d'Euros par an, somme supérieure à la totalité du rapport de l'IS (50 milliards en année normale, bien moins en 2009, très mauvais exercice). On voit donc que les grandes entreprises sont dans l'ensemble de très mauvais citoyens.

À cela s'ajoute le fait que ce sont elles qui n'hésitent pas à délocaliser leurs domiciles fiscaux dans les paradis du même nom. En somme, elles prennent, elles prennent beaucoup, et ne rendent rien, elles enrichissent d'invisibles profiteurs masqués derrière des paravents qui se nomment paradisiaques et qu'on verrait plus justement sous le vocable d'infernaux.

En contrepartie, les PME sont les perdantes du système actuel : non seulement il leur est difficile d'échapper à l'IS, mais en plus, elles assument une très grande part de la Taxe Professionnelle, impôt prélevé sur les sociétés au bénéfice des collectivités locales, communes en particulier. C'est elles qui financent à la fois les subventions offertes aux sociétés du Cac 40 et le fonctionnement de nombreuses collectivités locales.

En effaçant la Taxe Professionnelle, on rétablit donc une forme d'égalité en ouvrant des exonérations à de nombreuses entreprises qui n'en avaient pas jusque-là, mais c'est en accélérant la défiscalisation globale des entreprises, qui est un des fléaux de notre temps : comme le note la revue, l'imposition des sociétés, dans la zone Euro, a diminué de plus de moitié en quinze ans, passant de 38 % à 15 %. L'argent, qui a fait tomber le Mur de Berlin, est donc bien le grand vainqueur de la période, au détriment final des citoyens.

Et rien n'est prévu pour les collectivités, qui vont donc devoir se rabattre massivement sur le contribuable : celui-ci va se retrouver à financer les entreprises, le système d'impôt étant désormais dévolu non pas à la péréquation, mais à la reconcentration : pour avoir de l'argent, il faut avoir de l'argent.

Taxer les entreprises et rétablir la sincérité de certaines filières commerciales

Bien entendu, dans ce contexte, l'idée d'une RSE, ou d'une responsabilité environnementale, ou d'une entreprise citoyenne, ou de quoi que ce soit de semblable, n'est qu'une plaisanterie. Il faudra bien trouver un système pour financer les collectivités, et les entreprises devront en prendre conscience, mais à voir l'efficacité très faible des mouvements citoyens qui ont pourtant développé des moyens considérables dans leur lutte contre les pollueurs (le monde va à Copenhague à reculon), j'avoue que je suis très sceptique sur les méthodes d'action qu'ils préfèrent, qui semblent bien moins efficaces que celles de ceux qui, dans le passé, ont permis la création de la Sécurité Sociale, de l'école publique, laïque, gratuite et obligatoire, et d'un certain nombre de services qu'on ose encore appeler publics.

Il en est là comme de ces produits bio qu'on nous vend dans nos enseignes de grande distribution et qui, venant de contrées souvent lointaines, ont un bilan carbone exécrable qui devrait les exclure de l'appellation bio. Et puisqu'un député européen d'Europe Écologie signe l'une des conclusions de la revue en question, j'avoue que je préférerais voir les gens d'Europe Écologie faire comme Quitterie, plutôt que de se présenter aux élections dont on se fout quand même un peu : qu'ils s'occupent donc de responsabilité des entreprises et de bilan carbone des produits bio, qu'ils s'occupent un peu de ça au lieu de se perdre dans les sables mouvants de la stérile politique politicienne.

07/11/2009

Quitterie alone in Babyloan.

Quand on a une rolls, c'est assez criminel de la laisser au garage ou de l'utiliser pour aller acheter du pain, quand on a un trimaran, c'est dommage de le faire caboter au moteur. Voilà ce que m'inspire le fait que Quitterie ait été seulement la modératrice du débat organisé par Babyloan au Jardin d'Acclimatation, à Paris XVIe, cet après-midi. Faire taire une si jolie voix est un crime affreux. Je trouve qu'elle se laisse trop bouffer par des gens qui ne la respectent pas assez.

Quoi qu'il en soit, la table ronde à laquelle j'ai assisté était d'un grand intérêt, un double intérêt : la compréhension par les créateurs de sites de l'esprit collaboratif et bijectif d'Internet, d'une part, et d'autre part, les principes qui doivent inspirer ces créateurs pour que leurs sites soient bien considérés par les internautes.

Un site institutionnel d'une puissante ONG mondiale (la Croix-Rouge) fournit le contre-exemple : on y trouve des info sur l'ONG, sur ses activités, comme dans un magazine, on y trouve aussi de quoi verser un soutien financier, mais rien, aucune fenêtre, qui permette aux internautes de s'approprier une partie du site, de se constituer eux-même en groupe capable d'assumer une partie des tâches revendiquée par l'ONG. Tout est vertical dans le sens ONG en haut - internaute en bas.

Il faut dire que la grande expertise de Quitterie dans ce domaine a permis de disséquer en quelques phrases le défaut de ce site avec ses cinq interlocuteurs.

Deuxième contre-exemple plus discuté : le site Soliland, qui vend des produits de distribution ordinaire, mais verse une partie du montant des ventes à des ONG. L'évidence du blanchiment que constitue ce processus n'empêche pas le représentant de Danone Communities de minimiser ses défauts en considérant qu'un tel site peut être une incitation pour l'économie traditionnelle à se rapprocher de la philosophie d'Internet. Mais comme le même représentant se fait sèchement rabrouer ensuite par une question de la salle qui fustige les pressions exercées par Danone sur les producteurs français de lait (pressions qui permettent par contrecoup de jeter les producteurs de lait des pays pauvres dans la misère), on voit se dessiner assez clairement la ligne de fracture entre deux conceptions du monde. D'ailleurs, le même représentant, à bout d'argument, s'en sort par une pirouette en montrant un produit créé par l'acclimateur d'Internet en France, et en affirmant qu'Internet n'est qu'un outil, alors que Quitterie a déclaré souvent qu'Internet est bien plus : un art de vivre.

Et c'est elle qui a raison.

Les autres sites présentés entrent plus dans le cadre de l'Internet solidaire : MyCoop, du Crédit Coopératif, Adie.org de l'Adie, Peuplade qui vise à remplacer le bon vieux bistrot d'en bas pour structurer les rencontres de quartier, et bien sûr Babyloan.

J'ai déjà eu l'occasion de parler du crédit coopératif, qui est désormais ma banque.

L'Adie est une association qui existe depuis vingt ans et qui vient de passer au support Internet, ce qui lui a permis de toucher une population bien plus nombreuse qu'auparavant. Son métier est le micro-crédit, en particulier pour les auto-entrepreneurs. La mise en réseau des bénéficiaires de ses prêts paraît être l'un des ses prochains horizons dominants.

Bien entendu, le site le plus directement collaboratif, parmi ceux présentés aujourd'hui, est Babyloan. Son métier est également le micro-crédit, mais avec l'originalité de permettre à des gens qui ont 30 Euros devant eux de prêter ces 30 Euros pour quelques mois à une famille d'un pays pauvre, qui s'en servira pour un investissement crucial. Belle idée, il faut le dire.

Je suis en revanche un peu plus réservé sur l'une des conséquences du salutaire principe de transparence qui anime cette structure : un prêteur, se rendant au Cambodge, a voulu avoir l'adresse de la famille à laquelle il avait prêté (on ne dit pas quelle somme, est-ce 100 Euros ?). On la lui a donnée, ce qui était normal. Il est allé voir ces gens, et il a pu envoyer un mail satisfait, puis montrer des photos.

Subitement, en imaginant les bons Français en vacances dans la ferme cambodgienne, me revenait la vision de ces bourgeoises du XIXe siècle qui prenaient un air béat en considérant "leurs" pauvres. Comme le dit le célèbre "Voyage de M. Perrichont", il n'y a rien de plus satisfaisant pour l'égo que de rendre service à autrui. Et je me rappelle que le XXe siècle est celui qui a remplacé toutes ces charités bourgeoises par des institutions sociales. Alors, quand j'entendais, à la fin de la conférence, les réflexions selon lesquelles le charity business d'Internet va se développer considérablement dans les années qui viennent, j'avoue que j'en ai eu un pincement au cœur.

Car le pays où le charity business est roi, les États-Unis, est aussi celui où l'espérance de vie baisse depuis plusieurs années, où des millions de citoyens ne disposent d'aucune couverture sociale, et où les institutions supposées caritatives sont parmi les adversaires les plus résolus du projet de sécurité sociale poussé par Barack Obama. J'avoue donc que je préférerais que ce business ne se développe pas, mais qu'au contraire, nous ayons, conservions et inventions des institutions sociales dignes de ce nom.

L'avenir d'Internet n'est pas sans risque, et nous devons garder en tête un repère essentiel : l'éthique.

28/10/2009

Frais bancaires : tant va l'autruche à l'eau...

La bataille fait rage pour la présidence du conseil européen : l'étoile de Tony Blair pâlit quand celle de Jean-Claude Juncker s'allume. Bien sûr, voir écarter l'un des coupables de la faute irakienne (Blair) ne peut pas ne pas nous réjouir, mais tout de même, constatons-le : les deux impétrants sont des émanations du même lobby : celui de la banque. Voir Juncker monter en puissance alors même que la vraie affaire Clearstream a donné lieu à un procès dont le vrai sujet Clearstream était absent a quelque chose d'ironique. Franchement, un troisième larron ne serait pas mal venu.

Car sur les banques, la nausée de cesse de monter.

Un article de Sylvain Lapoix (j'en profite pour rectifier mea culpa une source précédente où j'ai attribué au site Marianne2.fr ce qui était l'article d'un blogueur associé de ce site, Laurent Pinsolle, fustigeant les conditions usuraires d'une nouvelle carte bancaire) détaille les méfaits de Dexia en particulier et de groupes bancaires en général, qui ont multiplié les toxicités à tous les échelons de leurs relations financières avec les collectivités locales. Certaines s'en sortent grâce au piston. D'autres, n'en doutons pas, plongeront. Écœurant.

Enfin, le numéro du "Canard Enchaîné" d'aujourd'hui indique la réponse des banquiers aux accusations d'usure qu'ils subissent : les frais d'incident de compte ne sont pas des majorations d'agios, mais correspondent à la rémunération d'un travail réel : celui de déterminer au cas par cas s'il faut ou non rejeter la dépense faite par carte.

Il fallait y penser.

Voyons donc les chiffres et mettons que la jeune femme en charge de mon compte dans cette banque dont je n'ai plus envie d'écrire le nom mais qui a motivé mes notes précédentes, mettons donc qu'elle gagne 3000 Euros par mois, disons pour 150 heures par mois, soit environ 20 Euros de l'heure. Eh bien, en me prélevant 23 Euros par jour en septembre, cette jeune femme (quelle fascination !) a consacré une heure entière de son temps de travail, chaque jour, rien que pour évaluer s'il fallait ou non rejeter ma carte bancaire pour une dépense de 5,90 Euros ou (quelle folie !) de 11,60 Euros. Allons, ce n'est pas sérieux.

Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit la cour de Cassation en février 2008. Je cite :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'épargne et de prévoyance des pays de la Loire (la banque) a accordé à M. X..., titulaire d'un compte de dépôt, une autorisation de découvert à concurrence d'un certain montant ; que M. X..., assigné en paiement du solde débiteur de son compte, a demandé reconventionnellement le remboursement des "frais de forçage" prélevés sur son compte à l'occasion de chaque opération effectuée au delà du découvert autorisé, au moyen de la carte bancaire dont il était titulaire et, à titre subsidiaire, a fait valoir qu'ils auraient dû être inclus dans le calcul du taux effectif global (TEG) ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt, après avoir énoncé que sont exclus de l'assiette du TEG les frais divers qui n'ont pas la nature d'un complément d'intérêts déguisés et qui couvrent des frais d'enregistrement comptable des opérations qui rémunèrent un service, retient que ces "frais de forçage", qui sont exigibles lors de chaque incident, sont distincts de l'opération de crédit proprement dite que constitue le découvert, et qu'ils constituent la rémunération d'un service offert par la banque pour permettre d'honorer une transaction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rémunération d'une telle prestation n'est pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés"

Pour ceux qui ne maîtrisent pas le jargon juridique, disons que le client d'une banque a demandé le remboursement des "frais de forçage" (les 23 Euros pas jour dont j'ai parlé plus haut), que la cour d'appel lui a refusé ce remboursement en considérant que les frais de forçage sont distincts de l'opération de prêt que constitue le découvert en compte bancaire, et que la cour de Cassation a cassé la décision de la cour d'appel en stipulant explicitement que les frais de forçages et autres frais liés doivent faire partie du Taux Effectif Global (TEG) qui est celui qu'il faut examiner pour déterminer s'il y a ou non usure et donc obligation de remboursement (voire de sanction pénale).

Disons donc que, face à la décision de la cour de Cassation, les banques ont choisi la politique de l'autruche. Et que les pouvoirs publics ne se pressent pas de tuer l'autruche aux œufs d'or.

Pourtant, l'obstination des banques françaises est plusieurs fois contreproductive. Outre qu'elle tue à petit feu la poule aux œufs d'or que sont les clients, elle expose nos banques à l'agacement de leurs concurrentes européennes, ce qui ne serait rien, et surtout à l'accusation de concurrence déloyale, car en laissant les banques se vautrer dans les pratiques abusives, les autorités françaises leur accordent un net avantage commercial indirect, qui finira bien par être condamné à l'échelon européen, ce qui vaudra alors condamnation lourde aussi bien de l'État français que des banques, qui subiront de très lourdes amendes.

Mais je le répète : sans attendre que nos élites daignent s'intéresser à nous, chacun a lapossibilité de contribuer à son niveau à la justice, d'une part bien sûr en changeant de banque, et d'autre part en réclamant les "frais de forçage" à son banquier, dès lors que, joints aux agios, leur total dépasse le seuil de l'usure. N'attendons pas.

25/10/2009

Calculez vos agios et faites sauter la banque.

Dans mes deux articles précédents, je relatais comment ma banque, qui est pourtant supposée mutualiste, m'avait imposé des pénalités de dépassement de découvert en compte qui amenaient les intérêts perçus pour ces découverts jusqu'à plusieurs dizaines de fois le taux de l'usure, et j'évoquais une communication importante du magazine 60 sur ce sujet, réclamant la prise en compte d'une décision de la cour de Cassation de février 2008 qui indique que l'ensemble des frais relatifs aux découverts en compte doit être inclus dans ce qu'on nomme (depuis une directive européenne) le taux effectif global (TEG) du prêt personnel que constitue le découvert en compte courant.

Le groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, à l'instigation de Didier Migaud (président de la commission des finances de l'Assemblée), a d'ailleurs tenté de faire passer une taxe sur le bénéfice des banques cette semaine, et l'on a vu deux députés de droite voter pour leur amendement, mais on a maintenant l'habitude de ces pseudo-coups de théâtre parlementaires destinés à noyer le poisson et à faire croire que les députés s'agitent vraiment pour notre intérêt. Voici comment chacun de nous peut, sans attendre les politiques, à son niveau, ramener les banques à la justice, et même peut-être, faire sauter la banque.

Le taux de l'usure, une protection du faible contestée, et donc contournée

Lorsqu'une personne prête de l'argent à une autre, elle peut pratiquer ce qu'on nomme un taux d'intérêt, qui est une majoration de la somme qu'on devra lui rendre, majoration en général proportionnelle au temps qui s'écoulera jusqu'au remboursement du prêt (il existe aussi des taux d'intérêt fixés d'avance et forfaitaires). La chose ne va d'ailleurs pas d'elle-même : au Moyen Âge, en Europe, le prêt à intérêt est interdit et il se crée des méthodes extrêmement complexes qui ont permis de contourner peu à peu cette interdiction. Dans le monde musulman, l'interdiction donne une raison d'être aux communautés juives, à qui l'interdiction ne s'applique pas.

Avec les siècles, cependant, les taux d'intérêt s'imposent en Europe, et le Code Napoléon, en 1804, n'a pas d'état d'âme à instituer un principe de "dommages et intérêts" qui les rend naturels, consubstantiels à toute somme due.

Et partout en Europe, selon des modalités diverses, l'emprunteur est protégé contre les abus du prêteur, soit qu'un taux de l'usure réglementaire soit fixé par une insitution publique, soit que la justice ait le pouvoir de corriger les excès. Le taux de l'usure est celui  à partir duquel on considère que le taux d'intérêt imposé à l'emprunteur est abusif, c'est une disposition qui entre dans le cadre des principes de protection du faible contre l'abus de position dominante du fort, protection du faible contre les pratiques léonines. En France, c'est la Banque de France qui fixe le taux de l'usure, une fois par trimestre, selon des modalités assez complexes.

Ce dispositif réglementaire est d'ailleurs contesté : pour les uns, il est trop complexe et ne protège pas assez les consommateurs. Pour les autres (les banquiers), c'est un gêneur d'emprunter en rond, il bride la croissance, et doit donc être écarté, il a d'ailleurs été supprimé pour les entreprises sans dommage apparent. Et un organisme privé (l'Adie) spécialisé dans le microcrédit fait valoir que dans son domaine d'activité, le seuil de l'usure est un frein considérable, car il rend les prêts trop peu rentables pour le prêteur. C'est ainsi que, sous couvert des meilleures intentions, on risque de mettre en péril un dispositif de protection du faible, un de plus. Car si l'on laisse le marché s'autoréguler sous le contrôle du juge, on oublie que les faibles et fauchés sont aussi ceux qui ont le moins de faculté de s'adresser à la justice pour se faire rembourser des sommes, peu élevées en elles-mêmes, mais qui mettent en danger leur solvabilité personnelle.

Réagir aux abus

Comme beaucoup l'ont noté, l'un des paradoxes de la crise financière récente, c'est qu'alors que les banques se financent à des taux extrêmement avantageux, le taux d'intérêt des prêts aux particuliers, lui, a eu plutôt tendance à augmenter, les banques consument la chandelle par les deux bouts, en somme.

Et on prend conscience que les taux d'intérêt ne sont pas eux-mêmes la seule définition possible du coût réel d'un prêt : une directive européenne de février 2008 a défini le Taux Effectif Global (TEG) et aussitôt, la cour de Cassation, dans un arrêt du 5 février 2008, a décidé que l'ensemble des frais relatifs aux découverts en compte devait être intégré au TEG, ce qui justifie l'intervention récente de l'organisation 60 que j'ai déjà citée. Dans une certaine mesure, l'intiative des socialistes (pour taxer les profits des banques) peut d'ailleurs être considérée comme une diversion destinée à étouffer le vrai scandale que constitue le niveau extravagant des frais pratiqués par les banquiers. (EDIT : Je vois d'ailleurs un article de Marianne2.fr sur un sujet très proche).

Il appartient donc à chacun d'entre nous de réagir à son niveau, avec ses propres moyens. Voici comment.

Le taux de l'usure est en général entre 20 et 25 % pour les découverts en compte courant des particuliers. Calculez votre niveau moyen de découvert. Faites-le, d'abord, "à la louche" sur le dernier trimestre. Si vous avez une autorisation de découvert de 500 Euros, voyez si vous dépassez souvent le seuil des 1000 Euros, et sinon, estimez que votre découvert moyen sera plus ou moins proche de son autorisation. Rappelons que les pénalités s'appliquent à la fois pour un dépassement du seuil et si vous n'avez pas ramené votre compte à l'équilibre au moins une fois dans le mois (selon le régime général, il existe des conventions de découvert qui créent des régimes particuliers, en principe favorables à l'emprunteur).

Mettons que vous ayez 700 ou 800 Euros de découvert moyen. Le taux de l'usure, sur un trimestre, sera d'un quart (un trimestre est le quart d'une année) de 20 %, soit 5 %. 5 % de 700 Euros font 35 Euros. Recensez ensuite l'ensemble des frais afférents à votre découvert : incidents de compte, lettres de rappel, pénalités, et bien sûr les agios. Si leur total dépasse les 40 Euros, vous avez une chance raisonnable de pouvoir considérer que votre banque pratique un TEG supérieur au taux de l'usure. Et vous pouvez réclamer le remboursement de ce qu'elle a trop perçu.

Comme le souligne l'un des articles que j'ai mis en lien, la banque peut même être condamnée à une amende de 45 000 Euros si ses taux sont particulièrement abusifs. La mienne, celle que je quitte (le Crédit Agricole) avec un taux de plusleurs dizaines de fois celui de l'usure, mériterait certainement cette condamnation.

Et maintenant, si vous voyez que les surfacturations sont consistantes cette année, faites le calcul pour les deux précédentes, car vous pouvez en principe réclamer sur les trois dernières années. Imaginez que dix millions de particuliers réclament chacun 100 Euros par an (ce qui n'est pas beaucoup : une dizaine ou une quinzaine d'incidents de compte par an), cela fait un milliard par an, trois milliards en trois ans. Imaginez que les mêmes 10 millions réclament 300 Euros pas an, ce sont 9 milliards pour les trois dernières années... Imaginez aussi que 22 000 comptes aient subi des excès pénalement répréhensibles (là encore, le chiffre est faible), ce sont encore 3 milliards, un par an. Or le Crédit Agricole a des centaines de milliers de comptes en portefeuille. Imaginez des centaines de milliers d'abus, la banque saute. Vous pleurerez ?

En tout cas, vous aurez pu récupérer votre argent, ce qui sera une façon de relancer la croissance mille fois plus saine que de laisser la bride sur le cou des banquiers dont chacun connaît désormais la profonde irresponsabilité.

07/09/2009

Compenser la taxe carbone.

L'émission de CO2 (gaz carbonique, donc carbone) est considérée comme la principale cause du réchauffement climatique constaté depuis quarante ans, qui menace l'avenir de notre planète et de l'espèce humaine. Contre ces émissions de CO2, on a imaginé un mécanisme simple : la taxe carbone.

La taxe carbone est un impôt qui pèse sur la production et la commercialisation en fonction de la quantité de carbone consommée pour produire et acheminer un bien de consommation.

La taxe carbone se doit d'être une mesure universelle. D'Arkhangelsk à Vancouver et de Reykjavik en Patagonie. Sans cette universalité, elle échouera. Elle doit porter sur la totalité des productions et indirectement seulement sur la consommation. Son objectif ne peut être de punir les gens, mais d'améliorer la production et les filières de distribution pour réduire la consommation mondiale de carbone, et endiguer le réchauffement climatique dont les inconvénients sont effrayants.

Si la taxe carbone vise à changer le mode de vie des gens en exigeant d'eux un effort moral, elle échouera. Si elle agit sans les impliquer, elle réussira. Il faut savoir ce que l'on veut. L'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique est telle que ceux qui, par jusqu'auboutisme, exigeront que la taxe carbone pèse directement sur l'existence courante seront contreproductifs, donc criminels.

Une taxe massive ?

Sarkozy, dans son discours du trône du congrès, a annoncé une taxe carbone massive. On suppose que c'est la position de la France dans les négociations internationales qui ont débuté. On en a déduit immédiatement la répercussion sur la consommation d'essence à la pompe en France. Bien entendu, quoique l'augmentation soit faible (de l'ordre de quelques centimes), l'essence est une telle contingence pour les gens qui vivent en grande banlieue ou à la campagne, et son prix est déjà si lourd dans le budget des ménages, que la réaction est très vive, ce qui a amené Mme Royal, et le PS après elle, à critiquer la taxe carbone.

La part tactique de cette critique n'est pas mince : en renvoyant les Verts à l'alliance à droite (la droite soutient la taxe carbone), le PS les met en porte-à-faux avec leur électorat qui, dans sa grande majorité, déteste la droite en général, et le sarkozysme en particulier. On voit que le PS n'est pas décidé à partager le gâteau régional et que les écolo auront à choisir entre leurs ambitions personnelles et les principes pour lesquels ils se battent.

Mais ces événements sont épiphénoménaux par rapport aux enjeux réels, car contre le réchauffement climatique, nous en sommes au compte-à-rebours.

Tout taxer

Si l'on veut réduire massivement les émissions de carbone, il faut évaluer au prix fort les émissions de carbone : dans le produit, dans la filière de production, dans le mode d'acheminement. Cette évaluation va poser des problèmes d'expertise, on peut s'attendre à de longs débats soigneusement entretenus par l'argent de ceux qui profitent de l'émission de carbone, en particulier les pétroliers. La sagesse voudrait en fait que ceux-ci soient nationalisés pour ne pas peser dans la discussion, mais il ne faut pas rêver.

Heureusement, de nombreux spécialistes, en particulier le GIEC, ont déjà copieusement réfléchi sur tout ça, et le mieux serait que l'agence mondiale à créer soit l'émanation du GIEC, pour gagner du temps.

Ce qui sera assez vite décevant, c'est que, même en cas de prise en compte ambitieuse de la consommation de carbone dans le prix du produit, on risque de se trouver comme devant ce qui a été annoncé pour le prix de l'essence à la pompe en France : une augmentation faible, vécue comme une augmentation de plus, une punition de plus.

Or l'expérience des cigarettes, dont la consommation n'a été drastiquement réduite que par une augmentation des prix réellement massive, prouve qu'il faut que l'effet de prix soit spectaculaire pour agir. Et encore, s'agissant de l'essence, car dans une grande partie du territoire français, il n'y a pas d'alternative à la voiture, et pas d'encouragement aux véhicules propres. Les dernières augmentations de prix se sont heurtées à une masse incompressible de consommation d'essence : il faut prendre sa voiture pour aller travailler, et pour faire ses courses le week-end, voire pour se distraire.

Les gens n'ont qu'à pratiquer le covoiturage, me direz-vous. Seulement voilà : ce faisant, on les force au collectivisme, et c'est ce que je disais sur le risque d'échec qu'entraînerait une vision idéologisante de la taxe carbone.

Car enfin, les gens savent bien que leur consommation d'essence n'est qu'une faible partie de la consommation générale de carbone, tandis que la production industrielle est une consommatrice massive de carbone. De leur point de vue, dans la sagesse populaire, s'en prendre aux gens plutôt qu'aux industriels, c'est s'attaquer aux faibles plutôt qu'aux puissants, c'est ajouter l'injustice à l'injustice déjà existante.

Compenser la taxe carbone

Puisqu'il faut une augmentation sensible des prix au détail, on a imaginé que le produit de la taxe soit reversé aux gens sous forme d'un chèque. C'est stupide. Avec ce chèque, ils vont acheter de l'essence...

Ce qu'il faut, pour atteindre pleinement l'objectif de la taxe carbone, c'est agir sur les deux tableaux et compenser en baisse comme on compense en hausse. Autrement dit : non seulement augmenter le prix des produits fortement carbonés, mais diminuer le prix des produits faiblement carbonés. Jouer à double effet de levier.

Donc réduire massivement la TVA sur les véhicules électriques, la réduire partiellement sur les véhicules mixtes, détaxer les productions de légumes bio et taxer les autres, etc. De cette façon, et de cette façon seulement, l'effet de prix sera massif, donc l'effet de consommation, donc l'effet climatique. Et de surcroît, on pourra expliquer aux gens : "C'est vrai, les prix de ces produits augmentent, mais c'est qu'ils sont mauvais, tandis que le prix des bons produits, lui, baisse". Si le prix du bio à la consommation est inférieur au prix ordinaire, les gens ne consommeront plus que du bio.

Restera alors au bio à respecter ses propres principes. Je dis ça, parce que je suis effrayé de voir la multiplication des produits dits bio dans les garndes surfaces et sous les enseignes de hard discount, dont les méthodes de production et de commercialisation sont aux antipodes de l'éthique.

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25/08/2009

1,9 million de milliards de dollars : la bataille de l'argent.

Oh, ne croyez pas que je sois en train de vanter les résultats financiers de la vente de mes livres, hélas, je n'en suis pas là... 1 900 000 milliards de dollars, c'est, selon le numéro spécial été du "Canard Enchaîné", la masse financière accumulée dans les paradis fiscaux pour alimenter la spéculation mondiale.

1,9 million de milliards de dollars, plus d'un million de milliards d'Euros... trente fois le PIB mondial, le PIB d'une génération entière, trente ans de PIB. 300 000 dollars par être humain, tous âges et nationalités confondus. La détention de monnaie signifiant une créance sur l'émetteur de la monnaie, cela signifie que chaque être humain doit en principe 300 000 Euros à ceux qui contrôlent ces fonds spéculatifs. Une famille de huit enfants qui vit avec 30 dollars par semaine a ainsi une dette théorique de 3 millions de dollars envers des gens qui se dorent la pilule aux Bahamas. Un cauchemar.

Face à cette somme astronomique et purement théorique, on comprend que les 10 000 milliards de dollars de casse dus à la crise des subprimes, qui hier encore nous faisaient pâlir, soient devenus dérisoires, anecdotiques, et que même les 28 000 milliards de dollars de capitalisation boursière effacés par la tornade financière de l'automne 2008 ne soient plus l'abîme insurpassable capable d'engloutir les finances du monde. 10 000 milliards de dollars, c'est 2 % de la capitalisation accumulée dans les paradis fiscaux. 28 000 $, 3 %. Une paille, un brin d'herbe dans la prairie des billets verts.

Pour une super-taxe Tobin

Accessoirement, si l'on analyse que l'endettement public mondial se monte à une année de PIB, eh bien, il suffit de taxer les capitaux des paradis fiscaux à hauteur de 3 %, et l'endettement public mondial aura disparu d'un coup, libérant des sommes considérables pour la santé, pour l'éducation... et pour les réductions d'impôts et autres charges sociales de l'économie réelle.

Alors, on s'y met quand ?

Et au-delà même, j'ai été frappé par la subite apparition de l'OMS cette année comme premier réelle agence fédérale mondiale, oui, la mondialisation appelle des formes gouvernement mondial, et on en tient une : l'OMS.

Bon, on peut s'interroger sur l'empressement de cette organisation à dramatiser une maladie, la grippe A H1N1, considérée comme plutôt bénigne pour sa catégorie, et dont la statistique mortelle est infinitésimale, on peut se demander aussi s'il n'y a pas un lobbying efficace de la part des fabricants de tamiflu et autres vaccins plus ou moins futurs, mais la réalité est là : si demain une épidémie réelle se déclarait avec tous ses dangers, les relais existent, les protocoles sont en place. J'ai eu l'occasion d'aller à l'hôpital cet été, et j'y ai vu les masques à l'entrée destinés aux précautions éventuelles. C'est une étape étonnante, spectaculaire.

Gageons que nous allons voir ces agences se multiplier et quadriller peu à peu notre espace vital, en bien comme en moins bien. Comme elles sont la conséquence inévitable de la mondialisation, on se félicitera des aspects positifs de cette évolution, et on tentera d'améliorer les autres.

Heu, sauf que... parmi les agences mondiales déjà connues, il y en a une, l'OMC, dont on connaît le principal défaut : elle est contrôlée par la puissance dominante, les États-Unis, comme d'ailleurs la Banque mondiale et le FMI. Contrôlée, car financée. Alors, il faudra innover et détacher les agences mondiales des états en coupant le cordon omblical.

À agences mondiales, il faudra un financement mondial. Et pourquoi ne pas créer la fameuse taxe Tobin, mais en l'étendant au financement des organisations étatiques mondiales ? Taxer les flux de capitaux est désormais une évidence éthique pour tout le monde, cela ne peut se faire qu'à l'échelle mondiale, et cela doit avoir un but mondial. Financer le gouvernement du monde par une taxe mondiale me paraît de bonne gestion.

Ensuite, il faudra songer à la coordination des agences mondiales.

L'échec du modèle américain, la solidité du modèle européen

Il y a deux façons d'envisager l'avenir du monde : la première, c'est un aréopage dominé par la puissance dominante (les États-Unis pour le moment), et cela s'appelle le G 20. La deuxième, c'est une construction d'égaux inspirée du modèle communautaire européen, comme les communautés européennes ont été regroupées en Union européenne après l'existence de traités et d'entités séparées.

J'ai été très frappé par la révélation des effrayants archaïsmes de la société politique américaine. On l'avait vu en 2000 avec la pathétique séance de recompte des cartons perforés en Floride, on s'aperçoit que ce n'est pas seulement le mode de scrutin, mais le squelette même de la société américaine, qui est à la fois vétuste et sclérosé, et encore plus vétuste que sclérosé.

J'ai lu quelque part des chiffres édifiants : les États-Unis consacrent 18 % de leur PIB à soigner leurs habitants, mais 15 % desdits habitants ne sont pas couverts et l'espérance de vie ne cesse de baisser aux États-Unis ; la France et l'Allemagne consacrent 12 % (un tiers de moins) de leur PIB à soigner leurs habitants, tout le monde est couvert, et l'espérance de vie continue à augmenter. La France est même (selon la CIA...) le troisième pays où l'espérance de vie est la plus longue, après le Japon et... Saint-Marin.

Cherchez l'erreur.

Y a-t-il preuve plus éclatante de la profonde inefficacité du modèle américain qui, outre son injustice honteuse, démontre sa contreproductivité manifeste ?

Bien sûr, c'est l'occasion pour nous de nous féliciter d'avoir si fort soutenu Barack Obama lors de la dernière présidentielle américaine. Nous avions raison, c'est évident, et s'il fallait faire quelque chose pour l'espèce humaine ces temps-ci, ce serait aller aux États-Unis soutenir Obama pour qu'il fasse passer son système de sécurité sociale qui a fait atteindre le point Godwin à la vitesse supersonique à une quantité invraisemblable de crétins dont l'Amérique a le tragique secret.

Alors évidemment, s'il faut choisir entre l'option G 20 et l'option Bruxelles, je choisis Bruxelles, sans illusions d'ailleurs sur les améliorations que le système européen réclame, notamment en matière de subsidiarité, de démocratie, et d'impartialité, mais avec la conviction que la régulation à l'Européenne (orchestrée, il faut le souligner, par les deux grands présidents de la commission qu'ont été Jacques Delors et Romano Prodi) est le modèle que le gouvernement mondial devra convoiter et approfondir s'il veut être efficace.

Je vais en trouver la démonstration dans le cinéma.

La Californie en plein naufrage

On avait vu, voici quelques années, la compagnie d'éléctricité californienne en pleine banqueroute. Terminator a terminé le travail en mettant l'état de Californie sur le flanc. On voyait aussi les techniciens du cinéma se plaindre des délocalisations croissantes des tournages qui, les un après les autres, fuyaient Hollywood, qui pour l'Australie, qui pour Seattle ou Vancouver, comme les 4 Fantastiques par exemple. Or je suis allé plusieurs fois au cinéma ces derniers jours. C'est significatif.

Aujourd'hui, j'ai vu le film autobiographique (ou d'autofiction) "le temps qu'il reste" du cinéaste palestinien Elia Suleiman, ou comment dire des choses graves sur un ton léger. Mais ce n'est pas mon propos.

Auparavant, j'ai vu plusieurs films présentés comme américains et... tournés en Europe : "Inglorious basterds" de Tarantino (une BD dont le propos serait risible sans l'intention délibérément décalée, et qui a la particularité de cartonner aux USA alors qu'on y parle surtout le français et l'allemand), tourné aux studios de Babelsberg à Berlin, "une arnaque presque parfaite" tourné en Serbie-Montenegro, en Tchéquie, en Roumanie, et "G.I. Joe" tourné à Prague et à Paris. Voici donc où les producteurs américains trouvent des liquidités alors que leur système bancaire fond à la même vitesse que la banquise des pôles : en Europe.

Oh, ce n'est pas que tout soit parfait en Europe : l'État britannique a dû injecter 44 % de son PIB d'une année pour sauver ses banques, la France en est, paraît-il, à 26 % d'aides directes et indirectes. Mais tout de même, la régulation existe.

Rappelons que le déficit budgétaire américain s'élève à bien plus de 10 % du PIB annuel. Rappelons aussi que ce qui, dans les années 1980, a coûté tant d'influence et de position à la France en Europe et dans le monde, c'était le différentiel de déficit et d'inflation par rapport à nos principaux alliés et voisins. L'Amérique peut croire qu'elle rebondira et effacera les abimes qu'elle creuse, ce n'est pas vrai : son déficit budgétaire kilométrique traduit implacablement la diminution de son influence. Les USA produisaient plus de la moitié du PIB mondial vers 1950. Ils sont autour de 20 %. Et par manque de rigueur, ils laissent filer ce qui leur reste. La croissance induite par ces déficits publics leur est si inférieure que ce sont près de 10 points de PIB que les déficits publics coûtent chaque année au pays...

La bataille de l'argent ne fait que commencer

Qu'on ne s'y trompe pas : la bataille pour sauver l'État américain de la faillite, nous la connaîtrons aussi en Europe et bien des structures étatiques vont succomber à la guerre financière qui s'annonce.

Les crapauds juchés sur leur million de milliards dans les paradis fiscaux, puisqu'ils ont de l'argent, veulent que cet argent ait un sens, qu'il leur permette de se soigner quand le péquin moyen crève dans la fièvre, qu'il leur permette de se loger, de se nourrir, avec un éclat qui traduise concrètement ce qu'avoir de l'argent signifie. En somme, ils vont continuer à dépenser des millions pour déclarer que l'État, c'est mal, qu'il faut démanteler les protections publiques qui sont aussi inefficaces qu'immorales. C'est bien ce que nous avons clairement lu et constaté dans le programme de la majorité française actuelle, cette volonté d'inégalité.

On nous dit dans la bonne presse que le prochain objet de la voracité des prédateurs du million de milliards, ce seront les endettements publics, les structures étatiques elles-mêmes. Certaines vont donc craquer, d'autres résisteront si leurs dirigeants agissent pour l'intérêt commun, pour le bien public, et non pour la sauvegarde des banquiers et autres gens de Neuilly (même ceux de "Neuilly sa mère" qui m'a fait rire).

Face à cette offensive qui s'annonce, nous pouvons bien entendu contribuer à l'émergence d'une solution politique, même si nous savons qu'il n'y aura pas d'Obama français.

Nous pouvons aussi nous engager avec les moyens qui seront les nôtres, à notre niveau, en consommant mieux, en vivant mieux, en utilisant notre marge de manoeuvre pour favoriser les producteurs et les marchands qui sont les moins liés à la logique des prédateurs des paradis fiscaux.

Rien n'est encore prévisible en matière politique, mais dans ce domaine au moins, il n'est besoin d'attendre le signe de personne pour agir, nous pouvons le faire sans délai, merci de nous l'avoir rappelé, merci Quitterie.

23/06/2009

Versailles : la solution de la crise, c'est travailler plus pour gagner plus.

Le retour du chef de l'État à Versailles devant les représentants de la Nation, pour la première fois depuis 1789, a été assez commenté pour n'y pas revenir. Lors de la dernière élection présidentielle, nous dénoncions les travers antirépublicains de son programme. Il a beau conclure par "Vive la répubique", personne n'est dupe, mais là n'est pas l'essentiel.

Il faut en effet se souvenir de la leçon de Bill Clinton : "Ca se joue sur l'économie". C'est la tornade financière qui a définitivement disloqué la campagne de McCain lors de la dernière présidentielle américaine, et ce sont les profondes lacunes du programme socialiste en matière économique qui ont permis l'élection de Sarkozy en 2007 malgré les relents nauséabonds de son programme.

Or Sarkozy est justement venu parler d'économie, devant les élus du peuple.

Pour l'essentiel, son discours n'est que la justification de la politique qu'il mène depuis deux ans, et la promesse d'une nouvelle augmentation des déficits publics, avec une persévérante "modernisation" du modèle français ("La crise a remis le modèle français à la mode, mais..."), et une incohérence assez profonde entre d'un côté une idée strictement productiviste ("réindustrialiser la France", libérer la croissance, améliorer la productivité par la recherche et par la mobilisation des "ressources humaines" - va falloir bosser, mais avec quels emplois ?) et la création d'une taxe carbone qu'il annonce massive (hum, on verra). On pourrait d'ailleurs noter d'autres incohérences, notamment sur la question de l'Internet, secteur innovant s'il en est, dont la volonté de "régulation" ne peut pas être interprétée comme une libération des énergies (sur la "question du droit d'auteur", "j'irai jusqu'au bout").

Le distinguo qu'il fait entre "bon" et "mauvais" déficits (celui des dépenses courantes et celui de l'investissement) pourrait être pertinent si la situation actuelle n'était pas déjà désastreuse dans tous les domaines.

L'emprunt qu'il a annoncé est un cadeau fait à ses électeurs, ceux qui ont de l'argent et qui pourront souscrire à cet emprunt dont les conditions seront certainement plus avantageuses pour eux que pour l'État. Ces petits cadeaux-là entretiennent l'amitié. On a entendu les journalistes glousser d'admiration en notant que, naturellement, le succès de l'emprunt aurait valeur de référendum. Mais on sait bien que l'argent aime Sarkozy, pas besoin d'un référendum sur ce point. Et d'ailleurs, si par extraordinaire les Français boudaient cet emprunt, il se trouverait toujours un émir pour le boucler, ce qui permettrait de s'émerveiller sur le soutien populaire du président.

Quant à l'innovation qui en résultera, hum, on verra. La vraie façon d'encourager la recherche, c'est de consommer du produit de haute technologie, pas d'engloutir des fortunes dans des laboratoires, il devrait le savoir. Quant à l'amélioration des structures publiques de recherche et de leur articulation avec le développement industriel, tout cela est en contradiction avec les intérêts économiques qui sous-tendent l'action de la majorité depuis deux ans, et qui ont largement désamorcé le grenelle de l'environnement.

En somme, toujours la même dissociation entre les mots et les actes :

Mettre l'économie au service de l'homme. Respecter la nature. Réguler la mondialisation et les marchés. "Le modèle français a de nouveau sa chance". Révolution écologique, révolution numérique. "la part trop belle au capital financier", "spéculation effrénée", référence au CNR et à 1945.

Et toujours les mêmes remises en cause des principes républicains les plus fondamentaux :

"Où en sommes-nous avec le principe de l'égalité ?" La république, ce n'est pas l'égalitarisme, etc.

"Où en sommes-nous avec la laïcité ?" "Je ne vais pas reparler de laïcité positive, mais..." Question au passage de la burqa, qui "n'est pas un problme religieux", mais de "dignité de la femme", ce qui est vrai.

En somme, incohérences flagrantes, double langage obérant la transparence du discours, clivage des gens les uns contre les autres au mépris de leur interdépendance, ce discours a dû faire froncer les sourcils de Quitterie Delmas.

10:57 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, économie, sarkozy, congrès, versailles | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

16/04/2009

"Let's make money !" ou l'organisation perverse de l'argent mondial.

Du flouze, de l'artiche, de l'oseille, de l'osier, des picaillons, des sous, de la fraîche, du pognon, de la monnaie, du pèse, c'est fou ce qu'il existe de noms pour désigner l'argent en français... Le film "let's make money" s'adresse à ceux à qui leur banquier a déclaré, d'un air gourmand : "il faut que votre argent travaille".

Ah oui ? il faut qu'il travaille ?

Le film montre des systèmes de prédation et de captation de l'argent produit pas les pays pauvres, au profit des spéculateurs (et des fonds de pension) des pays développés, mais ce n'est pas sa partie la plus fouillée. En revanche, l'explication d'un ministre du Burkina Faso est beaucoup plus explicite : son pays cultive énormément (trop pour la terre, apparemment) de coton. Ce coton, cueilli et nettoyé par la main, est de grande qualité. Mais il n'est pas compétitif, en raison des subventions des États-Unis à leurs propres producteurs, il est donc vendu à bas prix sur le marché international. Donc le Burkina a besoin de prêts des organisations internationales pour subsister. Autrement dit, alors que si les subventions américaines étaient supprimées, le pays "gagnerait" environ 80 milliards de Francs CFA (je pense que c'est environ 120 millions d'Euros), il en emprunte 20 milliards par an, qui viennent grossir sa dette. Le système est destiné à l'affaiblissement et à l'asservissement des pays pauvres. Let's make money ? Mais gardons surtout le pouvoir.

On voit aussi l'extravagante bulle immobilière espagnole, des projets immobiliers pharaoniques destinés seulement à lever des fonds sur les marchés financiers, et qui laissent des montagnes de béton vide.

On voit un personnage qui se présente lui-même comme un "chacal" et c'est tellement énorme qu'on hésite à croire que ce soit un vrai. Ce qu'il dit est l'exposé très exact de la théorie du complot, sauf que c'est un acteur direct et cynique qui l'expose, et on se dit que c'est tellement énorme, vraiment, que ce ne peut être un vrai. De ce fait, le film prend une autre dimension, et on se demande si ce n'est pas une fiction plutôt qu'on reportage à la manière de "Nous resterons sur terre".

Et ça se termine sur les paradis fiscaux, îles anglo-normandes en tête.

On comprend bien que le système aboutit à concentrer toujours plus les richesses mondiales.

On comprend aussi qu'il y a des gens en embuscade, ceux qui ont des liquidités en réserve, et qui, en prédateurs, attendent le moment où les États auront épongé les dettes des grands groupes industriels et financiers mondiaux, et où les actions de ces groupes seront encore à un cours bas, pour les racheter massivement et faire une culbute monstrueuse... Y parviendront-ils ? Espérons que non.

En tout cas, je suis content d'avoir ouvert le nouveau compte de ma société au Crédit Coopératif, une banque qui n'est pas cotée en bourse, qui d'ailleurs n'investit pas en bourse, et qui d'ailleurs n'investit que dans des projets solidaires, responsables et durables.

20:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : international, économie, cinéma, banques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

27/03/2009

Supprimer l'impôt sur les sociétés.

C'est assez curieux de lire deux articles ou extraits d'articles dans l'édition papier de Vendredi aujourd'hui, et d'y trouver la même réflexion inachevée sur les subventions d'État aux entreprises.

En fait, le circuit est le suivant : l'impôt sur les sociétés prélève 50 milliards par an sur les entreprises petites et grandes. Ces 50 milliards prélevés sur toutes les entreprises ne suffisent pas à payer les subventions d'État aux seules entreprises du Cac 40 (les copains du présicule comme on le sait), ces subventions dépassent 50 milliards par an. Or en 2007, le bénéfice cumulé des entreprises du Cac 40 a atteint le chiffre net de 100 milliards d'Euros, dont 40 %, 40 milliard versés aux actionnaires.

Si l'on suit bien, on a donc un système où les impôts versés par le petit patron qui trime pendant 14 heures par jour servent à financer le jet par lequel le patron du Cac 40 va jouer au golf à Saint-Andrews. Est-ce bien raisonnable ?

Sans les subventions d'État, le bénéfice cumulé des premières entreprises cotées à Paris serait de ... et non : pas 50 milliards, mais un peu plus, puisqu'il faut y réintégrer le peu que ces entreprises paient d'impôt sur les sociétés. Mettons qu'au réel, leur bénéfice serait d'environ 60 milliards. La part des actionnaires serait évdiemment moindre. et donc, tout le système sert à pomper des PME pour payer les actionnaires des grosses boîtes. C'est évidemment un système qui marche sur la tête et c'est parce qu'il s'agit d'une aberration structurelle qu'elle a une part sensible dans la part structurelle des causes de la crise actuelle.

Si l'on regarde la liste des vingt entreprises qui se sont le mieux portées en 2007, on va y retrouver nombre de celles qui aujourd'hui crient famine : trois banques en particulier (BNP, Crédit Agricole, Dexia), mais aussi Renault.

Et on reprend la valse des subventions.

Mais s'il fallait plutôt traiter les causes structurelles de la crise, alors il faudrait supprimer conjointement l'Impôt sur les Sociétés et les subventions d'État aux entreprises, voir ce que ça donne, et ce serait déjà un premier acquis de s'apercevoir que le système est fait pour dépouiller les petits au profit des gros, système parfaitement injuste, désormais connu comme inefficace, à retourner.

17:44 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : économie, politique, fiscalité, crise, is, cac 40 | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/03/2009

Les bourses victimes du réchauffement climatique.

Comme je l'avais prévu, le krach boursier développe en ce moment une seconde phase. J'ai entendu récemment un investisseur blasé dire, à propos du palier qui pourrait marquer la fin de la chute : "oh, maintenant, on en est à espérer que ce sera à 2500 points (du Cac 40), quand on sera à 2500 ce sera à 2300", bref personne ne connaît le niveau du fond de la piscine.

Les systèmes boursiers ressemblent à la banquise, qui craque par grands pans de glace qui tombent.

L'effet de spirale est terrible : la baisse de la bourse pèse sur le montant des actifs, qui pèse sur le cours boursier. Et les liquidités mobilisées pour la défense des cours de bourse manquent au financement de l'économie, qui met les entreprises en difficultés, et ainsi de suite.

La bourse de Tokyo est à son plus bas niveau depuis 1983, ailleurs c'est 1997, bientôt ce sera 1975, et en France depuis la création même du Cac 40. Ils font grise mine, les amis de Sarko, les patrons du Cac 40.

Quand tout sera tombé, il faudra reconstruire. Autrement.

08:53 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, crise, bourses, cac 40, wall street | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/02/2009

Proposer des solutions aux gens.

Expliquer aux gens que l'on va résoudre leurs problèmes à leur place, c'est le traintrain, la routine, pour les partis politiques en temps d'opposition : la majorité ne gouverne pas bien, nous ferions mieux, nous résoudrions tous les problèmes. Seulement voilà, ce discours sonne creux, parce qu'il est tenu alternativement par l'un et l'autre camp, et qu'à chaque fois, les belles promesses de succès contenues dans les programmes électoraux se soldent par les mêmes échecs accompagnés des mêmes dérives.

En vérité, si les partis politiques voulaient jouer leur rôle, ils contribueraient à la propagation d'idées de solutions dont les gens eux-mêmes seraient les acteurs, et non seulement les cibles. Ils feraient effort d'humilité, ne prétendraient pas à plus que le possible, et contribueraient avant tout à la transmission.

C'est en ce sens, je crois, que Quitterie souhaite voir l'action politique se réformer, voire se révolutionner.

17:53 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, économie, crise | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

23/02/2009

Le Pen a raison.

Oh, mes lecteurs ne liront pas souvent cette phrase sous ma plume : Le Pen a raison. Il a raison quand il dénonce l'hypocrisie qui fait qu'on ne dit pas que si l'État pousse tant à la roue de la fusion des deux groupes bancaires mutualistes (Banques Populaires et caisse d'Épargne), et si ces groupes sont si peu en état de résister, c'est évidemment parce qu'ils sont dans une situation plus que périlleuse. Le Canard Enchaîné a eu l'occasion de révéler plusieurs fois les errements de la gestion de l'Écureuil, en particulier.

Absurdités du plan de relance.

Savez-vous à combien se monte le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) en France ? Une petite cinquantaine de milliards. À chaque fois que l'État subventionne une entreprise, il en pénalise une qui marche bien pour en favoriser une qui ne marche pas, et qui donc devrait être abandonnée. On marche sur la tête.

Or les subventions représentent une part énorme du produit de cet impôt, et c'est particulièrement vrai en ce moment. Le seul plan d'aide à l'automobile réprésente 10 % du produit total de l'IS pour une année. Le soutien des banques, on finit par ne plus très bien savoir, car entre les apports en capital, les prêts à taux quasi-usuraire et autres, on finit par perdre le fil. Mais c'est considérable.

Et à chaque fois, on met une entreprise en danger pour en fait ne pas sauver une entreprise qui, elle, est condamnée...

 

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15/02/2009

Quitterie : la crise ? il y a des solutions.

Demain, ce sera la nouvelle ponte des Femmes engagées. Pour les retardataires, vous pouvez encore lire les textes de la semaine dernière, consacrés à la crise, dont celui de Quitterie, qui a le talent d'aborder la crise sous l'angle des solutions.

EDIT : je signale le texte ému de SophiaMoDem sur le choix de Quitterie.

EDIT : je trouve enfin l'article du Parisien qui relate le refus de Quitterie d'occuper la tête de liste dans le Centre.

EDIT : les regrets de Pascale Zugmeyer qui n'aura pas eu le temps de rencontrer Quitterie adhérente du MoDem (mais il y a une vie après la politique !)

EDIT : et je signale ce texte qui annonce un prochain podcast de Quitterie.

EDIT : je signale aussi ce débat sur Boursorama.com

EDIT : autre débat sur le forum de Désirs d'Avenir.

EDIT : et celui sur Bayrou-MoDem.

EDIT : le très beau texte de Fred de Mai.

EDIT : l'opinion de Croissy Démocrate.

EDIT : la nouvelle sur Yahoo.

EDIT : la réaction de Diogenes.

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10/02/2009

L'économie sociale emploie un salarié sur dix.

Le monde évolue. Puisque les grands instruments du marché sont verrouillés, d'autres instrruments sont inventés par des résistants. Ils le sont dans l'économie sociale et solidaire, dans les investissements socialement responsables. L'INSEE publie une étude qui démontre qu'un salarié sur dix travaille désormais pour l'économie sociale, ce qui marque la montée en puissance de ce secteur. Utile lecture.

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03/02/2009

Taxe carbone ou TVA ?

Depuis qu'un nombre croissant de dirigeants politiques a compris les alertes du GIEC (que s'est un peu appropriées Al Gore), la question se pose de l'intégration du coût environnemental dans la détermination du prix des produits. Ce coût est notamment matérialisé par la quantité de carbone nécessaire à la fabrication ou à l'acheminement d'un produit. Comment introduire le coût marginal défini par cette quantité de carbone dans le prix du produit, de façon à permettre aux consommateurs de ne pas se trouver otages de logiques économiques destructives ? Favoriser les produits durables et pénaliser les autres.

L'hypothèse la plus élémentaire consiste à créer une "taxe carbone", tout simplement. Inconvénient : c'est une taxe de plus et, en période de difficultés financières et pécuniaires de toutes sortes, c'est un peu lourd.

Il existe des quantités d'autres techniques envisagées et j'apporte mon petit caillou à cet édifice : pourquoi pas la TVA ?

Augmenter la TVA sur les produits en fonction de leur conso carbone incluse, et la diminuer en fonction de la "propreté" de leur filière.

De la même façon, l'Europe pourrait augmenter les droits de douane en fonction de la distance parcourue par les produits (avec une pondération en fonction du mode de transport).

Le tout ne créerait pas de nouveau guichet administratif, tout juste une nomenclature supplémentaire (l'Europe est la reine des nomenclatures), et voilà.

31/01/2009

L'Eurôpital qui se moque de la charité.

Entendre les autorités françaises s'inquiéter publiquement de la solidité de l'Euro est l'une des plus épouvantables tartufferies que j'aie vues ces dernières années.

Car tout de même, ce sont ces mêmes autorités qui, par un déficit budgétaire abyssal (près de 5,5 % prévoit-on en 2009), pèsent lourdement sur l'Euro, au point d'ailleurs qu'on peut réellement se demander si ce n'est pas délibéré de leur part et si l'euroscepticisme n'est pas le vrai moteur de leur "politique" économique et budgétaire. Il faut se rappeler que notre monnaie est gagée par nos économies et surtout par nos finances publiques.

Mettre l'éventualité d'un tiraillement de l'Euro sur le dos des économies nouvelles des pays récemment entrés dans l'Europe (dont le poids est très faible), est-ce une façon de réveiller Joe le plombier polonais ? En tout cas, ceux qui, à droite, croient encore qu'ils soutiennent un gouvernement europhile doivent ouvrir les yeux. Il semble que ce soit ce qu'ils font et que l'électorat de centre droit se reporte volontiers sur le MoDem, ce qui contribue aux sondages améliorés de notre mouvement, il ne serait finalement pas illogique que le Mouvement Démocrate connaisse un certain succès aux prochaines élections européennes.

Je m'en réjouirai.

Hélas, il y a tout de même quelque chose d'un peu futile dans ce jeu électoral, quelque chose d'insatisfaisant. Comme elle l'a confié à Juan de Sarkofrance, Quitterie Delmas réfléchit à une formule politique plus directement efficace, qui ne soit pas cantonnée au strict champ politicien. La quadrature du cercle ? Peut-être. De Gaulle disait "la difficulté attire l'homme de caractère", et Quitterie est un sacré bonhomme.

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19/01/2009

Le temps du monde fini est terminé.

On connaît la devise visionnaire de la mondialisation lancée dès 1911 et qui a longtemps servi de tarte à la crème des concours de sciences politiques : "Le temps du monde fini est commencé". Elle est signée Paul Valéry et signifiait que le globe terrestre était partout défloré, sa cartographie était établie, il n'y avait plus de "terrae incognitae", l'inconnu n'était plus terrien.

Cette évolution a abouti à la globalisation, ce monde qui se connaît à tort et à travers est désormais bardé d'articulations et de connexions, il palpite en temps réel partout à la fois.

La globalisation contient l'idée de vases indéfiniment communicants : ce qui est perdu ici est gagné là et réciproquement, ce qui est fait ici agit là, le monde globalisé est pris dans le noeud gordien de l'interaction, sur lequel pèse d'ailleurs l'épée de Damoclès de l'effet papillon, qui veut qu'un insecte qui tousse en Indonésie peut provoquer un ouragan en Scandinavie, sorte de projection fantasmatique, emphatique et quasi-paranoïaque de l'idée d'interaction.

De quoi trembler, j'en ai des sueurs froides.

Pour compléter le tableau de ce monde de finitude, on nous rappelle l'idée sortie des travaux d'un penseur d'un autre âge, selon laquelle la croissance économique "capitaliste" court forcément à l'abîme, parce qu'elle tend vers l'infini, alors que sa nourriture, la matière, est finie. Le "temps du monde fini" est celui où l'on découvre la quantité de matière encore disponible pour fabriquer de la croissance économique, et, en creux, celui qui dessine l'horizon de la fin, celui du monde qui est non seulement fini, mais terminé. Game over. "À partir d'un certain âge, le temps qui passe, ça devient le temps qui reste", fait dire la cinéaste Danièle Thompson au personnage joué par Pierre Alexandre Claude Brasseur dans son dernier film en 2006. Le temps qui reste.

Et voilà.

This is the end.

Acta est fabula.

Rideau.

On a tout bouffé.

Mais non, voyons, il y a une faute de raisonnement terrible dans tout ça : ce qui fait la croissance de l'économie et de la richesse de l'espèce humaine, ce n'est pas la quantité de matière, mais l'intelligence qui exploite la matière. La valeur n'est qu'un leurre, ce qui compte, c'est l'usage.

Que l'on songe à un étang du Moyen Âge : on s'y baigne, il est fermé par une digue sur laquelle sont posés un chemin et un ou plusieurs moulins, et de temps à autre, on vide l'étang et on y ramasse le poisson et parfois même la boue qui va enrichir la terre. L'eau, c'est peu de chose, mais voici deux usages essentiels à l'alimentation humaine : la mouture du grain et la pêche des poissons, et peut-être l'engrais.

Le recyclage n'a pas d'autre idée : avec une même matière de départ, faire une chaîne d'usages successifs.

Or si la matière est finie, l'intelligence humaine, elle, est infinie. Comme le disait Jules Verne : "Tout ce qu'un homme a imaginé, un autre homme peut le réaliser" (ça marche avec "une femme" aussi). L'intelligence humaine est ce qui transforme le monde fini et global en infini, sorte de révélation, puisqu'on sait qu'à l'intérieur de la matière apparente, il n'y a jamais que ... de l'infini.

Alors voilà une leçon d'espoir, mais je dois dire que je suis un peu angoissé à l'idée d'avoir taillé involontairement une croupière à Paul Valéry. Aïe. Il faut que je m'abrite aussitôt sous l'aile d'un plus puissant que moi, Brassens, qui s'est le premier attaqué à son illustre compatriote sétois :

 

"Déférence gardée envers Paul Valéry,

Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris,

Le bon maître me le pardonne.

Et qu'au moins si ses vers valent mieux que les miens,

Mon cimetière soit plus marin que le sien

Et n'en déplaise aux autochtones !"

 

Cimetière ? Brrrr, on n'est pas pressé !